Le dernier Rapport Diagnostic de la gouvernance du Fmi met, entre autres, en lumière des progrès mais aussi des lacunes dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme au Bénin. Il illustre le chemin à parcourir pour surmonter les faiblesses de la gouvernance en la matière.
Si les poursuites pour crimes économiques et terrorisme ont augmenté au Bénin depuis la mise en place de la Criet, le nombre de procédures pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (Lbc-Ft) reste peu élevé comparé au nombre d’infractions sous-jacentes. D’après le Rapport d’évaluation mutuelle (Rem) du Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (Giaba, mai 2021), les lacunes ont trait, entre autres, à l’absence de supervision basée sur les risques pour les professions non financières désignées, à l’exploitation insuffisante des informations financières, à l’inefficacité des mécanismes de confiscation et à la coopération internationale limitée.
Pour corriger ces déficiences, le Bénin a adopté un plan d’actions afin de mobiliser la boite à outils Lbc-Ft dans des efforts plus larges de lutte contre la corruption, identifiée comme l’une des infractions les plus significatives en termes de génération de revenus criminels. Les autres principales infractions sous-jacentes sont la contrebande, la fraude fiscale, la cybercriminalité, les trafics d’êtres humains ou de drogue.
Le Rem relève que les banques font face à des défis importants en termes de collecte d’information sur les bénéficiaires effectifs et d’identification des personnes politiquement exposées (Ppe). Les institutions financières non bancaires, quant à elles, sont dans une position encore plus précaire au regard de la mise en œuvre des contrôles.
Dans le Rapport technique Diagnostic de la Gouvernance sur le Bénin de février 2023, le Fonds monétaire international (Fmi) estime que les autorités nationales devraient améliorer la coopération avec les superviseurs régionaux et explorer les voies d’une action conjointe pour améliorer la supervision basée sur les risques. A cet effet, la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) est appelée à préparer régulièrement des orientations relatives aux obligations préventives afin d’aider les entités déclarantes à mieux appliquer les contrôles Lbc-Ft et à améliorer le reporting des transactions suspectes.
En termes de respect des obligations Lbc-Ft par les Etablissements et professions non financières désignées (Epnfd), la mise en place d’une supervision ad’ hoc devrait aider à combler les lacunes. Le décret 2022-350 du 22 juin 2022 désigne le Comité national de coordination des activités Lbc-Ft (Cnca) comme superviseur sectoriel pour toutes les Epnfd, à l’exception du secteur des jeux et casinos et de celui de l’immobilier. Il est prévu que le Cnca commence sa supervision basée sur les risques courant premier trimestre 2023.
Immobilier
Dans le secteur immobilier, les vulnérabilités sont élevées du fait du poids des transactions informelles et de l’absence de supervision. Des mesures telles que la digitalisation du cadastre et l’obligation de recourir aux notaires pour toutes les transactions immobilières sont entreprises afin de réduire l’informalité. La nouvelle base de données « e-notaire » de l’Agence nationale du domaine et du foncier (Andf) autorise les notaires à vérifier en ligne l’information sur la propriété du foncier à l’occasion des transactions immobilières. L’information sur les propriétaires contenue dans la base de données est aussi accessible à la Centif et aux autres autorités compétentes sur demande. De plus, la Centif coordonne une évaluation du risque dans le secteur de l’immobilier, dont les résultats pourront aider à améliorer la compréhension des risques Lbc-Ft.
Pour le Fmi, des efforts doivent encore être consentis, malgré les avancées notées, pour renforcer l’effectif et la compétence du personnel de l’Andf dans la supervision basée sur les risques dès cette année. L’Andf pourrait étendre sa base de données pour y inclure l’information sur les bénéficiaires effectifs pour les entités titulaires de propriétés immobilières au Bénin. Cette base de données pourrait être étendue à l’information sur les bénéficiaires effectifs pour les entités titulaires de propriétés immobilières, et pleinement accessible aux autorités compétentes. A moyen terme, l’Agence doit avancer vers une plus grande publication des données relatives à la propriété foncière et immobilière (propriétaires légaux et bénéficiaires effectifs), préconise le Fmi.
En tant qu’officiers ministériels, les notaires devraient, en tout état de cause, jouer un rôle accru pour lutter contre les risques de blanchiment, en particulier au travers d’une meilleure coopération avec l’Andf et la Centif. Une première étape pourrait être la mise en place d’une base juridique pour la collecte de l’information sur les bénéficiaires effectifs à l’occasion des transactions foncières impliquant des personnes morales et la transmission à l’Andf pour inclusion dans sa base de données. En attendant la création d’une base de données complète, la mobilisation des données sur les bénéficiaires effectifs obtenues au travers de la commande publique ou de l’Agence permettrait des progrès à court terme.
Par ailleurs, il est question d’améliorer la coopération entre la Brigade économique et financière (Bef) et les autres entités de poursuite pénale : la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet), le Haut-Commissariat à la prévention de la corruption (Hcpc), la Cour spécialisée des affaires foncières, pour s’assurer que des procédures systématiques en termes de Lbc-Ft sont conduites dès lors qu’existe une infraction sous-jacente, et également d’établir les mécanismes pour la gestion des actifs saisis.
Aké MIDA
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