L’Afrique compte environ 31 kilomètres de routes bitumées pour 100 kilomètres carrés de terre, contre 134 kilomètres de routes bitumées dans d’autres régions à faible revenu. Bitumé ou non bitumé, la majorité du réseau routier africain est vétuste et dangereux. Ceci constitue donc un défi majeur pour l’évacuation des produits agricoles vers les zones de consommation dans une Afrique déjà secouée par le changement climatique, les conflits armés interminables, la corruption galopante, la pandémie de Covid-19, les incertitudes géopolitiques et l’insécurité alimentaire.
Issa DA SILVA SIKITI
« Une grande partie de la route reliant notre centre agricole à la route principale qui mène à la ville la plus proche n’est pas bitumée et n’est faite que de terre jaune. Le spectacle est désolant pendant les saisons pluvieuses car les pluies torrentielles anéantissent ces routes, rendant pratiquement impossible l’évacuation de nos produits. Quand la pluie cesse, la quantité de boue qu’elle laisse derrière est un autre obstacle. Chaque année, c’est le même problème. Nous avons alerté les autorités compétentes plusieurs fois et certaines sont venues voir mais rien n’a été fait. Vraiment, nous sommes désemparés », raconte un agriculteur de tomates.
Un autre agriculteur renchérit : « Les États sont responsables de l’insécurité alimentaire qui mine ce continent parce qu’ils n’investissent pas assez dans l’agriculture et dans les infrastructures routières. Nous avons des terres et de la main-d’œuvre mais nous manquons, entre autres, d’intrants, de moyens adéquats de stockage, la technologie pouvant nous aider à adapter nos activités par rapport aux aléas climatiques. Cependant, malgré ces défis, on produit quand même quelque chose qui nourrit nos concitoyens. Nous ne demandons pas beaucoup, tout simplement de nous faciliter la vie à évacuer le peu que nous produisons en construisant des ponts et des routes. Mais nos supplications restent vaines, au jour le jour ».
Vil prix
Dans une étude menée à Ngassa, dans l’extrême nord du Cameroun, Daniel Saïdou Bogno et Sirina, de l’Université de Maroua, ont fait ce constat amer : « Pendant la saison pluvieuse, les routes de [cette] zone constituent une entrave car elles se transforment en boue. Ce qui contribue à augmenter les coûts de transports des personnes et de leurs biens. L’état défectueux des routes rend difficile l’écoulement des produits récoltés vers les zones de consommation et oblige les agriculteurs à les livrer à vil prix aux grossistes aux risques de perdre les produits péniblement conservables ».
Le rapport souligne le rôle déterminant des infrastructures dans l’évacuation et le développement de l’agriculture, ajoutant qu’elles contribuent efficacement à l’épanouissement des zones rurales. Il insiste aussi sur l’importance des routes dans la connexion avec d’autres terroirs. » L’absence de servitude dans un terroir à vocation agricole est synonyme de sous-développement. Les conditions de l’épanouissement de l’agriculture résident dans la combinaison des facteurs aussi bien naturels, humains, économiques qu’infrastructurels. Si un seul des éléments manque ou est insuffisant, l’agriculture décline ».