Quelques jours après la décision de Bamako de fermer ses frontières terrestres et aériennes aux Etats parties prenantes de la sanction prononcée par la Cedeao contre le Mali, la France qui, elle aussi, a affirmé soutenir les mesures prises par les dirigeants ouest-africains,n’a pas tardé à négocier la reprise de ses vols vers Bamako. Comme à leur habitude, les Etats ouest-africains restent inchangés sur cette option qui ne leur coûte qu’une ardoise salée.
Sylvestre TCHOMAKOU
La réciprocité entendue et mise en œuvre par le Mali au lendemain de la décision des dirigeants de la Cedeao,soutenus par la France, de lui fermer les frontières terrestres et aériennes,n’aura pas tardé à montrer de grandes conséquences économiques collatérales sous estimées par les parties opposées à Bamako.Pendant que les pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) se sont résolument engagés à appliquer les sanctionsdécidées au dernier sommet des dirigeants de la zone ouest-africaine, ce, en banalisant les contraintes de l’intégration africaine et leurs intérêts économiques et financiers,la France par le biais de sa compagnie Air France a négocié en douceavec le Mali pour la reprise de ses vols via Nouakchott. En effet, à travers une requête en date du 10 janvier 2022, le Chef d’escale Adjointe d’Air France Bamako a sollicité les droits de trafic sur la liaison CDB-BKO-NKC et retour à compter du 13 janvier 2022 jusqu’à l’ouverture des frontières aériennes avec les Etats membres de la Cedeao. Donnant suite à cette requête qui prouve à suffisance que le Mali n’est pas seulement demandeur de services, mais offre aussi des opportunités à tous ses partenaires, l’Etat malien s’est décidé, le 13 janvier 2022,à donner son « accord, à titre exceptionnel » pour l’approbation de changement de route en attendant l’ouverture des frontières, tel que souhaité par Air France.A n’en point douter, la fermeture des frontières unilatéralement décidée par les dirigeants ouest-africains (Cedeao/Uemoa)avec le soutien de Paris et de l’Union européenne (UE)se trouve désormais être une pilule amère à avaler par la plus haute hiérarchie des décideurs en raison des dommages financiers auxquels elle expose les multinationales françaises et européennes,menant leurs activités surBamako.
Pays enclavé, mais…
Cettesituation illégitime semble être la meilleure voie pour les dirigeants ouest-africains qui, par leur décision illégale (suivant les statuts de la Cedeao et de l’Uemoa), semblent conduire le Mali à une situation similaire à celle de la Libye du temps de Mouammar Kadhafi. Bien qu’enclavé, ne disposant pas de Port, Bamakogarde de gros avantages économiques qui entraineront de grosses pertes pour les Etats voisins tels le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Niger. Avec une économie ouverte dans laquelle le commerce représente environ 58% du PIB, le Mali contribue à l’économie de nombre d’Etat de la zone.Selon les données de BNP Paribas, le Sénégal représente 20,5% des importations totales du Mali, passant ainsi premier fournisseur du pays, suivi de la Chine (15,2%), de la Côte d’Ivoire (9,7%) et de la France (7,9%).L’essentiel des exportations du Mali est destiné à l’Afrique du Sud (41% des exportations totales), suivie de la Suisse (21,4%), du Burkina Faso (6,1%), du Bangladesh (5,8%) et de la Côte d’Ivoire. Toujours selon BNP Paribas, le Mali est également un importateur net de services.La valeur des importations de services commerciaux s’est élevée à 1,3 milliard USD, contre 469 millions USD d’exportations. Les chiffres de la Banque mondiale montrent que la balance commerciale globale était négative de 11,3% du PIB du pays en 2019 (contre -11,1% un an plus tôt).Tenant compte de ces statistiques, la fermeture des frontières, au-delà de causer du tort au Mali, impactera négativement l’économie des Etats fournisseurs du pays, tels le Sénégal, la Côte d’Ivoire. Le Mali devrait pouvoir compter sur d’autres partenaires proches (Guinée, Algérie, Mauritanie) pour ses importations et exportations. Dans un contexte de mise en place de la Zlecaf, le mieux pour les Etats de la Cedeao est d’aller au dialogue tout en respectant la volonté du peuple malien.