Les principales priorités agricoles du Bénin ont pendant longtemps été de se concentrer sur le développement de la production et de tirer parti des possibilités immédiates sur les marchés locaux, régionaux, et potentiellement à l’exportation. Aujourd’hui, la transformation des produits locaux a la chance de se retrouver dans le viseur du gouvernement. L’industrie des fruits dans son ensemble est très large, mais ses possibilités sont spécifiques. Ainsi, la production de jus de fruits naturels, en particulier le jus d’ananas est en forte progression. Plusieurs béninois innovent pour mettre sur le marché une panoplie de gamme de jus de fruits. Houngbé Gérard, s’investit depuis quelques années dans la production des jus de marque Zouma. Dans cette interview, il révèle les pistes de production ainsi que les difficultés et besoins du secteur.
L’Economiste : Présentez nous la marque Zouma.
Houngbé Gérard : La marque Zouma est une industrie organisée et structurée de transformation. Elle comporte plusieurs catégories de jus de fruits. Actuellement nous nous investissons beaucoup plus dans le jus d’ananas. Nous n’ajoutons rien comme complément. Une bouteille de jus d’ananas de marque Zouma comporte uniquement le jus d’ananas cru. Nous n’y ajoutons aucune goute d’eau, ni de morceau de sucre. Après la pasteurisation et nous embouteillons pour commercialiser. Donc Zouma est un jus d’ananas naturel.
Pourquoi avoir choisi l’ananas particulièrement ?
L’ananas c’est un don que DIEU nous a fait au Bénin. La qualité d’ananas que nous avons au Bénin n’existe nulle part au monde. L’ananas ‘’pain de sucre’’ est une variété propre au Bénin, très appréciée partout pour son goût sucré. De plus, lorsque le fruit est mûr, il faut en même temps faire la récolte et vite distribuer. Si ça tarde à l’étape fruit, ça va pourrir. Et donc, le meilleur grenier de l’ananas c’est la bouteille parce que ce n’est pas un fruit qu’on peut stocker sur une longue période.
Peut-on dire aujourd’hui que le Béninois consomme le produit local ?
Le Béninois a commencé par consommer le local. Reste à faire un travail énorme sur la qualité, l’organisation, la sensibilisation et la communication. Mais il faut que l’Etat subventionne la promotion du jus d’ananas. Dans notre pays, soutenir l’expansion et le développement du secteur de la transformation des fruits (et en particulier le financement du fonds de roulement) est critique. Alors que le marché des jus de fruit est une occasion d’accroître la capture de valeur ajoutée.
Que pensez-vous de l’organisation de la filière ?
Au Bénin, nous les producteurs de jus de fruit ne sommes pas du tout organisés. Là ou ça fait mal, ce désordre laisse libre cours à beaucoup de faussaires qui déversent sur le marché, du n’importe quoi comme jus. Ils n’ont aucune maitrise de la chose. Alors qu’au-delà de la production des jus, c’est tout le processus d’emballage et de conservation qui doivent être sécurisés afin de s’assurer que le produit final est sans danger. Malheureusement, le client cherchant ce qui est moins cher, achète et consomme sans se soucier du vrai contenu.
Quels sont les difficultés de votre secteur ?
Le problème principal de cette filière, c’est l’accès au fonds de roulement. Nous n’accédons pas facilement au financement. Lorsque nous faisons des demandes de crédits auprès des structures de financement, elles sont réticentes. C’est une situation extrêmement difficile. Passer à une production industrielle reste une gageure pour les producteurs comme nous, qui peinent à décrocher des financements pour se développer. Mais l’agence territoriale pour le développement agricole a lancé quelque chose pour nous aider. Nous sommes en train de faire les formalités pour voir ce que ça va donner. De plus, nous avons envoyé nos plans d’affaires au Fonds national du développement agricole et nous attendons le retour.
En ce qui concerne la disponibilité de la matière première, peut être que lorsque la demande va faire monter la production nous aurons des difficultés à trouver la matière première parce qu’elle est exportée en grande quantité et nous avons aussi beaucoup de producteurs de jus d’ananas qui exportent vers le Burkina-Faso. Pour le moment, nous ne produisons pas encore assez à cause de la demande qui reste encore faible. Pour le moment, il y a vraiment de la matière à transformer. Mais, attention les mois de janvier et février, ne sont pas des mois pour produire le jus d’ananas. En effet, l’harmattan assèche totalement le fruit et quand vous l’acheter pendant cette période, vous rouler en perte.
Que faites-vous pour améliorer la relation de confiance producteurs-clients ?
Au-delà de la production des jus, c’est tout le processus d’emballage et de conservation qui doivent être sécurisés afin de s’assurer que le produit final soit sans danger. Je suis allé dans des usines de production où les méthodes de travail sont d’abord risquant pour la consommation. Chez nous, les règles d’hygiène et les normes sanitaires ne sont pas à négliger. C’est pour cela que j’ai démarré ma production avec un technologue spécialisé en la matière. Quand il n’est pas là, on ne touche à rien.
Une entreprise c’est d’abord la création de richesse mais aussi d’emploi, combien de salarié compte votre usine ?
Nous avons des équipes de jour et des équipes de nuit. Chaque équipe est composée d’au moins 13 salariés. Mais il arrive des moments où nous n’avons rien à faire parce qu’il n’y a pas de commande. Pour le moment, nous n’avons pas forcément besoin d’aller en Italie ou en chine pour acheter des machines avant de produire. Nous avons une main d’œuvre travailleur et de qualité.
Un message à l’endroit des promoteurs de restaurants, bars, complexes hôteliers…
Je leur demande de nous faire confiance et de nous aider à nous rapprocher davantage des consommateurs. Il y a des produits importés qui continuent de coloniser ces structures alors que nous, nous n’y avons même pas accès. Les restaurants n’ont qu’à acheter un grand congélateur afin d’y proposer la diversité de jus que nous produisons au Bénin.
Réalisée par Félicienne HOUESSOU