L’invasion de l’Ukraine par la Russie a provoqué une flambée exceptionnelle du prix du pain en Afrique. Depuis lors, bon nombre d’observateurs se posent la question de savoir pourquoi la culture du blé n’est pas développée en Afrique.
Issa SIKITI DA SILVA
La culture du blé existe déjà en Afrique depuis des décennies dans des pays comme l’Ethiopie, le Maroc, l’Egypte, l’Algérie, le Nigeria, l’Afrique du Sud, le Soudan, le Kenya, la Tanzanie, le Zimbabwe et la Zambie. En 2021, l’Égypte a produit 9 millions de tonnes de blé, mais l’Éthiopie semble produire plus de blé et consacre plus de terres à la culture que tout autre pays d’Afrique subsaharienne.
En moyenne chaque année, l’Afrique subsaharienne ne produit que près de 30 millions de tonnes de blé, et pourtant la consommation de blé en Afrique augmente plus rapidement que dans toute autre région du monde, et va atteindre 76,5 millions de tonnes en 2025, selon un rapport publié en septembre 2019 dans l’International Journal of Climate Change Strategies and Management.
Cependant, malgré les études récentes sur le potentiel et la rentabilité de la production de blé dans le continent, cette culture reste moins développée, forçant les 54 pays à dépenser d’énormes montants de devises pour importer cette importante céréale chère à la fabrication du pain.
Le Nigeria, qui ne produit qu’à-peu-près 63 000 tonnes de blé, dépense au moins 4 milliards de dollars chaque année pour importer des quantités devant satisfaire sa demande locale de près de 5 millions de tonnes, selon les médias nigérians.
Des défis énormes
Bien que les défis soient énormes, certains agriculteurs ont laissé entendre qu’il y avait un certain manque de volonté politique de la part des gouvernements d’essayer de relever ces défis en vue de développer cette culture négligée depuis les indépendances.
Matthews, un agriculteur africain qui cultive des tomates, des choux, des pommes et du gingembre, explique à l’Economiste : « C’est comme ça que marche l’Afrique. C’est seulement lorsqu’il y a une urgence que tout le monde se mobilise pour chercher des solutions. Au moment où l’on parle, des réunions urgentes se tiennent sous coulisse entre les autorités, les financiers et les agriculteurs pour chercher des voies et moyens de développer la culture du blé ».
Il existe un énorme potentiel d’expansion de la production de blé dans les zones de blé non traditionnelles en appliquant des pratiques améliorées de gestion des cultures et en mettant en place une politique favorable pour permettre la disponibilité et l’accessibilité des intrants, des services de vulgarisation, des infrastructures de transport et de commercialisation, soulignent Wuletaw Tadesse, Zewdie Bishaw et Solomon Assefa de l’International Center for Agricultural Research.
Selon ces trois experts, les défis de la culture du blé en Afrique comprennent, entre autres, le changement climatique, caractérisé par une augmentation de la température (chaleur), des précipitations insuffisantes et irrégulières (sécheresse) ou parfois des précipitations excessives (inondations). Et lorsque ces défis sont combinés avec des ravageurs et des maladies virulentes, la productivité devient moins prévisible.
En outre, la faiblesse des investissements publics et privés, la faiblesse des systèmes de vulgarisation, des politiques agricoles inappropriées et le faible taux d’adoption des nouvelles technologies restent des défis majeurs pour la production de blé en Afrique, selon certains experts.