Apres un règne sans partage de plus de cinq décennies marqué, entre autres, par la chute du Mur de Berlin, l’éclatement de l’Union Soviétique, l’expansion de l’Union Européenne, l’ouverture de la Chine et son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, la mondialisation – qui s’était accélérée vers les années 70 – semble montrer des signes d’essoufflement.
Issa SIKITI DA SILVA
Si pour certains observateurs, les sanctions économiques sévères imposées à la Russie pour avoir attaqué l’Ukraine auraient été le déclencheur de ce malaise économique, d’autres par contre citent la montée des politiques populistes, le Brexit, le Trumpisme, le retour au protectionnisme et le déclin de l’influence de l’OMC comme étant des moteurs de la démondialisation.
Les sanctions imposées par l’Occident à la Russie semblent avoir lancé un signal fort à la Chine qui cherche maintenant à se positionner au cas où les « balles » commenceraient à crépiter dans sa direction.
Pendant que plus de 300 grandes entreprises occidentales, y compris les géants pétroliers Exxon et Shell, ont presque fait leurs valises et ont annoncé vouloir quitter la Russie, près de 80% des entreprises américaines ayant des usines en Chine – l’usine du monde – sont en train ou envisagent de déplacer leurs opérations vers d’autres pays.
Alors que les USA préparent à exclure les entreprises chinoises cotées à Wall Street des marchés de capitaux américains au cours des trois prochaines années, la Chine poursuit l’internationalisation de sa monnaie, le yuan, dans sa quête de dominer le monde et supplanter le dollar américain.
A en croire certains observateurs, l’alliance anti-occidentale Russie-Chine, l’invasion probable du Taiwan par la Chine, la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales causée par le Covid-19, les guerres commerciales, la peur de nouvelles tensions entre la Chine et l’Occident et le sentiment populiste contre la libre circulation des biens, des capitaux et des personnes, sont des signes avant-coureurs de la fin de la mondialisation et du début d’une révolution géopolitique irréversible.
En cours
La plus grande preuve de démondialisation en cours se trouve peut-être dans l’imaginaire politique actuel des démocraties et des États autoritaires, souligne le Chatham House, un think-tank britannique basé à Londres.
« Certains considèrent que le monde est entré dans une période de démondialisation, citant des événements récents tels que le Brexit, le Trumpisme et la baisse des investissements directs étrangers au cours de la dernière décennie », ont indiqué Professor Markus Kornprobst et Jon Wallace dans une tribune sur la démondialisation publiée sur le site de Chatham House.
Cependant, il y a ceux-là qui refusent de sombrer dans le pessimisme et qui continuent de croire dur comme fer que le glas de la mondialisation n’a pas encore sonné.
« Peut-être que les pessimistes se préoccupent moins des enjeux économiques que des enjeux géopolitiques. Et pourtant, le commerce mondial continue de prospérer. Si la démondialisation arrive, elle n’est pas encore évidente dans les statistiques. Le volume du commerce mondial au début de 2022 était d’environ 9% supérieur à celui juste avant la pandémie, malgré un ralentissement du commerce en Chine au début de 2022 », a indiqué Ira Kalish, économiste en chef chez Deloitte Touche Tohmatsu Ltd.
« En fait, le commerce s’est accéléré ces derniers mois. Des indicateurs récents de tension sur la chaîne d’approvisionnement montrent que les entreprises mondiales continuent de lutter pour satisfaire une forte demande mondiale de biens échangés. S’il y avait démondialisation, les chaînes d’approvisionnement se replieraient sur elles-mêmes », a poursuivi ce spécialiste de l’économie mondiale.