La fermeture de la frontière aura des conséquences particulièrement négatives pour les commerçants, en particulier ceux de l’informel, tant au Bénin qu’au Nigéria, car les deux économies sont étroitement liées, a rapporté mardi le Brookings Institution, un think-tank basé à Washington.
ISSA SIKITI DA SILVA
Les affaires de Rita (pas son vrai nom), une exportatrice informelle béninoise du riz asiatique vers le Nigeria, tournent au ralenti depuis bientôt deux mois.
« Le riz continue à s’accumuler dans nos entrepôts parce que la frontière est toujours fermée. La situation est très critique. Les affaires ne marchent pas, rien ne marche. On continue à espérer que le gouvernement nigérian va revoir sa décision d’ici la fin de ce mois. Sinon, on va faire faillite et on serait obligé de fermer les portes et renvoyer tous ces travailleurs chez eux », a déclaré la commerçante, visiblement soucieuse.
Les exportations béninoises frauduleuses du riz vers le Nigeria seraient l’une des causes de la fermeture de la frontière terrestre entre les deux pays.
C’est depuis 2004 que le Bénin avait été instruit de ne plus exporter le riz au Nigeria. Selon Abuja, la mesure visait à protéger l’agriculture du pays et booster la production locale du riz et sa vente. Mais l’interdiction est passée inaperçue et la contrebande, comme Rita en fait partie, a continué sous le nez des autorités de Porto-Novo.
Voitures d’occasion
Richard, originaire du Bénin et Ahmed, un nigérien, sont coincés depuis la fermeture de la frontière. Les deux amis sont partenaires dans un business des voitures d’occasions transportées illégalement au Nigeria.
« C’est un gouvernement médiocre qui prend des décisions médiocres, lesquelles n’affectent que le petit peuple parce que, eux, les riches vivent à l’aise dans leurs palais, tandis que la majorité souffre », a martelé Richard, face à l’intransigeance du gouvernement d’Abuja.
Environ 10 000 voitures d’occasion venant d’Europe arrivent au port de Cotonou chaque mois et la plupart sont vendues frauduleusement au Nigeria, selon la BBC.
Face à l’impuissance des autorités béninoises de stopper ces exportations dites « illégales », ce commerce continue à prospérer, créant un web d’emplois directs et indirects, lesquels nourrissent des centaines des familles béninoises.
« Ce commerce informel génère des revenus et des emplois substantiels au Bénin, et le gouvernement béninois perçoit des revenus substantiels sur le commerce dit « d’entrepôt », c’est-à-dire des marchandises importées légalement et soit réexportées légalement au Nigéria, soit transportéesillégalement et vendues au Nigéria par la contrebande », ont souligné les experts de Brookings Institution, Stephen Golub, Ahmadou Aly Mbaye and Christina Golubski, la directrice adjointe de l’Africa Growth Initiative.
Le document est intitulé « The Effects of Nigeria’s Closed Borders on Informal Trade with Benin », et est publié sous la rubrique Africa Focus.