La contrebande du carburant au Bénin emploie environ 40 000 personnes, soit à peu près autant que le secteur public du pays, tandis que les emplois directs et indirects résultant de la contrebande de voitures d’occasion sont estimés à environ 15 000 à 100 000 personnes, a révélé le Brookings Institution la semaine dernière.
Issa SIKITI DA SILVA
La fermeture de la frontière bénino-nigériane, qui dure depuis belle lurette, menace ces emplois et semble avoir déjà fait disparaitre une douzaine, selon une enquête mené par l’Economiste sur le terrain.« Cela fait un mois et demi que je ne vends plus rien parce que nos sources de ravitaillement au Nigeria sont coupées », affirme Alain, un vendeur d’essence de contrebande à Cotonou.« J’ai une femme et deux enfants que je nourris grâce à ce petit commerce. Si on l’interdit définitivement, qu’allons-nous faire ? s’interroge-t-il.
Flambée des prix
Le constat est amer dans les rues de la capitale commerciale du Bénin, où les conducteurs de voitures et des motos s’inquiètent de la flambée des prix de l’essence de contrebande. « Les prix augmentent au jour le jour, et ça ce n’est pas un bon signe. Les pauvres vendeurs n’ont pas le choix parce que leurs sources de ravitaillement sont peut-être compromises à cause de la fermeture. Celui-ci au moins continue à opérer, les autres ont tout simplement disparu », indique Patrick un conducteur de mototaxi.Chez les contrebandiers de voitures, les esprits se chauffent et le désespoir gagne du terrain, poussant certains à politiser l’affaire. « Les affaires tournent au ralenti. C’est tout ce que je peux te dire pour le moment. Zéro voiture vendue au Nigeria pendant tout le mois d’octobre. Franchement, on ne sait plus comment s’en sortir », déclare un homme. « C’est la faute de Patrice Talon. Il fallait qu’il se rabaisse au début de cette affaire et demander pardon à son grand-frère Buhari pour le tort que nous leur avons causé. La frontière serait déjà rouverte et nous aurions pu continuer faire nos affaires comme d’habitude », martèle un contrebandier de voitures d’occasion.
Effets à long terme
Bien que le commerce transfrontalier informel génère environ 20% du Produit intérieur du Benin (PIB) du Bénin, les conséquences de la paralysie de secteur sur le revenu national béninois s’avèrent mitigées.Cependant, comme l’indiquent les experts de Brookings Institution, les effets à long terme sur la croissance économique et la diversification peuvent être négatifs.« Le commerce transfrontalier informel attire les talents d’entrepreneurs dans des activités informelles illégales ou semi-légales plutôt que dans des secteurs potentiellement plus productifs », expliquent-ils dans un document d’analyse publié la semaine dernière.En conclusion, ils déplorent l’implication des représentants du gouvernement à tous les niveaux de l’activité informelle, laquelle selon eux, rend la réforme beaucoup plus difficile.