Les Béninois ont vécu des heures particulièrement éprouvantes avec le réseau GSM MTN au cours de la semaine dernière. En application présumée des dispositions du code général des impôts 2022, MTN a procédé à l’augmentation des tarifs de transfert d’argent. Les réactions suscitées par cette décision du réseau MTN l’ont contraint à la rapporter sans autre forme de procès. Pendant ce temps le réseau concurrent distillait des messages de maintien de ses tarifs prouvant qu’il est une entreprise citoyenne.
Jean-Claude KOUAGOU
« Dans le cadre de l’application de la loi 2021-15 du 23 décembre 2021 portant code général des impôts en République du Bénin, entrée en vigueur le 1er janvier 2022, une taxe contributive de 5% sera appliquée sur vos frais de retrait, de transfert d’argent nationaux et régionaux via MTN Mobile Money à compter du vendredi 11 mars 2011 ». L’avertissement est entré en vigueur conformément au message. Il n’en fallait pas plus pour susciter le mécontentement et même la colère des abonnés. Le président de Bénin Santé et Survie du consommateur, Ernest Gbaguidi, très remonté ne s’en cache pas. Il l’exprime avec amertume : « Nous avons été remontés. Nous sommes dans un Etat de droit et MTN est cet opérateur coutumier des faits. Il y a quelques années, lorsque l’Etat avait décidé de prélever des taxes sur les bonus, on a vu cet opérateur qui a créé une perturbation au niveau du service en son temps ». Car, l’application de cette nouvelle grille tarifaire qui fait passer le coût de transaction des transferts inférieurs ou égaux à 5000F CFA de 100F à 116 F CFA, était une souffrance supplémentaire pour les populations déjà soumises à une kyrielle de taxes et d’impôts. L’indignation suscitée par cette mesure du réseau MTN a provoqué une rencontre entre les services compétents du ministre des finances et les responsables du Réseau dans la journée du lundi 14 mars. A l’issue de cette rencontre de crise, MTN aurait été sommé de revenir sur sa grille tarifaire initiale. Dans la journée du mardi 15 mars 2022, il a été constaté que les tarifs sont revenus à la normale. Le communiqué publié par MTN à cet effet précise que: « (…) suite à la séance tenue avec l’administration fiscale relative à la situation de ses abonnés qui ont été affectés par l’augmentation récente des frais de retrait et de transfert d’argent nationaux et régionaux via MTN Mobile Money, MTN décide à compter de ce jour de revenir à sa précédente grille tarifaire. » Mais il y a un hic. En effet, MTN précise au deuxième paragraphe « qu’avec le gouvernement, MTN mettra tout en œuvre pour trouver la formule la plus adaptée et fera des annonces en temps opportun. » Cela suppose qu’il y a anguille sous roche. Il se pose manifestement un problème d’interprétation de la loi que chacun exploite à son profit au détriment des consommateurs des produits GSM. Dans la journée du jeudi 17 mars 2022, MTM MoMo a procédé à la restitution des frais supplémentaires des transactions opérées.
Ce que prévoit le code des impôts
Le code général des impôts en vigueur a édicté une pléthore de nouvelles mesures fiscales imposées aux citoyens, aux entreprises. Le chapitre XIV du code général des impôts du Bénin est consacré à la contribution sur la vente de services de communications électroniques sur les réseaux ouverts au public. Ce chapitre prévoit en son article 293-19 que « le taux de la contribution est fixé à 5% du prix de vente hors taxe du service ». Les articles 293-18 et 293-20 prescrivent que : « la contribution est collectée par l’opérateur ou le fournisseur ayant délivré le service » et que « les modalités de déclaration, de contrôle et de recouvrement, ainsi que les obligations et sanctions sont celles prévues au chapitre premier du présent code relatif à la taxe sur la valeur ajoutée ». A la lecture de cette disposition, le réseau Moov Africa Bénin avait adressé le message que voici à ses abonnés : « chers clients, en application du Code général des impôts en vigueur, une taxe de 5% a été ajoutée à vos frais de retrait ». Sur sa page Facebook officielle, l’opérateur MTN s’était empressé de rassurer ses clients d’un fake-news qui tablait sur l’augmentation de ses tarifs en janvier dernier. « Nos tarifs restent jusque-là inchangés », avait soutenu MTN. Moov Africa Bénin est revenu plus tard à la charge en clarifiant : « cher client, tes nouveaux frais de retraits Moov Money restent moins chers. Tes transferts d’argent au Bénin restent à 0f. »
Les indiscrétions
Un activiste des réseaux sociaux rapporte ce qui suit : « Le gouvernement a fait l’option de ne pas taxer les opérations de transferts d’argent, de ne pas taxer la transaction parce que le gouvernement est conscient qu’il s’agit là d’un outil d’inclusion financière et qu’il n’est pas nécessaire de taxer cette transaction. Ce qui est taxé, c’est la commission ou la rémunération que perçoit la maison GSM». Selon ces propos du Directeur Général des Impôts Nicolas Yènoussi, il ne revient pas au consommateur final que nous constituons de payer les 5% de taxe transfert, mais c’est plutôt sur les réseaux de téléphonie mobile que le gouvernement doit prélever les 5%. Mais pourquoi aujourd’hui c’est sur le consommateur final que MTN Bénin applique ces taxes ? Pourrait-on se demander légitimement. L’arbitrage de l’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (ARCEP-BENIN) est vivement souhaité pour tirer au clair cette ténébreuse affaire qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive.
« Il faut suspendre la licence de MTN » dixit Ernest Gbaguidi
Nous avons été très remontés lorsque nous avons eu vent de l’augmentation des frais d’envoi et de retrait d’argent par le réseau MTN sur les réseaux sociaux. Cette position de MTN Bénin qui aurait voulu nous faire porter une taxe qui n’est véritablement pas celle des consommateurs. Nous sommes dans un Etat de droit et MTN est cet opérateur coutumier des faits. Il y a quelques années, l’Etat a voulu opérer des prélèvements sur des bonus que les opérateurs accordaient aux abonnés qui n’étaient rien que des manœuvres mises en place pour nous gruger. Et lorsque l’Etat avait décidé de prélever ces taxes, on a vu cet opérateur qui, non seulement a réagi, mais a créé une perturbation au niveau du service en son temps. Ce qui est très étonnant, c’est que les autres opérateurs GSM n’ont pas réagi à ce que je sache. Pourquoi toujours MTN veut se comporter de cette façon. Et quand nous avons suivi la sortie du Dg des impôts, la décision est quand même bien claire cela ne concerne pas les consommateurs et cela ne devrait pas les concerner en ce sens que, nous ne sommes ni vendeurs, ni commerçants. Sur quelle base l’Etat va prélever des taxes sur nos sous que nous avons déposés en ce temps où on est en train de mettre tout en œuvre pour corriger le taux de bancarisation ? Je veux parler aussi de l’inclusion financière qui préoccupe tous les Etats de la sous-région. Je ne pense pas que cela soit opportun de faire porter des frais supplémentaires aux consommateurs des produits GSM. Et même si l’Etat demandait de le faire porter, ça devrait interpeler ces opérateurs-là parce ce qu’ils devraient se demander, est-ce que les consommateurs ne vont pas boycotter ce service-là au cas où de pareils prélèvements seraient effectués. Dans l’un ou dans l’autre des cas, l’Etat devrait siffler la fin et que cet opérateur soit mis en demeure non seulement pour rétablir le service et les tarifs antérieurs mais aussi rembourser tous ceux à qui les prélèvements ont été faits en cette période. Les prochaines fois, je pense qu’il faut suspendre simplement la licence de MTN parce qu’un opérateur économique ne peut pas vouloir vraiment se mettre aux travers des dispositions de la République. Nous voulons demander aux consommateurs de rester sereins et d’être à l’écoute. Cet opérateur va pouvoir nous faire rembourser tout ce qui a été prélevé. La 2ème chose, s’il ne le fait pas, nous allons commencer par boycotter ses services. Comment nous allons faire ? Nous allons utiliser le service créé par le régulateur, je veux parler de la portabilité pour atteindre cet objectif. On devrait pouvoir utiliser le service de portabilité pour sanctionner cet opérateur. En quoi faisant ? Tous les abonnés vont demander qu’on les ramène au niveau du second opérateur simplement. Ils vont toujours garder leurs numéros. Et il aura constaté cette hémorragie, je crois que ça pourra l’amener à comprendre que le consommateur est libre de ses choix. Nous allons profiter de cette occasion pour sensibiliser les consommateurs.
Propos recueillis par Jean-Claude KOUAGOU