En cette période hostile post-Covid pendant laquelle les pays, notamment les plus endettés, peinent à panser les plaies de leurs économies, plusieurs observateurs se demandent pourquoi les banques centrales n’impriment-elles pas de l’argent pour résoudre la crise, y compris en le remettant directement aux ménages sous forme d’aide sociale ou aux opérateurs économiques ?
Issa SIKITI DA SILVA
Quatre experts du Fonds monétaire international (FMI), soutiennent que la création monétaire en temps de crise a un effet plus fort sur la demande globale qu’une relance budgétaire financée par la dette. Cela aiderait à relancer la demande et booster l’économie. Appelée « monnaie hélicoptère », et fortement recommandée en 1969 par le monétariste Milton Friedman dans son livre « The optimum quantity of money », cette théorie – décrite par certains comme folle et rendue caduque grâce au succès des banques centrales à combattre l’inflation semble avoir refait surface ces derniers temps. Selon Stanislas Jourdan, un expert de Positive Money Europe, la monnaie hélicoptère fonctionnerait en stimulant la consommation. Elle empêchait l’accumulation d’arriérés privés et des créances douteuses, tout en limitant la charge supplémentaire de la dette publique qui autrement aurait été engendrée par la crise.
Positive Money Europe soutient que la monnaie hélicoptère pourrait affaiblir la récession à court terme et à long terme pour faire redémarrer l’économie. Selon quatre experts du Fonds monétaire international (FMI), ceux qui soutiennent la création monétaire en temps de crise soulignent qu’elle a un effet plus fort sur la demande globale qu’une relance budgétaire financée par la dette. « Parce qu’il n’y a pas d’augmentation de la dette publique, la création monétaire n’a pas besoin d’être payée avec de futures hausses d’impôts, ce qui rend les consommateurs plus susceptibles de dépenser », expliquent Itai Agur, Damien Capelle, Giovanni Dell’Ariccia et Damiano Sandri dans une tribune publiée récemment sur le site de l’organisation de Bretton Woods. « Si les investisseurs perdent soudainement confiance dans la viabilité de la dette, la banque centrale peut éviter un défaut en monétisant partiellement la dette. Il est important de noter que si la banque centrale s’engage dans cette stratégie – et n’abuse pas de son pouvoir de monétiser la dette en dehors des cycles auto-réalisateurs – il est peu probable que les investisseurs perdent confiance en premier lieu, sans que la banque centrale n’intervienne », ajoutent-ils.
Risques
Imprimer de l’argent pose un vrai risque et peut éroder la valeur réelle de la monnaie d’un pays, entraînant une dangereuse hyperinflation, avertit Thierry Mezeret dans le journal les Echos, (lesechos.fr). A en croire ce professeur de finance, plusieurs arguments appuient l’hypothèse du “soutien à l’économie” (par le biais des achats illimités des obligations) plutôt que de la “monétisation de la dette” (via la création monétaire). Selon le FMI, la création monétaire pourrait ouvrir la voie à une domination budgétaire dans laquelle les décisions de politique monétaire sont subordonnées aux besoins budgétaires du gouvernement. « La perte de confiance qui en résulterait dans la capacité de la banque centrale à maintenir l’inflation à un niveau bas et stable pourrait conduire à une hyperinflation, comme cela s’est produit par exemple dans le cas bien connu du Zimbabwe en 2007-2008 », ont expliqué les experts précités. « Une expansion monétaire a des effets modestes sur l’inflation dans les pays ayant une forte indépendance de la banque centrale, une faible inflation initiale et de faibles déficits budgétaires. Mais les effets sont beaucoup plus forts si l’indépendance de la banque centrale est faible, l’inflation élevée et les déficits budgétaires importants. L’analyse détecte également des effets non linéaires considérables. Alors que de petites expansions de la base monétaire sont associées à de modestes augmentations de l’inflation, de fortes expansions monétaires peuvent avoir des effets beaucoup plus importants sur l’inflation », concluent-ils.