Le mois d’octobre est la période proposée par les chefs d’Etat de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) et la Commission de l’Uemoa pour promouvoir la production locale. Nous avons rencontré dans ce cadre plusieurs acteurs à divers niveaux dont nous vous livrons dès aujourd’hui et durant tout le mois d’octobre, les avis et opinions. Dans ce numéro de la tribune dédiée au « consommons local», nous avons reçu Enoch Hounkpè, gérant principal de WANGNIGNI-229, centrale d’achat et de distribution de produits made in Benin. Lisez…
Wangnigni 229, c’est quoi ?
Wangnigni 229, c’est une centrale d’achat et de distribution des produits made in Benin. Notre mission, c’est de vraiment rendre visibles, de communiquer et de rendre disponibles les produits made in Benin et de les rapprocher des consommateurs.
Vous avez pris part à un Forum de promotion du consommons local, parlez-nous en.
Notre présence-ici est justifiée par le fait que, c’est notre mois, le consommons local. Un mois qui a été réservé par l’Uemoa pour faire la promotion de ce qui est produit de mieux dans nos pays. C’est pour cette raison que le FORINCLE a été organisé pour faire connaître les produits mais aussi et surtout faire des communications, des sensibilisations pour partager avec les populations les procédés pour rendre leurs produits beaucoup plus compétitifs ; comment faire et quelles sont les informations dont elles ont besoin pour mettre sur le marché des produits de qualité parce que vous n’êtes pas sans savoir qu’il n’y a pas de producteur à part, des consommateurs à part. Nous sommes à la fois producteurs et consommateurs. Donc il est important que les produits que allons mettre sur le marché, soient de bonne qualité et c’est pour ça que tous les acteurs des mécanismes qui accompagnent l’entrepreneuriat dans notre pays sont associés à ce Forum, y compris nous qui sommes Centrale de distribution, pour venir dire aux Béninois, pour quoi ils doivent consommer local, les produits de chez eux.
Justement, pourquoi doit-on consommer local ?
La consommation locale renforce le tissu économique. Le fait qu’on n’a pas compris et pendant longtemps, on est resté à consommer les produits venus d’ailleurs a fait que le tissu économique a été désarticulé. Et ça continue de l’être du simple fait que le Béninois ne se nourrit pas de sa tradition, de ses valeurs, des produits de chez lui. Or, le paradoxe est là, nous disposons d’énormes potentiels et ressources mais nous importons, tout et vraiment, tout ce dont nous avons besoin y compris même nos dessous …alors que nous sommes champions, meilleur producteur dans plusieurs domaines. Il fallait donc susciter le débat, aller loin dans la réflexion et montrer qu’il ne faudrait pas seulement se limiter à la production mais passer à la transformation, à la commercialisation et à l’exportation des produits, c’est la seule façon d’apporter de la valeur ajoutée à notre économie et c’est le message que nous sommes venus porter au public.
En quoi la consommation locale renforce le tissu économique ?
Le simple fait de payer un produit venu d’ailleurs, l’argent investi est sorti de notre pays et va enrichir le pays de provenance, les firmes internationales, étrangères et autres. Conséquence, cela appauvrit notre pays, crée des mains-d’œuvre à l’extérieur. Dites-vous, chaque fois que vous payez un costume venu de l’Italie, de la France…c’est à eux nous créons de la valeur, nous leur permettons de s’industrialiser, de faire travailler leur population pendant que nous on crie au chômage. Or, nos produits ont besoin de ce soutien ici pour se développer. Quand je me réfère à certains de nos gestes, quand vous vous levez chaque matin, vous allez vous brosser les dents, vous devez prendre votre petit déjeuner, vous habillez…et lorsque vous tombez malade, vous vous rendez à la pharmacie pour payer des produits pharmaceutiques au détriment de la médecine africaine, tout cela, au détriment de l’économie africaine. Or en vous référant à nos biens et valeurs, vous allez permettre à nos producteurs locaux de se développer. Plus ils se développent, plus ils créent de la richesse, de la valeur, de la main-d’œuvre pour servir le pays.
Quels sont concrètement ces procès faits aux produits locaux, on entend des Béninois dirent que c’est cher… ?
Il faut le dire, d’après l’INSAE, un Béninois sur quatre (1/4) consomme les produits made in Benin. Les procès qu’on fait au made in Benin sont de l’ordre de la qualité, le packaging, l’accessibilité, la disponibilité et le coût élevé justement comme vous l’avez souligné. Mais en réalité, il n’y a pas de produit qui soit cher. Chaque produit répond à une cible donnée. En fonction de votre produit, cela s’adresse à une cible. Par exemple, lorsque vous produisez du jus d’ananas et vous allez vous installer dans les zones comme Glo-Djigbé, Sékou, Allada, espérant vendre votre produit, vous avez beau avoir un super jus, bien présenté, soigné, de qualité mais vous ne vendrez pas. Parce que la zone, c’est un terroir de production d’ananas, et la population est habituée à payer avec 50F, 100 FCFA le fruit et en plus du jus que vous proposez, elle consomme encore de la fibre. Elle est rassasiée avec 50 F, 100 FCFA déjà. Quand vous proposerez votre produit, une telle cible le jugera sûrement cher. C’est cher parce qu’elle n’a pas les moyens ou le pouvoir d’achat pour se l’acquérir. Vous venez avec le même produit dans une zone comme la Haie Vive ou à Cadjèhoun, vous le proposez à ce même prix, les gens ne l’achèteront pas parce que c’est des citoyens d’un certain niveau qui sont là. C’est des gens qui savent que pour avoir ce produit, il faut avoir investi à un taux donné pour en être là. Ils ne vont pas l’acheter simplement parce que le coût est douteux, trop moins cher pour réunir à leurs yeux les éléments qui rassurent que ce projet est un produit de qualité. Vous proposez donc le même produit à 500 F, 1000F, 2000 F, cette cible va se ruer et va l’acheter parce qu’elle sait que rien que pour l’obtenir, c’est environ 250 FCFA, acheter ensuite les bouteilles, les protocoles pour l’étiquetage, la communication, tout ce qui est lié au marketing, donc venir céder à ce coût, ne rassure pas de la qualité. C’est pourquoi, chacun doit préalablement définir sa cible et travailler en conséquence. En définitive, nous avons du potentiel mais il nous reste à mieux nous organiser, savoir réellement ce qu’on veut pour y arriver.
Réalisation : Bidossessi WANOU