(Nécessité d’une réforme du financement des économies)
Le marché des titres publics de l’Union monétaire ouest africaine (UMOA) est en sous-tension avec les impacts de la guerre russo-ukrainienne et l’inflation. Ainsi, des politiques monétaires urgentes s’imposent pour le financement des économies de l’Union.
A.W.A.
Malgré le relèvement du principal taux directeur, pour une 3ème fois, sur décision du Comité de Politique Monétaire (CPM) de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) en vue contrer l’inflation galopante, les économies de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine peinent à faire face aux effets de l’inflation qui établit à 6% en janvier 2023, loin de la norme communautaire de 3%. Les résultats des émissions des titres publics au cours des trois premiers mois de l’année 2023 en disent long. Si le principal taux directeur auquel la BCEAO prête ses ressources aux banques commerciales est donc passé de 2,50% à 2,75% en décembre 2022, cette décision a des revers sur le marché obligataire de l’Union. Selon l’analyse des résultats des emprunts, le montant levé sur le marché par adjudication en janvier a augmenté de 21,8% à 507,89 milliards FCFA. Cette tendance mensuelle devrait normalement se maintenir tout le long de l’année selon les données historiques mais il a été remarqué un retournement de situation depuis le mois de février en raison de la politique monétaire qui commence à peser sur les banques. Pour preuve, en février 2023, le montant levé est passé à 403,42 milliards FCFA contre 528 milliards FCFA en février 2022, soit une baisse de 23,59% milliards FCFA. Dans le même temps, le montant disponible pour le refinancement des banques est passé de 6 000 milliards de FCFA à 5 800 milliards FCFA le 21 février 2023. Le 28 février 2023, ce montant disponible au refinancement est passé à 5 600 milliards FCFA.
Selon la situation des émissions de titres par adjudication sur le marché financier sous régional en janvier 2023, il y a une émission couverte par le Mali mais au rendement élevé, le prix marginal est de 9 600 sur 3 ans. Le Bénin a enregistré le plus bas rendement sur les 3 ans au cours du mois avec un prix marginal de 9 920. Il y a une émission non couverte par le Togo et une émission a été annulée par le Burkina le jour de l’adjudication. Sur la même période, il y a une émission couverte par le Niger mais le rendement est élevé pour un prix marginal de 9 610 sur 5 ans. Le Sénégal a obtenu un rendement élevé sur 3 ans de son émission avec le prix marginal de 9 610.
Il faut remarquer que la situation a évolué en dents de scie au mois de février 2023. Il y a un resserrement du marché en février par rapport à janvier 2023. Une émission couverte par le Niger a enregistré un rendement élevé au prix marginal de 9 425 sur 3 ans. Par exemple, le Sénégal est passé d’un coupon de 5,20% à 5,30% sur 3 ans et sort malgré cela avec un prix marginal de 9 521. Bien que le Bénin soit resté sur les mêmes niveaux de coupons, l’émission est couverte avec des rendements à la baisse par rapport au 26 janvier 2023 au prix marginal de 9 800. Il a également resserrement du marché. Bien que la Côte d’Ivoire soit positionnée sur le court terme, elle n’a pu retenir que 44 milliards FCFA. Il y a une émission non couverte par la Guinée-Bissau. Seulement 5 milliards retenus avec un prix marginal de 9 500. Même situation pour une émission non couverte par le Togo. Seulement 14 milliards retenus. Il faut noter la débâcle de la Côte d’Ivoire le 28 février pour une émission non couverte à l’issue de laquelle seulement 22 milliards ont récoltés sur 85 milliards recherchés.
Toutefois, le Bénin a clôturé une opération par anticipation avec succès le 03/02/2023 sur un taux de couverture de 110%.
Selon le contexte actuel du marché, il y a en un resserrement de la politique monétaire dû aux hausses successives des taux directeurs pour baisser l’inflation ; à la suppression de la mesure de refinancement à taux fixe par les banques aux guichets BCEAO prise pour assurer la liquidité bancaire en raison de la crise de la Covid-19 ; au retour des adjudications à taux variables sur les guichets hebdomadaire et mensuel et la fin de la couverture intégrale des besoins de refinancement exprimés par les banques.
Baisse des offres des investisseurs sur le marché régional des titres publics
La situation de besoin de liquidité ne s’est pas améliorée en mars 2023. Le 1er mars 2023, à l’issue de sa réunion ordinaire, le CPM (Comité de politique monétaire) de la BCEAO a décidé de relever de 25 points de base le principal taux directeur, le portant donc à 3% et cela à compter du 16 mars 2023. À la suite de cette annonce, l’on remarquera une baisse drastique des offres des investisseurs sur le marché régional des titres publics concomitamment à une hausse des exigences (taux d’intérêt) des investisseurs, entrainant en conséquence une chute des enveloppes mobilisées par les Etats. Ajouté à cela, le montant disponible au refinancement des banques a continué à baisser. Le 7 mars 2023, il passe à 5 500 milliards FCFA, soit une baisse de 8,33% du montant disponible en 1 mois. Les banques ont été asphyxiées par cette hausse du taux directeur couplée au retrait brutal et massif de la liquidité disponible au refinancement, entraînant une panique sur les marchés des titres publics et interbancaire. Ainsi, depuis le 1er mars 2023, et ce jusqu’au 27 mars, le montant levé s’évalue à 159 milliards FCFA contre 476 milliards FCFA en mars 2022, soit une chute de 66,60%. Dans le détail, suivant l’annonce de la hausse du principal taux directeur à 3%, dès le 1er mars, le marché a été chamboulé. Le premier effet fut le report de l’émission du Burkina et l’annulation de celle du Niger les 1er et 2 mars 2023. La semaine qui a suivi, la Guinée-Bissau, recherchant 5 milliards FCFA, n’a reçu que 1,06 milliards FCFA, montant qui fut rejeté certainement à cause des taux demandés par les investisseurs. Le Mali a suivi avec un taux de couverture à 34,5% et le Togo termina la semaine avec un taux de couverture à 38,7%. Le mardi 13 mars 2023, c’est la Côte d’Ivoire qui reportait son émission, et à partir de là, les investisseurs ont commencé à n’investir principalement que sur les émissions de leurs pays d’origine. Le jour suivant, le 14 mars, le Burkina émettait des titres pour un montant de 30 milliards FCFA ; une émission qui a reçu des offres de 10,76 milliards FCFA dont 10,24 milliards FCFA émanant des investisseurs locaux. Il en fut de même pour le Niger le jour d’après le 15 mars, avec 34,6 milliards FCFA retenus dont 34 milliards FCFA provenant des investisseurs nigériens. La Cote d’Ivoire, le 17 mars, a retenu 80 milliards FCFA dont 78 milliards FCFA provenant des investisseurs ivoiriens. Sur la semaine du 20 mars, l’Etat ivoirien a reçu 8,24 milliards FCFA dont 8,2 milliards FCFA venant des investisseurs ivoiriens mais aucun montant n’a été retenu et cela pour un montant sollicité de 85 milliards FCFA. Le Mali et le Bénin ont par la suite reporté leurs émissions.
Un conseil des ministres de l’Uemoa pour de bonnes décisions
Le conseil des ministres de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) aura lieu ce vendredi 31 mars 2023. Divers points sont inscrits à l’ordre du jour dont le rapport sur la situation monétaire et économique de l’Union et les perspectives ; le renouvèlement des membres du Comité de stabilité financière ; le projet de loi sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme etc. Cette rencontre du conseil des ministres vient donc à point nommé. Des décisions pour un meilleur financement des économies régionales doivent être prises.