(Le prix d’une stabilité tant espérée)
Les conflits conduisent à une destruction ou à une dévalorisation du capital physique (infrastructures, équipements), du capital humain ainsi que du capital social qui repose sur la confiance, les règles ou les réseaux de relations, selon l’éminent chercheur français, Philippe Hugon. La permanence des conflits armés en Afrique génère son sous-développement et en finir une fois pour toutes serait peut-être mieux. Mais ce n’est pas facile.
Issa DA SILVA SIKITI
Une étude d’Oxfam menée précédemment a montré que le coût des conflits armés pour le développement de l’Afrique s’élève à 284 milliards de dollars US depuis 1990, un chiffre choquant.
« Face à la montée des conflits armés, les actions classiques de développement économique ont, aujourd’hui, souvent perdu de leur signification. Dans de nombreux pays africains, l’aide humanitaire et d’urgence a pris le pas sur l’aide au développement, et le très court terme l’emporte désormais sur les projets de long terme », a déploré Philippe Hugon.
En Afrique de l’Ouest, une région constamment instable et minée par des coups d’Etat à répétition, la situation humanitaire semble devenue catastrophique, avec environ 29.5 millions de personnes en besoin d’assistance alimentaire et nutritionnelle urgente (phase 3) et 107.5 millions de personnes additionnelles, actuellement sous pression alimentaire, selon le Réseau de prévention des crises alimentaires (RPCA).
Bien que l’ONU et d’autres organisations internationales, ainsi que les grandes puissances mondiales, notamment l’Union européenne et les USA, essaient d’aider ces pays à subvenir aux besoins de ces populations en détresse, les gouvernements débloquent aussi des sommes importantes pour les aider. Or, cet argent devrait servir à faire quelque chose de plus utile pour développer l’économie et améliorer la vie des populations s’il y avait la paix.
En outre, il y a aussi des dépenses militaires énormes que ces pays frappés par les conflits armés encourent pour faire face à leurs adversaires. Au Mali, par exemple, entre 2019 et 2022, les dépenses militaires ont presque doublé, passant de 299,080 milliards de FCFA en 2019 à 476,378 milliards de FCFA en 2023.
Au centre des intérêts géopolitiques
Maintes fois, on décrit les gens qui disent que les conflits armés en Afrique ne prendront pas fin comme des Afro-pessimistes. Mais, en réalité, ils font montre de pragmatisme.
A en croire Philippe Hugon, l’Afrique est caractérisée par un certain nombre d’enjeux géopolitiques qui sont internes au continent africain tout en étant liés à l’environnement international, tant au niveau de leurs causes que de leurs conséquences, de leur prévention que de leur résolution.
Selon Mamoudou Gazibo, professeur de sciences politiques à l’université de Montréal, le lien entre les conflits en Afrique et l’histoire du contact avec l’Occident est évident puisque les dynamiques de décolonisation et la période postcoloniale ont fourni un terreau particulièrement fertile au développement de plusieurs types de conflits.
« Certains auteurs mentionnent les formes institutionnelles léguées par les anciennes puissances coloniales dans leurs anciennes colonies comme les sources, pas seulement des conflits armés, mais des dysfonctionnements des États africains », a expliqué ce politologue nigérien.
Si le bloc occidental (capitaliste) et oriental (communiste et socialiste) ont fait de l’Afrique un champ de bataille pour imposer leur influence pendant la guerre froide, Mamoudou Gazibo précise que l’implication des superpuissances n’a pas cessé avec la chute de l’Empire soviétique.
« Aujourd’hui, on constate un nouvel interventionnisme des grandes puissances autour d’enjeux stratégiques ou économiques qui s’inscrivent dans une logique non pas de bloc, mais d’intérêt national. L’Afrique reste ainsi le lieu de rivalités entre grandes puissances, notamment la France et les États-Unis, qui agissent soit directement, soit par firmes et pays tiers interposés », renchérit-il.
En conclusion, bon nombre d’observateurs pensent que tant que l’Afrique restera toujours sous l’ombre d’une part des USA et ses alliés et d’autre part de la Russie et la Chine qui convoitent ses ressources naturelles et veulent y pérenniser leur influence, les conflits armés ne cesseront jamais et l’Afrique restera pauvre et sous-développée jusqu’à la fin des temps.