La révolution digitale en Afrique a poussé bon nombre d’États, (à travers leurs ministères, agences gouvernementales, primature, présidence, entreprises d’État), à élargir leur champ de propagande, de communication et d’influence sur Twitter, YouTube, Facebook, Instagram et autres. Mais leurs agendas cachés constituent un défi majeur.
Issa SIKITI DA SILVA
La diplomatie digitale fait gagner beaucoup d’argent aux entreprises de télécommunication et aux fournisseurs de services internet (FSI). Il suffit seulement d’observer le nombre des comptes et de pages actifs des entités gouvernementales africaines étalés sur les réseaux sociaux pour avoir une idée générale sur les sommes énormes que déboursent les gouvernements pour rester connectés avec le monde.
En outre, il est important de mentionner de multiples réunions et webinaires qui se tiennent dans les locaux de ces entités jour après jour par visio-conférence (Zoom, Skype, Google Meet et autres).
En Afrique, l’économie liée à l’internet a le potentiel d’atteindre 5,2% du Produit intérieur brut (PIB) du continent d’ici 2025, contribuant ainsi à hauteur de près de 180 milliards de dollars à l’économie mondiale, selon un rapport de Google et de l’International Finance Corporation (IFC) publié en 2020.
« L’internet a trois impacts fondamentaux sur les relations diplomatiques. Premièrement, il multiplie et amplifie le nombre de voix et d’intérêts impliqués dans l’élaboration des politiques internationales. Deuxièmement, il accélère et libère la diffusion d’informations, exactes ou non, sur n’importe quel problème ou événement. Troisièmement, il permet aux services diplomatiques traditionnels d’être fournis plus rapidement et à moindre coût », explique Olubukola S. Adesina, Professeur associé au Département de science politique à l’Université d’Ibadan (Nigeria).
Agendas cachés
Dans un continent où la liberté d’expression est souvent bafouée par les mêmes personnes et groupes qui l’ont insérée dans la constitution et sont censés la respecter et la protéger, force est de constater que la diplomatie digitale ne marche effectivement que lorsqu’elle promeut leurs avantages.
Il arrive que les comptes et pages de ces entités gouvernementales diffusent des messages ambigus, des mensonges et des contre-vérités visant à séduire l’électorat et la communauté internationale, salir leurs opposants ou se faire valoir vis-à-vis de la population. La guerre éclate au moment où les mécontents tentent de répliquer ou de contredire l’État par le biais de ces mêmes canaux. Souvent, le pouvoir réagit d’une manière brutale et radicale en coupant l’internet « pour des raisons de sécurité » et en faisant arrêter ces « ennemis de l’Etat ».
Selon Olubukola S. Adesina, en Afrique la diplomatie digitale est confrontée à un certain nombre de défis, notamment la méfiance des hauts dirigeants à l’égard du même internet qu’ils utilisent souvent pour communiquer avec la communauté locale et internationale.
Plusieurs gouvernements africains, (par exemple, l’Ouganda, la Tanzanie, le Zimbabwe, le Togo, le Burundi, le Tchad, le Mali et la Guinée) ont dû couper l’internet ou restreindre l’accès à l’internet et aux plateformes de réseaux sociaux de manière controversée, souligne cet intellectuel nigérian dans un document de recherche publié sur le site de Brookings Institution.
En juin 2021, le Nigeria avait bloqué Twitter pendant sept mois pour avoir supprimé un tweet du président Muhammadu Buhari et pour avoir, selon l’Etat, pris parti pour les sécessionnistes.
De tels obstacles, y compris le manque des infrastructures adéquates des TIC, connexion internet instable et l’électricité médiocre, freinent la diplomatie digitale africaine, ajoute-il.