L’univers politique africain a donné naissance à des hommes et femmes qui forcent l’admiration par leur travail et leur dévouement aux causes nobles qu’ils défendent. Au Bénin, une femme sort de la mêlée. Ancien ministre de la Microfinance puis de la Justice, Reckya Madougou met aujourd’hui ses compétences au service de plusieurs pays africains dont le Togo. Conseillère spéciale du président Gnassingbé avec rang de ministre, elle a été investie dans plusieurs pans importants du Programme national de développement (PND) de cet Etat frère.
Nafiou OGOUCHOLA
Née le 30 avril 1974, Reckya Madougou est une femme qui excelle aussi bien dans le secteur privé que dans la politique. Deux domaines qui demeurent l’apanage des hommes. Mais surtout des domaines qui sont réputés pour leurs coups-bas. Elle est titulaire d’un diplôme d’ingénierie commerciale de l’Institut supérieur européen de gestion de Lille, en 1998, et d’un diplôme de 3ème cycle de l’École des hautes études internationales de Paris. Très vite, ses qualités très remarquables, lui ouvrent les portes de responsabilités souvent assumées par les hommes au Bénin. Au Bénin elle commence sa carrière en participant à l’élaboration et à l’opérationnalisation du projet Nasuba telecom de LC2 international. Ensuite, elle fut responsable de la Direction commerciale et marketing de l’opérateur mobile GSM BB Com. Elle y a aussi assumé l’intérim du directeur général. De même, elle a eu à occuper les fonctions de Directrice commerciale et marketing à Tunde motors, le constructeur automobile Volkswagen au Bénin.
En 2006, elle fonde son propre cabinet d’études et de conseils en stratégies, International Key Consulting. Grande passionnée des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) et spécialiste entre autres, des questions de digitalisation en Afrique, elle fut cooptée par le Président de la République de son pays le Bénin pour la mise en place et la structuration d’une autorité moderne de régulation des communications électroniques, au titre des membres influents du Conseil de l’Autorité transitoire de régulation des postes et télécommunications. Ladite autorité s’est notamment illustrée par une courageuse réforme et efficace refonte du paysage du GSM et de l’Internet au Bénin, avec à la clé la réduction des coûts pour les consommateurs, l’amélioration de l’offre concurrentielle et, surtout un accroissement exponentiel des redevances versées à l’Etat (droits de licences réévalués).
Mais très tôt, son engagement pour l’intérêt général au Bénin a pris le dessus. En effet, la fin du second mandat du feu président Kérékou avait été marquée par une période d’incertitude où les rumeurs d’un possible maintien de l’ancien révolutionnaire au pouvoir circulaient. Dans l’optique d’assurer la veille citoyenne et faire front à cette initiative si jamais elle venait à prendre corps dans l’esprit des dirigeants béninois, Reckya Madougou a pris la tête de l’association Élan, initiatrice de la célèbre campagne ‘’Touche pas à ma constitution’’ en 2005. Un courage digne d’attention, car très peu d’hommes pouvaient tenir tête au feu président Kérékou et oser publiquement porter un tel courant de pensée.
Le valeureux combat qu’elle a mené associé à son activité au sein des différents clans ayant soutenu le président Yayi lors de l’élection présidentielle de 2006 ainsi que son parcours lui ont valu son entrée au gouvernement. Après deux années de gestion à la tête du Bénin, Boni Yayi fait appel aux compétences de Reckya Madougou pour diriger un pan important de son programme d’actions en 2008. En 2007 elle est d’abord nommée conseillère à l’Autorité transitoire de régulation des postes et télécommunications, puis elle rentre au gouvernement en tant que ministre chargée de la Microfinance, de l’emploi, des jeunes et des femmes. A ce poste, Reckya Madougou a accompli des performances qui lui ont valu des reconnaissances diverses. En effet, elle a su développer divers programmes d’autonomisation, dont le Programme de microcrédit aux plus pauvres (MCPP) et impacter la vie quotidienne de millions de familles par le biais du financement d’activités génératrices de revenus surtout en faveur des femmes et de la promotion de l’entreprenariat.
Au fait des performances de la jeune ministre d’alors, plusieurs pays africains ont dépêché des délégations auprès de Reckya Madougou pour s’imprégner des secrets de son savoir-faire. Côte d’Ivoire, Gabon, Togo, Burkina Faso, Mali, Guinée, Congo, Ghana pour ne citer que ceux là. Mieux, le chef d’Etat d’alors a manifesté sa reconnaissance envers le travail de qualité abattu par Reckya Madougou en lui confiant des responsabilités hautement stratégiques dans le gouvernement qui a suivi. C’est ainsi que la jeune femme a été nommée ministre Garde des sceaux, ministre de la Justice. Un poste qu’elle a occupée jusqu’en 2013. Depuis son départ du gouvernement, elle se consacre à l’expertise internationale en finance inclusive et projets de développement économique pour le compte de plusieurs organismes internationaux et gouvernements en Afrique. Elle intervient aussi dans plusieurs secteurs, à savoir : la promotion du secteur privé, le derisking et le financement de l’agriculture, les financements innovants, l’efficacité des organisations, la problématique de l’aide au développement, les mécanismes de bonne gouvernance et de contrôle de l’action publique, etc.
En 2018, Reckya Madougou a obtenu, à l’Université de Harvard Kennedy School aux États Unis d’Amérique, son parchemin portant sur La performance gouvernementale.
Des compétences béninoises au service du développement du Togo
L’ancienne ministre béninoise de la microfinance est assez influente dans les activités liées au processus de développement de la sous-région ouest-africaine. Au Togo, Etat voisin du Bénin, Reckya Madougou a mis son expertise au service du gouvernement du président Faure Gnassingbé en accompagnant, pour le compte du Bureau international du travail (BIT), le processus de conceptualisation et de création du Fonds National de la finance inclusive (FNFI). De même, elle a conduit le processus de formulation et de formalisation du Mécanisme incitatif de financement agricole fondé sur le partage de risques (MIFA) qui permet de réduire les risques encourus par les exploitants agricoles. Ce qui a pour conséquences d’inciter les institutions bancaires à répondre encore plus favorablement aux demandes de financement des producteurs et à développer l’agrobusiness. La République du Togo nourrit de grands espoirs par rapport à ce programme. Membre de la task team présidentielle, la charmante béninoise a également pris activement part à l’élaboration du Plan National de Développement (PND) 2018-2022. Mais les compétences de Reckya Madougou dépassent l’Afrique de l’ouest.
Au Congo, l’ancienne ministre de la Justice a accompagné les autorités dans le processus de création du Fonds d’appui à la promotion de l’entreprenariat des jeunes (Fapej).
Des reconnaissances ici et ailleurs
Reckya Madougou a été présentée par le magazine américain Forbes en novembre 2016 comme l’une des femmes africaines les plus influentes. Un dossier portrait de plusieurs pages intitulé : « Reckya Madougou : La passionaria de l’économie inclusive » avait été publié. Un avis partagé par les experts africains qui renchérissent par le biais du magazine panafricain Jeune Afrique. Ce dernier la nomme parmi les 50 africaines les plus influentes au monde. Toujours en 2016, Reckya Madougou figure au club des 100 personnalités africaines les plus influentes selon Afrique magazine. Elle est également classée parmi les « Nouveaux visages de la finance en Afrique » par The Africa Report en Décembre 2015.
Femme charismatique, inébranlable malgré les incompréhensions
Reckya Madougou a lancé le livre « Mon combat pour la parole » en février 2009. Cet essai sociopolitique de 230 pages, paru chez l’Harmattan a été préfacé par la députée française Christiane Taubira. Aussitôt le livre sorti, il a commencé par faire des vagues au sein de l’opinion publique béninoise. Certains passages du livre concernant l’ancien président de la République, Mathieu Kérékou, ont prêté à confusion. Des jugements de valeur portés sur le ‘’Kaméléon’’ par la ministre de la Microfinance n’ont pas laissé de marbre, les proches de celui-ci.
Un atout dans le processus de développement de l’Afrique
Le processus de développement durable de l’Afrique ne peut se faire désormais sans que l’ancienne ministre béninoise ait son mot à dire. En effet, avec ses compétences, ses expériences et son carnet d’adresses, Reckya Madougou a déjà montré que son travail et son dévouement apportent de la valeur ajoutée à l’Afrique « africaine », par le biais de ses actions en faveur des pays pour lesquels elle a travaillé. A juste titre, la vaillante béninoise est sollicitée un peu partout dans le monde. De l’Afrique à l’Amérique en passant par l’Europe et l’Asie, Reckya Madougou anime des conférences sur la finance inclusive, le développement, le leadership et autres thèmes. De même, de nombreuses représentations diplomatiques et consulaires sollicitent ses services dans le cadre de ses compétences variées.
Dans une Afrique en pleine mutation, les compétences de Reckya Madougou ne passent pas inaperçues. Mieux, dans plusieurs pays d’Afrique où le défaut de compétences est décrié, la jeune dame est une valeur sûre qui, non seulement permet aux jeunes filles d’entretenir l’espoir d’un avenir meilleur mais, aussi aux jeunes hommes d’avoir un modèle de référence auquel ils peuvent aspirer. Et le fait qu’un homme veuille atteindre le niveau d’une femme, en Afrique, est plus que révélateur de la dimension que cette femme a prise. En témoignent quelques prix et distinctions qu’elle a reçus.
Prix et distinctions
- 2007 : distinction « Woman of courage Award » décernée par le gouvernement américain.
- 2012 : Élevée au grade de Commandeur de l’ordre national du Bénin
- 2014 : Élevée au grade de Commandeur de l’ordre national du Togo
- 2017 : La fondation internationale d’origine Suisse Crans Montana, lui a octroyé, en mars sa distinction Nouveau Leader d’Honneur et l’a désignée comme co – marraine de la promotion 2017 des nouveaux leaders du futur en tandem avec madame Jacqueline Jessie Jackson, sous le parrainage du Pasteur Jessie Jackson.
- 2015 : Prix spécial pour la promotion de l’inclusion financière en Afrique » décerné par le Congo
- 2011 : Prix du FIDA en « reconnaissance de ses mérites pour la promotion de l’entreprenariat des jeunes « .
Ouvrage
- Reckya Madougou, ‘’Mon combat pour la parole : Les défis d’une mobilisation citoyenne pour la promotion de la gouvernance démocratique’’, Harmattan, 2012, 234 pages.