« Les moyens financiers représentent une véritable problématique »
Ingénieur agronome et entrepreneur agricole, Hilaria Mauricette QUENUM est cofondatrice de AGRIV Africa, une ferme agro-pastorale située dans l’Atlantique, à quelques kilomètres de Cotonou. C’est un vœu pieu de la jeune dame qui entend accompagner son pays et l’Afrique à lutter contre l’insécurité alimentaire, vœu qu’elle a fini par concrétiser au prix de lourd sacrifice. Mais toujours est-il que nombre d’autres défis demeurent selon la promotrice agricole qui évoque l’accès au financement, notamment les difficultés pour les jeunes, l’accès au marché et les difficultés d’écoulement…Autant de défis face auxquels, le jeune entrepreneur ou aspirant doit s’armer de courage, de dynamisme et de persévérance.
Vous êtes promotrice d’une ferme, parlez-nous en.
J’ai cofondée l’entreprise agricole dénommée AGRIV Africa avec un collègue agronome en 2019. C’est une entreprise agricole spécialisée dans la production végétale et animale. En ce qui concerne la production végétale, nous produisons les légumes tels que : la laitue, le choux, le concombre, le poivron, le piment, le cornichon, la tomate et bien d’autres. Nous sommes également dans la production des cultures grand champ comme le maïs, le manioc, le soja, l’igname, le niébé… Pour ce qui est de la production animale, nous faisons l’aviculture, c’est-à-dire l’élevage des volailles et nous nous spécialisons dans l’élevage du poulet bicyclette. Nous faisons également la cuniculture, l’élevage du lapin qui est notre élevage phare. Nous faisons également de la pisciculture, l’élevage du poisson. Nous élevons le poisson clarias communément appelé poisson chat et le tilapia.
En dehors du volet production, nous offrons également des services de consultation sur des fermes. Nous aidons les novices du domaine à mettre en œuvre leurs projets de ferme parfois même en partant de l’achat du terrain jusqu’à la mise en œuvre du projet. Nous accompagnons également les fermes fonctionnelles qui ont besoin de notre expertise, nous leur fournissons le matériel agricole requis pour les activités à mettre en œuvre sur leur ferme (abreuvoir, mangeoire, kit d’arrosage, médicament, cage et bien d’autres). Nous offrons également des services de formations dans le domaine agricole. Nous donnons la possibilité à tous ceux qui sont intéressés par l’agriculture de pouvoir se faire former en maraichage, cuniculture, aviculture, héliciculture, pisciculture. Nos formations sont plus pratiques et nous offrons également aux apprenants un accompagnement pendant quelques mois.
Comment en êtes-vous arrivé là ?
Dès mon jeune âge, j’adorais travailler dans notre potager familial. Je donnais à manger aux animaux et j’aidais dans les petits travaux comme je le pouvais. Cet espace était devenu comme ma case à poupée. Cet amour pour le monde du vivant m’a alors naturellement guidé vers le choix de l’agronomie comme filière après l’obtention de mon baccalauréat. Après ma licence j’ai cofondée l’entreprise AGRIV Africa avec pour motivation, de contribuer à la sécurité alimentaire au Bénin. De même, malgré le potentiel considérable de terres arables cultivables dans le pays, une grande partie reste inexploitée. Les statistiques indiquent que seulement 25% de ces terres sont utilisées, alors que de nombreux jeunes font face au chômage. Mon objectif est d’apporter ma modeste contribution pour exploiter ce potentiel et offrir des opportunités d’emploi aux jeunes.
Vos débuts, vous vous en souvenez sûrement. Comment avez-vous eu le financement?
Un financement surtout pour lancer un projet agricole, cela nécessite beaucoup de ressources financières, notamment pour mettre en place un système d’irrigation, développer les infrastructures, faire face aux charges d’exploitation. Nous avions démarré avec nos propres fonds en faisant au début des consultations sur des fermes et en faisant des formations. C’est après avoir économisé de l’argent que nous avions mis en place notre propre production qui fonctionne jusqu’aujourd’hui grâce aux bénéfices que génèrent nos activités.
Qui sont vos clients et comment écoulez-vous vos productions ?
Actuellement nos produits sont principalement destinés aux revendeurs. Ce qui constitue un problème pour nous parce qu’ils profitent plus de la marge bénéficiaire lorsque nous procédons de la sorte. C’est donc un aspect sur lequel nous travaillons et nous ambitionnons installer des mini points de vente dans certaines villes pour être plus proche de la clientèle.
Quelles sont vos difficultés en tant qu’entrepreneure agricole ou fermière?
Les moyens financiers représentent une véritable problématique. Actuellement plusieurs projets sont en attente en raison de ces contraintes financières. Nous avions également un problème de main-d’œuvre. La main-d’œuvre de qualité est quasi inexistante, ce qui freine la bonne marche des activités.
Qu’est ce qui entrave selon-vous, la production locale et sa promotion au Bénin?
Ce qui entrave la production locale au Bénin, c’est le fait qu’il y ait moins d’accompagnement dans ce secteur d’activité. Il y a des jeunes qui ont envie de mettre en œuvre des projets agricoles mais qui sont limités financièrement. Nous observons également une importation massive des produits agricoles ce qui n’est pas avantageux pour les acteurs du secteur agricole.
Avez des suggestions à l’endroit des décideurs pour un meilleur accompagnement des jeunes entrepreneurs ?
Je pourrai dire au gouvernement de limiter voire suspendre l’importation d’un certain nombre de produits agricoles et de valoriser les prix sur le marché afin de permettre aux producteurs de bénéficier de leurs activités puisque la population ne pourra dans ce cas que consommer local.
Parlez-nous de vos ambitions dans ce domaine ?
J’envisage lutter contre l’insécurité alimentaire au Bénin et c’est ce qui m’a motivé à cofonder l’entreprise AGRIV Africa. Je fais également des formations à des jeunes femmes qui ont la volonté d’exceller dans le domaine agricole et à des enfants des écoles primaires et secondaires pour qu’ils puissent contribuer à cette lutte dans leur environnement.
Votre conclusion
Je vais conclure en adressant un message aux jeunes et en particulier les jeunes femmes. L’entrepreneuriat agricole requiert du courage, du dynamisme et de la persévérance. Les défis ne manquent pas mais ce sont des opportunités d’apprendre et de progresser. Ensemble nous pouvons contribuer à la réduction de l’insécurité alimentaire, un objectif qui me tient vraiment à cœur.
Propos recueillis par Bidossessi WANOU