La plupart des monnaies d’Afrique subsaharienne se sont affaiblies par rapport au dollar américain, attisant les pressions inflationnistes à travers le continent alors que les prix à l’importation augmentent, a déploré le Fonds monétaire international (FMI).
Julien COSTA
« Ceci, combiné à un ralentissement de la croissance, laisse les décideurs politiques face à des choix difficiles alors qu’ils équilibrent la maîtrise de l’inflation avec une reprise encore fragile », ont souligné quatre experts du FMI dans une tribune publiée récemment.
La dépréciation moyenne pour la région depuis janvier 2022 est d’environ 8%, ont révélé Laurent Kemoe, Moustapha Mbohou Mama, Hamza Mighri et Saad Quayyum, citant comme exemples le cedi du Ghana et le leone de la Sierra Leone qui se sont dévalués de plus de 45%. Au Kenya, le shilling continue une chute vertigineuse sans fin contre le dollar américain, poussant des millions de consommateurs déjà impactés par le Covid-19 à passer des nuits blanches.
En effet, la monnaie kenyane est passée de 123,05 Ksh le 20 décembre 2022 à 138,60 Ksh fin mai 2023, soit une dépréciation de 15,55 Ksh. Ceci constitue un véritable cauchemar pour les consommateurs de l’un des pays les plus endettés du continent où le prix de l’eau, de l’électricité et des biens et services importés ne cesse d’augmenter.
Selon ces experts, lorsque les devises s’affaiblissent par rapport au dollar américain, les prix locaux augmentent, car une grande partie de ce que les gens achètent, y compris des articles essentiels comme la nourriture, est importée. Plus des deux tiers des importations sont libellées en dollars américains pour la plupart des pays de la région. « Les dépréciations monétaires en Afrique sub-saharienne ont été principalement dues à des facteurs externes. La baisse de l’appétit pour le risque sur les marchés mondiaux et la hausse des taux d’intérêt aux États-Unis ont poussé les investisseurs à s’éloigner de la région pour se tourner vers des bons du Trésor américain plus sûrs et plus rémunérateurs », ont expliqué les experts précités.
Ralentissement
Des monnaies plus faibles rendent la lutte contre l’inflation plus difficile compte tenu de la dépendance de la région vis-à-vis des importations, ont renchéri Laurent Kemoe, Moustapha Mbohou Mama, Hamza Mighri et Saad Quayyum.
Dans la zone CFA (ouest), où la banque centrale semble « béatifier » la lutte contre l’inflation, le franc CFA se bat comme un fauve blessé pour rester « utile », impactant négativement sur les vulnérables populations déjà meurtries par la corruption au sommet de l’Etat, l’insécurité, la dictature, le chômage chronique et la pauvreté extrême.
Selon le FMI, les recettes en devises ont été touchées dans de nombreux pays, la demande pour les exportations de la région sub-saharienne ayant chuté en raison du ralentissement économique dans les principales économies. « D’importants déficits budgétaires ont aggravé les effets de ces chocs extérieurs en augmentant la demande de devises. Environ la moitié des pays de la région avaient des déficits supérieurs à 5% du Produit intérieur brut en 2022, ce qui a exercé une pression sur leurs taux de change ».