Des arguments scientifiques solides présentés par les éminents universitaires béninois le jeudi 14 février 2019 à l’Université d’Abomey-Calavi lors du café-débat sur le franc CFA semblent avoir atténué la rage des populistes qui appellent les gouvernements à se défaire de la monnaie commune.
Issa SIKITI DA SILVA
Le débat sur le franc CFA est une question majeure qui concerne l’avenir de notre pays et ce n’est pas en s’engageant dans de discours populistes que ces problèmes seront résolus », a déclaré le professeur Barthelemy Biao. Prof Biao, de l’Université de Parakou. Il répondait ainsi aux activistes anti-CFA Sémévo Amadidje et Jaurès Sogbossi qui étaient présents dans la salle et avaient démontré leur rage en tenant des propos très critiques vis-à-vis du FCFA. Si Amadidje a désavoué les panelistes par contre, Sogbossi a dit que la France n’a jamais été l’ami de l’Afrique et des noirs et que la France était le propriétaire de l’Afrique. « C’est parce qu’il n’y a pas assez de crédit que nos étudiants s’entassent huit à dix dans une même chambre. C’est parce qu’il n’y a pas de crédit que nos femmes se prostituent et que nos jeunes sont incapables de créer des entreprises », a dit Jaurès Sogbossi, président de l’association KS Afrique.
A part le pofesseur Biao, le panel était composé du professeur Denis Acclasato le professeur Alastaire Alinsanto et docteur Jude Eggoh. « Il est vrai que si un pays n’appartient pas à une zone monétaire, le président de la République pourrait dire au gouverneur de la banque centrale : écoutez, je n’ai pas l’argent pour payer les fonctionnaires, allez imprimer quelques billets pour résoudre ce problème. Mais de telles choses ne peuvent pas se faire si vous faites partie d’une zone monétaire commune », a indiqué le professeur Biao. Bon nombre de gens pensent que le franc CFA est un outil de colonisation dont il faut se débarrasser à tout prix, mais il est prudent de se débarrasser du FCFA en restant collé sur certains principes économiques, a ajouté-t-il. L’appartenance à une zone monétaire entraine la perte de stabilité macroéconomique et la libre circulation des capitaux, a reconnu le professeur Barthelemy Biao, avant d’ajouter toutefois que la question du FCFA n’est pas seulement un problème économique, mais aussi politique.
Prenant la parole, le professeur Denis Acclassato a rappelé que malgré l’indépendance des banques centrales, la coopération financière qui existe entre la France et les états de la zone CFA exige que la France a un représentant dans le Conseil d’administration de chaque banque centrale et un autre représentant qui siège dans le comité de la politique monétaire.
S’adressant aux participants avec un ton conciliant, le professeur Albert Honlonkou a appelé les béninois à commencer à se poser des questions telles que : si nous étions unis sans la France, est-ce qu’on serait stable ? Est-ce que le Bénin est prêt à supporter la monnaie à lui seul ? Toutefois la monnaie commune, a expliqué le professeur Albert Honlonkou, permet aussi d’attirer des investisseurs qui seront certains qu’il n’y aurait pas, entre autres, de pertes d’échange s’ils voulaient rapatrier leurs capitaux. « Bien qu’appartenir à une zone monétaire commune garantisse la fixité du taux de change, il entraine aussi la fuite des capitaux et la corruption », a souligné l’intellectuel. L’argument du professeur Honlonkou sur la fuite des capitaux semblait être soutenu par docteur Jude Eggoh qui a déclaré que les grandes entreprises françaises qui opèrent dans la région rapatrient leurs capitaux sans souci de problème de change. « La stabilité monétaire est une condition nécessaire pour la performance économique. A une économie forte, on associe une monnaie forte. Mais l’économie de la zone CFA va mal et fonctionne mal. On ne produit presque rien et on ne transforme rien », a martelé Dr Eggoh, avant de souligner que certains aspects de la monnaie ne permettent pas le financement des activités économiques.