En milieu de journée, l’action du groupe Bolloré a dévissé de 7,62%. En cause, la garde à vue du patron de l’entreprise convoqué ce mardi 24 avril au matin par la police judiciaire, pour être entendu sur des soupçons de « corruption d’agents publics étrangers » concernant les conditions d’obtention en 2010 de concessions portuaires en Guinée et au Togo. Le groupe Bolloré a publié un démenti, le gouvernement guinéen aussi. L’homme d’affaires Vincent Bolloré a été placé en garde à vue concernant les conditions d’obtention de concessions en Afrique par le groupe Bolloré dont il est Pdg, rapporte le quotidien Le Monde. Le milliardaire breton, qui a créé la surprise il y a quelques jours en renonçant à la présidence du conseil de Vivendi, est auditionné depuis ce mardi 24 avril au matin à Nanterre (Hauts-de-Seine) par les policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), a-t-on précisé de source judiciaire, confirmant une information du journal Le Monde. En avril 2016, les juges enquêtaient déjà et La Tribune s’était fait l’écho de l’investigation menée par Le Monde sur cette affaire de corruption possible dans les activités africaines du groupe Bolloré.
Soupçons de manipulations politiques en Guinée et au Togo
Le quotidien ajoute que l’entrepreneur est placé en garde à vue dans le cadre d’une information judiciaire ouverte notamment pour « corruption d’agents publics étrangers » concernant les conditions d’obtention de concessions en Guinée et au Togo. La justice soupçonne des dirigeants de la société d’avoir utilisé le groupe de communication Havas, alors contrôlé par Bolloré, pour faciliter l’arrivée au pouvoir de dirigeants africains afin d’obtenir en contrepartie des concessions portuaires dans ces deux pays. « Au cœur de l’instruction, il est reproché à Vincent Bolloré, selon un faisceau d’informations concordantes, d’avoir fourni, via le géant de la communication Havas, des prestations en communication dans le cadre des campagnes présidentielles de Faure Gnassingbé (Togo) et d’Alpha Condé (Guinée) qui auraient été très largement sous-facturées », explique notre confrère La Tribune Afrique dans son article (ci-dessous) qui détaille l’affaire. On surveillait donc depuis ce matin l’effet de cette annonce sur le cours de Bourse des différentes entités dont le milliardaire est propriétaire. Ce matin à 11h30, on constatait peu d’effets sur l’action Vivendi, dont Vincent Bolloré est le premier actionnaire: le cours chutait de seulement 0,90% à la Bourse Euronext de Paris. Après quelques cahots, elle se retrouvait au même niveau aux alentours de 15 heures.
Plongeon de l’action Bolloré, plusieurs autres dirigeants entendus
En revanche, l’action du groupe Bolloré amorçait un plongeon dès 11 heures puis continuait à dégringoler jusqu’à environ -8% pour revenir vers 15 heures à -5,33%, à 4,23 euros. Si ce matin personne n’avait pu être joint dans l’entourage du dirigeant pour commenter l’information du Monde, le groupe Bolloré finalement, publiait en début d’après-midi un communiqué qui confirmait l’audition de plusieurs de ses dirigeants sans les nommer. Mais Le Monde dévoilait, peu après, l’identité des autres cadres du groupe également en garde à vue ce mardi : le directeur général du groupe Bolloré, Gilles Alix, et Jean-Philippe Dorent, responsable du pôle international de l’agence de communication Havas.
Le groupe Bolloré nie toute irrégularité
Toujours dans son communiqué, le groupe Bolloré a nié toute irrégularité:
« L’audition de ses dirigeants permettra d’éclairer utilement la justice sur ces questions qui ont fait l’objet d’une expertise indépendante qui a conclu à la parfaite régularité des opérations », affirme le groupe industriel diversifié, contrôlé par la famille Bolloré.
Le communiqué se poursuit ainsi : « Le Groupe Bolloré dément formellement que sa filiale de l’époque SDV Afrique ait commis des irrégularités. »
La concession de Conakry conforme à la loi, selon le gouvernement guinéen
Puis ce mardi en début après-midi, en réaction à l’audition sur le territoire français de Vincent Bolloré par l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), le ministre porte-parole du gouvernement guinéen, Damantang Albert Camara, déclara que la concession accordée au groupe Bolloré pour le port de Conakry était strictement conforme à la loi. La justice française s’intéresse notamment aux conditions de reprise par le groupe Bolloré de la concession du port de Conakry et de la gestion d’un terminal à conteneurs du port de Lomé, au Togo. « La concession portuaire de Conakry a été accordée dans le strict respect des lois en vigueur », a déclaré Damantang Albert Camara, joint par téléphone, rapporte Reuters. Selon Reuters, on ajoutait, dans l’entourage du président Alpha Condé, que « la Guinée n’est pas concernée par ces allégations, qui n’ont aucun sens. »
Quand Bolloré assignait France2 pour son « Complément d’enquête »
Sur les affaires réalisées par les sociétés du groupe Bolloré en Afrique, deux journalistes avaient enquêté et produit un documentaire intitulé » intitulé « Vincent Bolloré, un ami qui vous veut du bien » diffusé par France 2 dans le cadre de l’émission « Complément d’enquête ». Pour mémoire, en juillet 2016, le groupe Bolloré, dénonçant « une volonté avérée de lui nuire en le dénigrant gravement » à travers une émission « totalement à charge », avait annoncé qu’il réclamait 50 millions d’euros à la chaîne télévisée France 2, pour avoir rediffusé un « Complément d’enquête » consacré à son patron Vincent Bolloré. « Afin de mettre un terme à cette campagne insidieuse et de protéger tant les intérêts de ses salariés que de ses actionnaires, le groupe Bolloré a assigné France 2 afin d’obtenir réparation devant le tribunal de Commerce de Paris de son préjudice évalué à 50 millions d’euros », indique le communiqué.
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