Le rapport final du comité d’experts sur les propositions issues du dialogue politique tenu en République du Bénin a été transmis au chef. Il en résulte une nécessité de révision de la constitution, afin de favoriser la mise en œuvre de certaines recommandations. Une proposition qui n’est pas du goût du président Patrice Talon qui a exprimé son regret de ne pas pouvoir s’associer à un tel projet vu que la question fâche nombre de concitoyens.
Bidossessi WANOU
Les recommandations du rapport final du dialogue politique voulu et tenu par le président Talon pour aplanir les divergences engendrées par la loi électorale et la charte des partis politiques au Bénin laissent entrevoir une nécessité de révision constitutionnelle. C’est d’ailleurs la panacée pour une mise en œuvre de certaines conclusions du dudit dialogue notamment, la meilleure représentation du peuple par les femmes et de l’alignement des mandats en vue d’élections générales. En s’accordant avec la pertinence de ces propositions, Patrice Talon aurait souhaité qu’on en vienne à légiférer et à rendre applicables ces propositions sans avoir eu besoin de retoucher la constitution. Au fait, « j’avais secrètement espéré que la mise en œuvre de ces recommandations puisse trouver une habileté juridique qui nous éviterait une retouche de la Constitution » a expliqué Patrice Talon qui ajoute : « j’ai une certaine aversion pour cette question. Je l’ai dit à plusieurs occasions que je ne souhaiterais plus, durant mon mandat, revenir sur cette question qui soulève beaucoup de polémiques, même si parfois le bien-fondé n’est plus à démontrer ». En effet, le président n’entend pas s’associer à un tel projet tant qu’on n’aurait pas réussi à créer le consensus et à convaincre les uns et les autres de ce que les fondamentaux vont demeurer en l’occurrence la limitation du nombre de mandat. « Nous avons l’obligation de disposer pour aujourd’hui et pour demain. Nous avons aussi l’obligation de prévenir toute pulsion qui pourrait venir de l’un quelconque d’entre nous demain » a insisté le président qui souhaite qu’aucune faille ne soit laissée si tant est qu’on doit retoucher la constitution afin de ne donner aucune marge de manœuvre aux velléités politiques qui remettraient en cause ce principe auquel tient si tant le Bénin et ses fils, à savoir qu’ en aucun cas, nul ne peut faire plus de deux mandats. Enfin, comme le président a eu à le notifier déjà une fois, il veut avoir le débat de révision de la constitution bien loin de loi et pire, une révision qui n’aurait pas levé toute équivoque : « J’aurais beaucoup de difficultés à accompagner une telle démarche et m’impliquer dans sa mise en œuvre par la promulgation aussi des modifications ».
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« Madame et messieurs les membres du bureau de l’Assemblée nationale, j’ai noté et entendu dans les propos du coordonnateur, un ou deux mots relatifs à la Constitution. Pour être bien précis, à une retouche éventuelle de certaines dispositions de la Constitution. Vous savez monsieur le coordonnateur, messieurs les membres du comité, que désormais j’ai une certaine aversion pour cette question. Je l’ai dit à plusieurs occasions que je ne souhaiterais plus, durant mon mandat, revenir sur cette question qui soulève beaucoup de polémiques, même si parfois le bien-fondé n’est plus à démontrer.
C’est vrai que comme il faut le comprendre, sauf à trouver le contour juridique permettant la chose, les élections générales qui induisent l’alignement des mandats, appellent à revoir la durée du mandat des députés. Ce qui est d’ordre constitutionnel. Il en est ainsi d’une disposition éventuelle permettant une meilleure représentation du peuple par les femmes. C’est-à-dire induire une discrimination au profit des femmes, qui pourrait conduire à une certaine retouche de la Constitution.
J’avais secrètement espéré que la mise en œuvre de ses recommandations puisse trouver une habileté juridique qui nous éviterait une retouche de la Constitution. Je sais que même si le droit, parfois habilement utilisé, pourrait trouver le miracle de le contourner ou de le formuler de manière à atteindre les objectifs, dans toutes les circonstances, peut-être difficiles, je voudrais vous exprimer haut mes inquiétudes de la réflexion quant à ce processus de révision.
J’aurais beaucoup de difficultés à accompagner une telle démarche et m’impliquer dans sa mise en œuvre par la promulgation aussi des modifications, si nous ne trouvons pas les moyens de formuler ces modifications aussi minimes soient-elles, si nous ne trouvons pas les moyens d’évacuer les craintes des uns et des autres, si nous ne trouvons pas les moyens de rassurer les uns et les autres quant à toute possibilité aujourd’hui et à venir, de manipulations de ces modifications pour violer un esprit du pilier fondamental de notre Constitution qui est la limitation du nombre de mandats présidentiels. Vous savez qu’un acquis important auquel nous sommes attachés unanimement dans le pays, c’est que nul ne peut exercer plus de 2 mandats présidentiels au Bénin quelles que soient les circonstances. Nous savons malheureusement que c’est devenu un peu la mode qu’à chaque fois qu’une Constitution est touchée pour régler un problème du moment, cette modification est évoquée comme changement de Constitution, l’instauration d’une nouvelle République, pour remettre souvent les compteurs à zéro, afin que le Président en exercice pendant la modification de la Constitution, remette à zéro son ou ses mandats passés. Cela conditionne nos concitoyens de sorte que personne ne veut toucher la Constitution pour éviter ce risque. Même moi, j’y tiens ! Je suis également conditionné par ce risque, par cette interprétation. Je n’ai pas de doute quant à mes pulsions personnelles éventuelles sur ce que mon esprit est capable de faire ou de devenir. Je n’ai pas de doute là-dessus. Mais nous avons l’obligation de disposer pour aujourd’hui et pour demain. Nous avons aussi l’obligation de prévenir toute pulsion qui pourrait venir de l’un quelconque d’entre nous demain. Peut-être même de personne qui, même si elle n’est pas encore connue aujourd’hui, serait tentée d’utiliser de telles modifications à des fins personnelles. Je n’ai pas tous les contours juridiques de la question, je m’exprime comme un citoyen ordinaire, comme un profane, je le suis en la matière. Je voudrais que les uns et les autres, aient cela comme boussole afin que si on doit formuler une quelconque modification pour servir la cause qu’on vient d’évoquer, il faut impérativement trouver une formulation qui rassure tout le monde, et qui empêcherait dans tous les cas, en toute circonstance, une quelconque interprétation de ces modifications pour remettre en cause ce pilier fondamental de notre Constitution qui est la limitation des mandats présidentiels. Si on ne parvient pas à le faire, mon lobbying ne servira pas à cette cause, et je ne promulguerai jamais une modification de Constitution qui pourrait demain nous créer des histoires. C’est vrai, nous voulons progresser mais nous devons tenir compte de qui nous sommes. »