Malgré sa contribution significative au marché d’emplois et au Produit intérieur brut du pays, le secteur de la construction au Nigeria est entaché de graves irrégularités, lesquelles ont causé l’effondrement de plus de 220 bâtiments dans diverses villes entre 1974 et 2019, et coûté la vie à des centaines des personnes, fait déplacer plus de 6 000 ménages, et causé plus de 4 milliards USD de biens matériels. Décryptage.
Issa SIKITI DA SILVA
Selon Olasunkanmi Habeeb Okunola, un expert du Brookings Institution, l’erreur humaine dans ce secteur est devenue un facteur important de ce problème.
« En fait, de nombreux cas documentés d’effondrement de bâtiments au Nigéria incluent des erreurs d’individus ou de promoteurs immobiliers consistant à contourner les procédures professionnelles de base pour obtenir l’approbation du plan de construction, recourir aux services de constructeurs non qualifiés, l’utilisation de matériaux de construction défectueux ou de qualité inférieure, et de conversion illégale de structures existantes et modifications de permis de construire approuvés », explique ce scientifique de l’United Nations University-Institute for Environment and Human Security, sur le site du Brookings Institution.
Bien que les activités de ce secteur aient baissé de 12,8% en 2020 à cause notamment de la faiblesse des investissements publics, parallèlement à la limitation des investissements directs étrangers dans le contexte de la récession économique mondiale causée par le COVID-19, les experts ont déjà prédit que le marché nigérian de la construction devrait recommencer à croître de 3,2% par an entre 2021 et 2025.
Avec le retour en force des activités dans ce secteur dans les quatre prochaines années, beaucoup d’observateurs craignent que d’autres accidents graves surviennent, comme celui de novembre 2021 survenu à Ikoyi (Lagos) où un immeuble de 21 étages s’est effondré, a tué au moins 45 personnes et blessé plusieurs personnes.
Ceci revient à dire que chaque fois que les habitants de Lagos voient des hommes en tenue de travail en train de poser des pierres et des briques pour former une fondation sur laquelle un immeuble sera construit, ils se posent des questions – sans réponse – pour savoir si ce n’est pas un autre groupe des maçons et des ingénieurs de fortune munis d’un permis de construire bidon qui viennent martyriser la ville.
En fait, Lagos a connu 167 cas signalés entre 2000 et 2021, dont 78,4% étaient des bâtiments résidentiels et 12,8% étaient commerciaux, selon les chiffres fournis par le site du Brookings Institution.
Aucune réglementation
Il n’existe aucune réglementation fédérale ou étatique au Nigéria qui oblige les particuliers ou les promoteurs immobiliers à consulter des professionnels certifiés pour la construction de bâtiments, souligne Olasunkanmi Habeeb Okunola.
Par conséquent, poursuit-il, les organismes professionnels ne sont pas en mesure de remplir les fonctions de surveillance, ce qui ouvre la voie à des constructeurs non qualifiés pour superviser les projets de construction dans le pays.
A en croire cet éminent intellectuel nigérian, l’échec du gouvernement à différents niveaux à poursuivre les coupables de l’effondrement des bâtiments a renforcé la prépondérance des matériaux de construction de qualité inférieure et un niveau croissant d’impunité parmi les promoteurs immobiliers.