L’opérationnalisation d’un Système de récépissé d’entreposage est enclenchée au Bénin. Sa mise en place favorisera la maîtrise de la commercialisation des produits agricoles autour des magasins et peut se muer plus tard en bourse de matières premières.
Le Bénin disposera bientôt d’un Système de récépissé d’entreposage (Sre) pour le commerce des produits agricoles. Le groupe de travail chargé de l’élaboration des textes a lancé, en février dernier à Cotonou, le processus de conception d’un cadre légal et réglementaire adéquat et inclusif en la matière. L’opérationnalisation du Sre se fait avec l’appui de la Société financière internationale (Ifc) dans le cadre du Projet d’appui à la compétitivité de l’agrobusiness au Bénin (Pcab).
Un diagnostic du secteur privé au Bénin en 2022 a identifié la difficulté d’accès au financement comme contrainte majeure de développement des petites et moyennes entreprises, en particulier dans le domaine de l’agriculture. Il est alors recommandé la conception d’un cadre réglementaire du financement par récépissé d’entrepôt, afin de favoriser la commercialisation des produits et le financement des chaînes de valeur à travers l’accès durable au crédit auprès des institutions financières.
En fait, le mécanisme actuel de commercialisation des produits agricoles met en scène plusieurs acteurs et intermédiaires et ne permet pas une maîtrise de la commercialisation, signale Marius Konssago, directeur du Commerce intérieur. Faible représentativité des acteurs au sein des organisations interprofessionnelles, perte de qualité des produits (noix), absence de modèle adéquat pour sécuriser l’approvisionnement des usines, difficultés d’accès au financement, porosité des frontières terrestres, sont les limites du système, précise-t-il.
Le système de financement par récépissé d’entrepôt s’avère nécessaire pour pallier l’absence d’une stratégie intégrée de collecte de données, de mécanisme de fixation de prix, le manque de coordination des structures responsables du contrôle de qualité et des autres entités sectorielles. Il implique des déposants (producteurs, coopératives, commerçants, transformateurs), des institutions financières (banques, systèmes financiers décentralisés), des opérateurs d’entrepôt agréés.
Avantages
L’opérationnalisation du Sre permettra d’assurer une autonomie de gestion des filières, une réduction des nombreux intermédiaires dans la commercialisation, une traçabilité des produits et des transactions ainsi qu’une meilleure collecte d’informations statistiques, espère Marius Konssago. En perspective, la commercialisation en système de récépissé d’entreposage autour des magasins peut se muer plus tard en bourse de matières premières, ajoute le directeur du Commerce intérieur, tout enthousiaste. Ainsi, acheter et vendre des titres sur des biens physiques pour établir une bourse de marchandise seront rendus possible avec les récépissés d’entrepôt.
Dans ce système qui facilite des transferts de titres de propriété des produits agricoles, les institutions financières sont protégées contre les prétentions d’autres créditeurs à moindre coût et bénéficient de la liquidation des prêts, en cas de défaut, vente du récépissé d’entrepôt. Un réseau d’entrepôts assurera une meilleure protection contre les intempéries, les insectes et les risques de maladie, la réduction de détérioration des stocks grâce à la fumigation et au séchage, avec un impact positif sur les revenus des producteurs et sur la sécurité alimentaire d’une région.
Les producteurs ne seront plus obligés de vendre leur récolte juste après la moisson, ce qui entraîne un excès d’offre et une chute des prix. Le Sre contribuera ainsi à réduire la saisonnalité des prix. Il offrira également une meilleure évaluation de la production, des rendements et du planning, avec la captation facilitée des informations sur le niveau et la qualité de la production, sur les rendements et sur les prix au niveau de l’entrepôt où s’effectue généralement la vente. L’accès aux services d’assistance et de formation, aux intrants et aux services financiers sera simplifié aux producteurs.
En Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Kenya et au Malawi, des projets Sre ont permis aux acteurs d’obtenir des prêts de près 65 millions de dollars et de toucher des centaines de milliers de producteurs, fait savoir Amadou Ba, consultant du secteur privé pour l’Ifc.
Pièges à éviter
La confiance du secteur financier reste la pierre angulaire du Sre. Il est question de gagner cette confiance et de créer une ambiance de concurrence, insiste Amadou Ba. Au Sénégal, indique-t-il, avec les taux d’intérêt relativement faibles (7 à 8 %), l’on est passé d’un rapport prêt-valeur de 80 % à 10 % en deux ans. En Inde, il y a eu l’augmentation du rapport prêt-valeur de 50-55 % à 70 %, avec les taux d’intérêt de 1 à 2 % en dessous du niveau général pour les prêts. Le récépissé doit représenter la quantité et la qualité de la marchandise en magasin. Le système devra prévoir des sanctions en cas de manquement.
L’organe de régulation doit être indépendant et bénéficier d’une autonomie financière, recommande l’expert sénégalais. Le manque d’indépendance a compromis le Sre dans plusieurs pays, notamment au Brésil avec l’influence politique des propriétaires de magasins dans les années 90. La dépendance au budget de l’Etat peut conduire à la politisation (cas de la Côte d’Ivoire et du Sénégal), à la vulnérabilité face aux coupures budgétaires et au sous-financement de l’organe de régulation (Cas de Twlb en Tanzanie). En revanche, l’autonomie financière a assuré la bonne performance du système des Etats-Unis depuis 1916.
Dans le but d’assurer l’autonomie financière, l’expert préconise que des prélèvements sur le volume d’opérations généré par le Sre et la réalisation d’économies d’échelle en commençant par de grands magasins et ensuite s’étendre vers des magasins de moindre taille.
Un plan cohérent, réalisable et partagé par les parties prenantes, y compris l’Etat, est nécessaire, ajoute Amadou Ba. Au Sénégal, une surcapacité de transformation installée avec des financements disponibles ont plombé le Sre dans la filière riz.
Il faut également des politiques publiques qui facilitent le Sre et ne faussent pas la logique du secteur privé, comme les tentatives de soutenir les prix aux producteurs ou éloignent les acheteurs (cas du maïs en Zambie, noix de cajou en Tanzanie et en Côte d’Ivoire en 2012), de modérer les prix aux consommateurs des céréales au détriment de la filière locale dans beaucoup de pays.
Aké MIDA