Le commerce de contrebande entre le Bénin et le Nigéria continue de perturber les affaires du nigerian Aliko Dangote. L’homme le plus riche d’Afrique ne rate plus aucune occasion pour dégainer sur le Bénin.
Falco Vignon
«La contrebande tue le Nigeria et la plupart de ces marchandises de contrebande proviennent de la République du Bénin. Aucun pays ne peut survivre avec la République du Bénin en tant que voisin » Ainsi, Aliko Dangote venait de sonner la charge contre le Bénin, pays frontalier du Nigéria. C’était, samedi 08 juin 2019 à Lagos, au cours de la table ronde consultative sur la croissance organisée par la Central Bank of Nigeria (CBN). Aliko Dangote, l’homme le plus riche d’Afrique, a réprimé le volume de marchandises de contrebande entrant au Nigéria via la République du Bénin. Il a ajouté que les activités de contrebande en provenance de la République du Bénin faisaient des victimes dans le secteur manufacturier au Nigeria. Pour le patron des patrons nigerians, il urge de « prendre des mesures draconiennes contre le Bénin » afin de protéger le marché nigérian face aux réexportations « néfastes » en provenance du Bénin.
Lors de cette table ronde intitulée “Going for Growth”, le gouverneur de la CBN a invité les opérateurs économiques et les décideurs à redoubler d’efforts au cours des prochaines années pour stimuler la croissance économique, créer des emplois dans les secteurs critiques du pays, et surtout œuvrer pour protéger l’économie nigériane des chocs extérieurs.
Selon l’homme d’affaires nigérian Aliko Dangote, la contrebande est un vrai obstacle aux politiques du gouvernement nigérian pour conduire l’économie vers le sentier de la croissance. «Ce qui nous tue le plus, c’est la contrebande. La contrebande est ce qui a réellement tué la plupart de nos politiques. Aucun pays ne peut survivre avec un voisin comme la République du Bénin. Leur principal travail est de faciliter la contrebande », a déclaré Dangote rapporté par le média nigérian ‘’Leadership’’.
Pour l’homme le plus riche d’Afrique, le Bénin avec ses 11 millions d’habitants serait le seul goulot d’étranglement du géant Nigéria avec ses 191 millions d’habitants. Pour ainsi empêcher le Bénin de continuer à limiter les performances globales de l’économie du premier producteur de pétrole africain, il urge de mener des actions à la hauteur de l’enjeu. « Nous allons prendre des mesures draconiennes contre le Bénin pour éviter la contrebande. Le plus grand défi pour l’économie du Nigeria est de mettre un terme à la contrebande organisée par le Bénin vers le Nigeria, a déclaré le plus riche d’Afrique selon le dernier classement Bloomberg (une fortune estimée à plus de 16 milliards de dollars).
Selon le gouverneur de la CBN, le gouvernement fédéral nigérian avait déjà pris des mesures coercitives pour décourager les acteurs de cette pratique. Godwin Emefiele a indiqué que les comptes bancaires des acteurs de ce trafic seront bientôt retrouvés et bloqués dans toutes les banques nigérianes. » À ce stade, nous avons déjà bloqué les comptes de certains acteurs du secteur du textile, du riz et de l’huile de palme. Nous enquêtons sur ces comptes et, à mesure que les informations deviennent plus claires, nous allons passer au niveau suivant… » a déclaré M. Godwin Emefiele.
Les produits de la contrebande dont il s’agit sont, principalement, les marchandises que le Bénin exporte vers le Nigeria, mais importées d’Europe ou d’Asie. Il s’agit notamment des voitures d’occasion de France ou de Belgique, des pneus usagés d’Allemagne, la friperie , le riz du Pakistan, le tissu wax, bazins d’Allemagne, le lait condensé de Hollande, tomates en boite d’Italie, sucre, etc.
Un comité mixte anti contrebande en gestation
Le Nigeria et le Bénin ont créé un comité conjoint pour lutter contre la contrebande à l’occasion. Toutefois, les contours du Comité n’ont pas été précisés. Les présidents des deux pays ont visiblement condamné la contrebande du riz au cours d’une rencontre en juillet 2018. Pour le président Buhari, la contrebande, sitmulée par les fortes taxes à l’importation, menaçe l’objectif affiché de réaliser l’autossuffiasance en riz du Nigeria. De son côté, le président Talon a déclaré « Nous sommes conscients de la manière dont la contrebande de riz affecte le développement des capacités locales dans la riziculture au Nigeria. Cela affecte négativement le commerce entre nous, et le Nigeria est un partenaire important pour un pays comme le Bénin. Mais nous n’avons pas le pouvoir de bloquer les marchandises destinées à d’autres pays, et notre pays n’est pas la destination finale du riz de contrebande. Nous devons développer une volonté commune pour faire face au problème ». De longue date, le Bénin importe du riz d’Asie bien au-delà de ses besoins pour sa consommation intérieure. La majorité de ces importations servent à alimenter son voisin nigérian en réexportation officielle mais surtout en contrebande.
Photo : Dangote contrebande
Légende : Aliko Dangote, l’homme le plus riche d’Afrique
Voici la réflexion de Olivier SEGBO (France)
De la contrebande, de l’intégration régionale, de quel mal souffrent le Bénin et le Nigeria?
On peut s’étonner de la dernière sortie de l’homme d’affaire, M. Dangote, contre le Bénin. Malgré la maladresse de la forme, pouvons nous examiner le fond et construire un avenir commun?
Les deux pays font partie de la CEDEAO (ECOWAS en anglais) régie par un traité signé à Lagos en 1975 à Lagos, au Nigeria puis révisé en juillet 1993 à Cotonou, avec les 15 états ouest-Africains depuis le départ de la Mauritanie.
Les termes du traité sont clairs, créer une entité économique unique pour le développement des états, favoriser la libre circulation des biens et des personnes et tendre vers une monnaie commune, pour faire court.
Qui est le contrebandier de qui?
Pour autant, le Nigeria n’a pas pris les mesures pour éradiquer la contrebande de pétrole et d’essence qui a asphyxié toute la filière pétrolière béninoise. Sonacop et autres acteurs béninois sont quasiment à l’agonie face à la vente partout du carburant kpayo venu du Nigeria.
Il n’est pas rare que les familles béninoises subissent le renchérissement du prix des denrées alimentaires quand les exportateurs drainent vers le Nigeria toute la production agricole du Bénin.
Le Bénin n’est pas non plus en reste, en servant de transit vers le Nigeria, de tout ce qui s’importe de Chine, de France, des États-Unis ou d’ailleurs.
Des fortunes familiales se sont faites au Bénin et au Nigeria sur ce commerce transfrontalier qui date de plusieurs siècles.
Avec pour conséquence une désindustrialisation…
Les conséquences sont dramatiques pour les deux pays. Le Bénin, premier producteur de coton, n’a pas une industrie textile digne de ce nom. Du bazin au wax hollandais, il en est un des principaux importateurs et pas que pour sa consommation locale. Et que dire de la friperie tenue par les ibos, qui ont elus domicile au Bénin après les affres de la Guerre du Biafra. Elle n’a laissé aucune chance à l’industrie de la confection ni dans les États limitrophes du Bénin au Nigeria ni au Bénin.
Alors que le marché nigérian ne demande qu’à être alimenté, les barrières normatives érigées par le Nigeria, notamment dans l’agro-industrie, n’encouragent pas le développement d’industries de transformation au Bénin, dont le marché intérieur peine à absorber une production industrielle d’envergure.
La liste est longue, le constat accablant car autant les marchés potentiels sont prometteurs autant le bilan est néfaste par ses effets et insignifiant dans ses résultats.
Quelles pistes pour en sortir?
1- Appliquer les traités : les africains ont ce propre de signer en grandes pompes des conventions et des traités dont on ne se préoccupe de la mise en œuvre qu’à l’approche d’un sommet anniversaire. Qui a dit quand vous voulez cacher une information aux africains, écrivez un livre. Nous ne lisons et donc n’appliquons que très peu des documents qui pourtant engagent nos états.
2- Assainir les filières de la contrebande : le Bénin comme une partie du Nigeria ont toujours vécu d’économies de troc. Importer et exporter … en évitant si possible de payer les taxes et en contournant toute réglementation. Aucune économie ne peut contribuer aux financements des infrastructures (routes, hôpitaux, écoles,…) dans ces conditions.
3- Travailler à une réelle intégration sous régionale : tous les pays de la CEDEAO échangent peu entre eux, se livrent une concurrence féroce sur tous les plans, ports, extractions minières, exportations de matières premières … et coopèrent peu pour créer de grands champions industriels sous régionaux.
M. Dangote a certainement des choses à dire…Je l’invite, modestement, à faire…, lui qui a su réussir sur tant de sujets.
C’est plus d’africains visionnaires qui ouvrent le chemin vers une économie intravertie et pourvoyeuse d’emplois pour la jeunesse dont l’Afrique a besoin… La mise à l’index d’un voisin, fut-il le Bénin, est loin d’être la bonne réponse.
En toute modestie, Cher M. Dangoté.