La crise qui sévit partout dans le monde et qui est provoquée, premièrement, par le changement climatique et la pandémie de Covid-19 et ensuite par l’invasion russe de l’Ukraine, continue son bonhomme de chemin, avec des conséquences néfastes, entre autres, sur les chaînes d’approvisionnement, le prix de l’énergie et la sécurité alimentaire. Les experts et les décideurs politiques sont dépassés et la tension monte dans les rues car le futur reste incertain.
« On ne sait toujours pas comment la combinaison des perturbations des récoltes, des prix de l’énergie et de la politique monétaire va déboucher », lancent d’emblée trois experts du Fonds monétaire international (FMI).
Christian Bogmans, Andrea Pescatori et Ervin Prifti expliquent : « Les échanges sur les marchés à terme suggèrent que les prix de gros des céréales ne chuteraient que de 8% l’an prochain par rapport aux sommets actuels. Mais nos estimations indiquent que les contraintes d’approvisionnement pourraient l’emporter sur l’affaiblissement de la demande, ce qui maintiendrait les prix élevés au cours des prochains trimestres ».
Ces économistes du FMI estiment que la hausse des prix des denrées alimentaires au niveau international a ajouté six points de pourcentage à l’inflation des aliments de consommation en 2022.
Cependant, ajoutent-ils, la répercussion sur la hausse des prix de détail des aliments sur le marché intérieur pourrait prendre de six à 12 mois – une autre raison pour laquelle, en plus de l’affaiblissement récent des devises des économies des pays émergents, de nombreuses personnes devront attendre d’être soulagées par la baisse des prix des matières premières.
Risques
Dans cet environnement chargé d’incertitudes et rebondissements, Christian Bogmans, Andrea Pescatori et Ervin Prifti soulignent : « Le risque que les prix des denrées alimentaires augmentent à nouveau plutôt que de baisser au cours des deux prochains trimestres reste élevé ».
« Et si ces risques ne suffisaient pas, l’impact de la hausse des taux d’intérêt sur l’insécurité alimentaire pourrait être mitigé. En effet, un ralentissement de l’activité économique qui en résulte peut réduire les revenus personnels. Combiné à des niveaux de prix des denrées alimentaires encore élevés, cela pourrait provoquer l’augmentation du nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire ».
Alors que faire ?
Pour se défendre contre de nouvelles flambées des prix et permettre à la nourriture et aux engrais d’arriver à ceux qui en ont le plus besoin, il reste vital que le commerce international reste libre, recommandent-ils.
« En particulier, le corridor céréalier de la mer Noire a facilité les exportations de céréales de l’Ukraine et ramené les prix aux niveaux d’avant l’invasion, atténuant la faim dans le monde. Il est important qu’il y ait également un accès mondial aux engrais en éliminant autant que possible les barrières commerciales qui limitent l’offre mondiale », ont-ils indiqué.
« Les pays devraient laisser la hausse des prix mondiaux se répercuter sur les prix intérieurs tout en augmentant les dépenses ciblées de protection sociale, dans la mesure où leur budget le permet. Cela est nécessaire pour permettre aux signaux de prix de rééquilibrer les marchés alimentaires tout en protégeant le pouvoir d’achat des familles vulnérables ». L’allégement de la dette extérieure et les dons des organisations internationales pourraient aider à financer l’expansion des régimes d’assistance sociale dans les pays en développement, affirment-ils.