Le Bénin a fait des progrès considérables en matière de gestion macroéconomique durant les cinq dernières années, mais la détérioration de la situation sécuritaire (à caractère régional) dans le Nord du pays, les répercussions de la COVID-19 et le renchérissement du coût de la vie en lien avec la guerre en Ukraine pourraient mettre à mal les gains économiques durement acquis par le pays. Ainsi, le Bénin a accédé au Mécanisme élargi de crédit (MEDC) et à la Facilité élargie de crédit (FEC) du Fonds International Monétaire (FMI).
Dans la perspective de répondre aux besoins urgents de financement, soutenir le Plan National de Développement (PND) du pays 2018–2025 et mobiliser davantage les ressources auprès des donateurs, le Bénin a accédé au Mécanisme élargi de crédit (MEDC) et à la Facilité élargie de crédit (FEC) du FMI avec une enveloppe financière d’environ 650 millions de dollars américains. Avec une taille d’environ quatre fois la quote-part du Bénin au FMI, c’est l’un des plus gros programmes appuyés par le FMI dans la région. Il s’agit du premier cas dans le cadre de la politique d’exposition élevée au crédit combiné du FMI, qui vise à soutenir les pays membres ayant des besoins exceptionnels de balance des paiements et qui disposent de la capacité institutionnelle nécessaire pour mettre en œuvre un programme avec des montants au-dessus de la limite normale d’accès combiné au titre d’un accord mixte MEDC/FEC.
Dans un entretien accordé à Focus-Pays du FMI, Romuald Wadagni, Ministre d’État en charge de l’économie et des finances du Bénin, et Constant Lonkeng, Chef de Mission FMI pour le Bénin, abordent les principaux aspects du nouveau programme : consolidation de la protection sociale, de l’État de droit et de la gouvernance ; renforcement de la mobilisation des recettes ; et atténuation des risques sécuritaires.
Quelles sont les principales priorités du Gouvernement dans le cadre de ce nouveau programme et au-delà ?
Ministre d’État Wadagni : Nos principales priorités sont définies dans le Programme d’Action du Gouvernement (PAG) 2021–2026, qui est ancré au Plan National de Développement (PND) 2018–2025. Le PAG s’articule autour de trois piliers principaux : (i) le renforcement de la démocratie, de l’État de droit et la consolidation de la gouvernance ; (ii) la poursuite de la transformation structurelle de l’économie, en particulier l’intégration des chaînes de valeur nationales et régionales (soutenue par des mesures visant à améliorer l’environnement des affaires) ; et (iii) l’amélioration du bien-être de la population.
Le Gouvernement poursuivra les mesures en cours en vue de promouvoir les secteurs à fort potentiel tels que l’agriculture, le tourisme, l’économie numérique et l’économie du savoir, en mettant l’accent sur l’enseignement technique et la formation professionnelle. Nous achèverons également les projets d’envergure entamés au cours de la période 2016–2021 pour réduire le déficit en infrastructures du Bénin, notamment dans les domaines du transport, de l’énergie et de l’eau.
Ces initiatives seront étayées par une gestion saine et transparente des finances publiques et soutenues par une solide mobilisation des recettes intérieures, notamment pour consolider la stabilité macroéconomique et alléger le fardeau de la dette sur les générations futures.
Quel est le plan du Gouvernement en termes de renforcement du système de protection sociale du pays ?
Ministre d’État Wadagni : Le Gouvernement a commencé à étendre les programmes sociaux existants tout en introduisant de nouveaux programmes pour renforcer les filets de sécurité sociale. Notre programme phare de protection sociale (ARCH) vise à améliorer l’accès aux services de santé des groupes vulnérables. Nous envisageons également d’étendre notre programme national d’alimentation scolaire (PNASI), de sa couverture actuelle de 75% des écoles à l’ensemble des écoles l’année scolaire à venir.
Nous allons intensifier les investissements dans les infrastructures de santé et l’accès à l’eau potable dans les zones rurales, ainsi que dans l’éducation, en particulier pour les filles. Le gouvernement a déjà mis en place un important programme visant à garder les filles à l’école afin de renforcer leur formation secondaire, technique et professionnelle. Dans le même esprit, nous envisageons des transferts monétaires conditionnels à plus de 30 000 filles et jeunes femmes scolarisées à travers les 77 communes du Bénin. Nous renforçons également l’assistance aux personnes à mobilité réduite et aux aides-soignants(e)s. Enfin, après consultation avec les syndicats, nous augmenterons le salaire minimum pour atténuer l’érosion du pouvoir d’achat des personnes à revenu faible vu que le dernier ajustement a été opéré en 2014.
Le programme prévoit des dépenses initiales pour atténuer les risques liés à la sécurité. Pouvez-vous préciser ?
Ministre d’État Wadagni : Frontalier à des pays en proie au terrorisme djihadiste, le Bénin est depuis 2019 confronté à une recrudescence des attaques terroristes le long de ses frontières dans la partie septentrionale. Pour y répondre, le Gouvernement a musclé son dispositif sécuritaire aux frontières, consolidé le contre-terroriste et la coopération sous régionale en matière de sécurité.
Par ailleurs, le Gouvernement s’est doté d’une stratégie nationale en matière de sécurité de grande envergure centrée sur une « approche civile » et visant à renforcer la présence et l’efficacité de l’État dans les communautés à risque, notamment en améliorant l’accès des populations aux services publics de base. Cette stratégie va donc au-delà de l’approche traditionnelle pour combattre les menaces sécuritaires ; elle comprend notamment des programmes tels que la réhabilitation des pistes rurales, l’amélioration de l’accès au microcrédit, la promotion de l’agriculture et des activités génératrices de revenus, l’adduction d’eau dans les villages, et le soutien à l’élevage et gestion de la transhumance. Le coût global de cette stratégie est estimé à 630,8 milliards de francs CFA ouest-africains (soit environ 1 milliard de dollars américains) sur la période 2021–2026.
Quels sont les objectifs du nouveau programme appuyé par le FMI ?
Constant Lonkeng : A court terme, le MEDC/FEC permettra au Bénin de faire face aux besoins urgents de financement liés aux répercussions de la COVID-19, au renchérissement du coût de la vie induit par la guerre en Ukraine, et aux risques sécuritaires à caractère régional. A cet effet, le programme comprend une enveloppe financière d’environ 650 millions de dollars américains sur une période de 42 mois, dont 300 millions de dollars durant les six premiers mois de l’accord (143 millions de dollars américains ont été décaissés immédiatement après l’approbation du programme par le Conseil d’Administration du FMI le 8 juillet). Ces décaissements avancés représentent un important vote de confiance de la part du FMI et reflètent les antécédents solides du Bénin en matière de responsabilité budgétaire. Ce soutien financier inédit à un taux d’intérêt quasiment nul, et ce au moment où les coûts d’endettement sur les marchés sont élevés et ne cessent d’augmenter, offre au Bénin la possibilité de reporter à 2023 la réduction du déficit budgétaire qui était prévue dans la loi de finance initiale de 2022, au moment où les chocs susmentionnés n’étaient pas anticipés.
Parallèlement, le programme vise à soutenir la poursuite par le Bénin des Objectifs de développement durable (ODD) à moyen et long terme. La mobilisation des recettes, pierre angulaire du programme de réformes économiques du Gouvernement, permettra au Bénin de répondre aux besoins importants en matière de développement et de sécurité, notamment l’accès équitable aux services publics de base, tout en préservant la viabilité de la dette publique. Reflétant l’accent que le Gouvernement met sur le bien-être social, le montant des dépenses sociales prioritaires est soumis à un plancher semestriel dans le cadre du programme. Le MEDC/FEC vise également à renforcer davantage la gestion des finances publiques, l’État de droit, la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, ainsi que le dispositif de gouvernance. Ces étapes sont nécessaires pour stimuler les initiatives du secteur privé et mettre en valeur l’énorme potentiel du Bénin. Le FMI fournit actuellement une assistance technique au Bénin dans le cadre d’un diagnostic de la gouvernance afin d’éclairer les réformes dans ce domaine. Il fournira également des appuis techniques pour l’élaboration, par les autorités béninoises, d’une stratégie de mobilisation des recettes fiscales à moyen terme.
Ce programme est le tout premier dans le cadre de la politique du FMI relative à l’exposition élevée au crédit combiné. Pouvez-vous nous décrire cette politique ?
Constant Lonkeng : Le FMI accorde des prêts aux pays membres principalement par le biais de deux fonds : le Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance et le Compte des ressources générales. Le montant du financement disponible à un pays membre dans le cadre d’un accord avec le FMI est normalement soumis à une limite qui dépend de sa taille dans l’économie mondiale. Le nouveau MEDC/FEC du Bénin est inédit en ce sens qu’il est le tout premier programme appuyé par le FMI à combiner des ressources provenant des deux fonds susmentionnés et au-delà de la limite normale depuis que le FMI a adopté la politique d’exposition élevée au crédit combiné en 2020.
L’accès à un programme dans le cadre de l’exposition élevée au crédit combiné est régi par trois critères de qualification rigoureux, à savoir (i) le pays doit faire face à des besoins exceptionnels au niveau de la balance des paiements ; (ii) les risques relatifs à la viabilité de la dette publique doivent être adéquatement contenus ; et (iii) la capacité institutionnelle du pays doit être suffisamment robuste pour garantir des perspectives raisonnables de succès du programme. D’après l’évaluation du FMI, le Bénin remplit actuellement ces trois critères, une évaluation étayée par les antécédents du pays en matière de gestion macroéconomique et de responsabilité budgétaire, ainsi que son engagement continu en matière de réformes.
Nous sommes convaincus que la mise en œuvre résolue du programme générera des dividendes tangibles dans l’économie et améliorera la vie quotidienne des familles béninoises.