Près de 80% d’entreprises d’agrobusiness au Bénin ont été lancées avec des fonds propres et moins de 20% de ces entreprises ont accès au crédit, comparativement à 60% dans la région et 40% à l’échelle internationale.
Issa SIKITI DA SILVA
Ces statistiques se trouvent dans le rapport intitulé ‘’Etat des lieux de l’agrobusiness et défis à relever pour une insertion réussie des jeunes dans l’agrobusiness au Bénin’’, compilé par Rodrigue Kaki et Augustin Aoudji de la Faculté des sciences agronomiques de l’Université d’Abomey-Calavi. Le rapport ajoute aussi que seulement près de 11% reçoivent le soutien du gouvernement béninois, comparativement à 45% des entreprises de la région qui bénéficient du soutien de leurs états et 40% au niveau international.
Un patron d’une PME béninoise d’agrobusiness a déclaré que son entreprise fait face à un énorme défi de financement mais continue toutefois d’opérer dans l’espoir qu’un jour les choses vont changer. « Nous produisons des produits de qualité au goût de la population locale. Mais nous voulons vraiment que l’Etat nous assiste, nous les petits producteurs locaux, pour que nous avancions, progressions et créions des emplois pour les jeunes. Mais ce n’est pas facile d’obtenir un financement de l’Etat car ceux qui ont essayé ont apparemment échoué », a indiqué l’entrepreneur sous couvert de l’anonymat. Une PME d’agrobusiness au Bénin emploie en moyenne 26 personnes à titre permanent et 59 à titre temporaire.
Zone rouge
Interrogé sur le financement bancaire, le patron a décrit les banques comme une zone rouge à ne pas accéder pour le ‘’small business’’ au Bénin, surtout ceux qui opèrent dans l’informel. « Je n’ai pas encore essayé mais les collègues qui sont mieux aguerris que moi ont été catégoriquement rejetés. Donc ce n’est même pas la peine d’y aller », a-t-il affirmé.
Michel Lalert, un français expert de l’Université d’Orléans fustige l’attitude égoïste des banques opérant dans les pays sous-développés vis-à-vis des PME et des businesses du secteur informel. «Dans les pays en voie de développement, les banques ne participent pas -ou très peu- au financement des petites entreprises. Et cependant, en Afrique notamment, elles disposent de liquidités abondantes. C’est le secteur financier informel, les tontines qui financent la petite activité économique. C’est aussi le secteur semi-formel, qui se développe de plus en plus, avec les programmes d’appui aux entreprises et les formules de micro-crédit gérées par des caisses locales ou des organisations non gouvernementales», souligne-t-il dans son papier de recherche intitulé ‘’La stratégie de la banque africaine face aux secteurs informel et semi-formel’’, publié en 2000. « Les micro-finances sont fantastiques et prêtes à aider le petit peuple mais leur financement est limité à un certain plafond. Certaines entreprises d’agrobusiness continuent d’opérer dans l’informel, diminuant ainsi leur chance d’accéder au crédit bancaire. Donc à un certain niveau des opérations, tu as vraiment besoin d’une énorme somme pour passer à la vitesse de croisière », a-il-déclaré.
Contraintes
A part les problèmes de financement et le manque de capacité, le rapport cité ci-dessus a aussi identifié le problème des infrastructures routières et de transport, le manque de valorisation des produits sur le sol africain et le respect des normes et règles sanitaires constituent aussi du développement de l’agrobusiness au Bénin.Il y a aussi le problème de l’accès limité à la terre, l’accès insuffisant aux services financiers et l’accès limité aux marchés qui doivent être résolus pour une insertion des jeunes dans l’agrobusiness, recommande le rapport.
PDAB
En mai 2018, le gouvernement a lancé le Projet de développement de l’agrobusiness au Bénin (PDAB) en collaboration avec le gouvernement indien et du Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud).
Selon le gouvernement, ce projet de 4,5 milliards FCFA pourrait contribuer significativement à une amélioration des revenus de milliers de ménages ruraux, ainsi qu’à une réduction de l’exode rural par une meilleure attractivité des emplois agricoles au profit des femmes et des jeunes.
Cependant, pour le Pnud, l’investissement dans le domaine de l’agrobusiness comportait des risques majeurs à cause du déficit d’organisation de la chaîne d’approvisionnement en matières premières pour les agro-industries locales. Il semblerait qu’une grande partie des petits producteurs – la plupart désorganisés et opérant toujours dans l’informel – sont exclus de la chaîne de l’approvisionnement et de la commercialisation.Le PDAB aura donc du pain sur la planche pour remédier à cette situation.