On estime que 20% de la population africaine souffre de malnutrition, et 57 millions de personnes supplémentaires souffrent de la faim depuis le début de la pandémie de Covid-19. En 2022, 868 millions de personnes ont connu une insécurité alimentaire en Afrique, dont plus d’un tiers étaient confrontées à une insécurité alimentaire sévère, selon les chiffres de l’ONG World Vision. Bien que cette situation soit causée, entre autres, par des facteurs tels que les conflits armés interminables, le changement climatique, l’explosion démographique et les tensions géopolitiques, comme l’invasion russe de l’Ukraine, certains observateurs crucifient les gouvernements pour ne pas avoir accordé une importance particulière à l’agriculture.
Issa DA SILVA SIKITI
« Plusieurs pays africains restent toujours fortement dépendants des importations alimentaires afin de garantir leurs approvisionnements alimentaires, avec certaines sous-régions qui sont dépendantes des importations pour un tiers de leurs besoins céréaliers. Cela indique qu’il existe dans ces pays une demande importante pour la nourriture et qu’il est, entre autres, nécessaire d’augmenter la productivité agricole, la production alimentaire et les efforts visant à promouvoir une certaine valeur ajoutée », indique la FAO, l’agence onusienne de l’alimentation et de l’agriculture.
Frustré par une saison agricole catastrophique qui va l’appauvrir davantage, Luc, un agriculteur à petite échelle, s’en prend aux dirigeants du continent : « Nous jouons un rôle crucial dans la nutrition des populations mais on ne nous soutient pas suffisamment pour qu’on puisse en faire davantage. Nous sommes confrontés à des défis de financement, d’infrastructures (routes impraticables, transport inadéquat, manque d’équipement), changement climatique, distribution, etc). Mais on est souvent abandonné à notre propre sort. Il faut beaucoup d’argent pour augmenter la productivité agricole. L’agent doit être le nerf de la guerre contre cette faim chronique qui menace l’Afrique au jour le jour. On parle trop mais on ne fait rien du tout ».
Birju Patel, directeur général adjoint d’Export Trading Group, se range du côté de Luc et rappelle qu’il existe des obstacles majeurs qui limitent le succès de l’agriculture à petite échelle en Afrique. « Ces obstacles peuvent être classés en quatre catégories, à savoir le climat, la technologie et l’éducation, le financement, la politique et les infrastructures. Les petits exploitants agricoles africains comptent parmi les plus pauvres du monde. Il leur est difficile de maximiser leur potentiel sans technologies agricoles modernes, sans investissements suffisants et sans une structure de distribution qui reste mal adaptée à l’accès aux marchés », souligne-t-il dans une tribune publiée sur le site du Forum économique mondial (WEF).
En Afrique de l’Ouest, l’agriculture contribue à 35% du Produit intérieur brut (PIB) de la région et emploie près de 300 millions de personnes, y compris 60% de la population active. Cependant, le Hub Rural déplore de nombreuses contraintes qui plombent son envol. « Les agriculteurs de cette partie de l’Afrique sont mal connectés au marché, exposés aux aléas climatiques et font face aux problèmes d’accès aux services sociaux de base, services agricoles et financiers ».
Dix ans après avoir signé la déclaration de Malabo sur la croissance et la transformation accélérées de l’agriculture, dans laquelle ils étaient conscients du fait que la faim et la malnutrition étaient les principales causes de la pauvreté et du sous-développement en Afrique, les gouvernements africains tergiversent et semblent être à court d’idées pour mettre en pratique le contenu de cette déclaration.