La Russie et l’Ukraine ont signé vendredi 22 juillet 2022 à Istanbul un accord de levée de main sur les exportations des céréales. L’ONU et la Turquie ont participé à la signature de cet accord visant à endiguer les risques de famine dans le monde. Cependant, les deux pays en guerre depuis le 24 janvier ne sont pas parvenus à un cessez-le-feu.
Falco VIGNON
La raison a prévalu sur l’égo des belligérants dans la guerre russo-ukrainienne. Les deux parties ont signé un accord sur l’exportation des céréales sous les auspices des Nations unies et d’Ankara. La cérémonie a enregistré la présence du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres et du président turc Recep Tayyip Erdogan grand médiateur entre la Russie et l’Ukraine. Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou estime que les conditions sont réunies pour l’application « dans les prochains jours » de cet accord « sans précédent » qui vise à soustraire l’humanité de la famine. Selon l’Agence France presse, Antonio Guterres a remercié la Russie et l’Ukraine qui ont « surmonté leurs divergences pour faire place à une initiative au service de tous. Maintenant, cet accord « sans précédent » doit être « pleinement mis en œuvre », a-t-il ajouté. Le président Turc M. Erdogan a de son côté espéré que la signature de ce document allait « renforcer l’espoir de mettre fin à cette guerre » que se livrent depuis près de cinq mois dans l’une des régions les plus fertiles d’Europe deux des plus grands producteurs de céréales du monde. « L’accord d’Istanbul est un pas dans la bonne direction. Nous appelons à sa mise en œuvre rapide », a quant à lui réagi le chef de la diplomatie de l’Union européenne Josep Borrell. « Pour permettre un retour durable à la sécurité dans le monde et à la stabilité économique, (Vladimir) Poutine doit mettre fin à la guerre et se retirer d’Ukraine », a tempéré la cheffe de la diplomatie Liz Truss, Secrétaire d’État aux Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement du Royaume-Uni. Les Etats-Unis avaient dès jeudi salué cette avancée obtenue à Istanbul, tout en dénonçant le fait que la Russie « utilise les denrées alimentaires comme une arme ».
Des « couloirs sécurisés »
La principale mesure découlant de ce texte est la mise en place de « couloirs sécurisés » afin de permettre la circulation en mer Noire des navires marchands, que Moscou et Kiev s’engagent à « ne pas attaquer », a expliqué un responsable des Nations unies. Il sera valable pour « 120 jours », le temps de sortir les quelque 25 millions de tonnes accumulées dans les silos d’Ukraine tandis qu’une nouvelle récolte approche. Les négociateurs ont toutefois renoncé à nettoyer la mer Noire des mines principalement posées par les Ukrainiens pour protéger leurs côtes : « Déminer aurait pris trop de temps », a justifié l’ONU, qui a précisé que des « pilotes ukrainiens » ouvriraient la voie aux cargos dans les eaux territoriales. La Turquie s’est pourtant dite « prête » vendredi à aider au déminage de cet espace maritime, tandis que la Russie s’est « engagée » à ne pas « profiter » du fait que les ports ukrainiens seront « déminés et ouverts ». Et des inspections des navires au départ et en direction de l’Ukraine auront lieu à Istanbul, afin de répondre aux inquiétudes de la Russie, qui veut avoir la garantie que les cargos n’apporteront pas d’armes aux Ukrainiens.
Les engrais russes
Cet accord est « très important », avait souligné le Kremlin quelques heures avant sa signature. « Il s’agit d’une part relativement modeste des céréales ukrainiennes, mais il est néanmoins très important que ces céréales atteignent les marchés internationaux », avait déclaré le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. Il avait aussi estimé qu’il fallait « permettre aux marchés de recevoir des volumes supplémentaires d’engrais et de céréales » russes, dont l’exportation pâtit des sanctions occidentales. Le porte-parole du ministère ukrainien des Affaires étrangères, Oleg Nikolenko, avait martelé jeudi soir à l’AFP que Kiev n’accepterait « que des solutions qui garantissent la sécurité des régions méridionales de l’Ukraine, une position forte des forces armées ukrainiennes en mer Noire et l’exportation sûre des produits agricoles ukrainiens ». Mais, dans le sud fertile de l’Ukraine, des agriculteurs restent sceptiques. L’accord d’Istanbul « donne un peu d’espoir », considère certes un agriculteur de la région, Mykola Zaveroukha, qui attend de pouvoir exporter quelque 13.000 tonnes de céréales. Mais, ajoute-t-il aussitôt, « la Russie n’est pas fiable, elle l’a démontré année après année ». Dans le même temps, les forces russes poursuivent leurs bombardements sans relâche dans la région de Donetsk (est), qui a été au cœur de leur offensive militaire ces derniers mois. La présidence ukrainienne y a recensé vendredi « cinq personnes tuées et 10 blessées au cours des dernières 24 heures ».