Plus de 640 millions d’Africains n’ont pas accès à l’énergie, ce qui correspond à un taux d’accès légèrement supérieur à 40 %, le niveau le plus faible du monde. La consommation d’électricité par habitant en Afrique subsaharienne (Afrique du Sud exclue) est de 180 kWh, contre 13 000 kWh par habitant aux États-Unis et 6500 kWh en Europe. La production de 162 GW d’électricité, la connexion de 130 millions de personnes au réseau électrique et la connexion de 75 millions de personnes hors réseau sont devenues des challenges. Dès lors se bousculent au portillon de l’Afrique plusieurs puissances pour profiter de ses ressources énergétiques.
Falco Vignon
L’accès à l’énergie est vital non seulement pour atteindre les objectifs en matière de santé et d’éducation, mais également pour réduire le coût de la pratique des affaires, libérer le potentiel économique et créer des emplois. L’accès insuffisant à l’électricité cause chaque année des centaines de milliers de décès dus à l’utilisation de foyers à bois pour la cuisine ; entrave le fonctionnement des hôpitaux et des services d’urgence ; compromet les objectifs d’éducation et accroît le coût de la pratique des affaires. L’accès à l’électricité est par conséquent un des facteurs clés de la croissance inclusive d’autant plus qu’il crée des possibilités pour les femmes, les jeunes, les enfants, tant en milieu urbain que rural. L’Afrique est dotée d’un immense potentiel énergétique – énergie renouvelable notamment –, mais elle n’en utilise actuellement qu’une partie. L’hydroélectricité fournit environ un cinquième de la capacité actuelle, mais le potentiel utilisé ne correspond même pas au dixième du total. Le potentiel technique d’énergie solaire, éolienne et géothermique et de la bioénergie est également important. Même si la Banque africaine de développement entend privilégier l’énergie renouvelable, les combustibles fossiles continuent de représenter une part importante du mix énergétique général, comme c’est le cas dans plusieurs économies développées, la Banque finançant des technologies de pointe afin de réduire au minimum les émissions. La Banque a lancé un Nouveau Pacte pour l’énergie en Afrique, qui repose sur cinq principes indissociables et se renforçant mutuellement, à savoir : i) susciter des aspirations pour résoudre les problèmes énergétiques en Afrique ; ii) mettre sur pied un Partenariat transformateur pour l’énergie en Afrique; iii) lever des fonds aux niveaux national et international pour fournir un financement innovant au secteur énergétique africain ; iv) aider les gouvernements africains à renforcer la politique, les règlements et la gouvernance du secteur de l’énergie et v) accroître les investissements de la BAD dans le financement de l’énergie et du climat. L’Afrique est simplement fatiguée de se trouver dans l’obscurité. Il est temps de prendre des mesures décisives et de changer la situation : éclairer et fournir de l’énergie à l’Afrique – et accélérer le rythme de transformation économique, libérer le potentiel des entreprises ainsi que stimuler une industrialisation indispensable à la création d’emplois.
La BAD : un partenaire stratégique Pour Akinwumi Adesina, le président de la BAD, la stratégie énergétique de la Banque, essentielle pour la mise en œuvre du nouveau Pacte, met l’accent sur sept domaines, à savoir : i) créer un environnement politique favorable, ii) transformer les sociétés de services publics en entreprises performantes, iii) accroître sensiblement le nombre de projets énergétiques bancables; iv) augmenter l’enveloppe financière pour la mise en œuvre de nouveaux projets, v) soutenir des programmes d’accès à l’énergie pour les personnes se trouvant au « bas de la pyramide », surtout les femmes, vi) accélérer les principaux projets régionaux afin de stimuler l’intégration, et vii) mettre en œuvre des vagues de « transformations » énergétiques de dimension nationale. La Banque mettra en œuvre ces priorités à travers une série de programmes phares, tels que la passation de marchés IPP, la transformation des services publics de fourniture d’énergie, une facilité de soutien aux projets durant la phase préliminaire et des programmes incitatifs connexes, des initiatives de paiement mobile, et un programme régional d’accélération des projets. L’objectif de ce domaine prioritaire est d’aider le continent à garantir l’accès de tous à l’électricité d’ici à 2025, en s’employant particulièrement à encourager les solutions qui promeuvent l’énergie propre et renouvelable. Il faudrait, dans ce sens, augmenter la production du réseau par l’ajout de 160 GWH de nouvelle capacité, d’effectuer 130 millions de nouveaux branchements au réseau, 75 millions de nouveaux branchements hors réseau et permettre à 150 millions de foyers de disposer de solutions de cuisson propres. Pour atteindre cet objectif, il faudrait, selon les estimations, 60 à 90 milliards d’USD par an. La Banque va investir 12 milliards d’USD sur ses ressources propres dans le financement de l’énergie au cours des cinq prochaines années.