L’abattoir de Cotonou a commencé à fonctionner le 1er mai 1978. En quarante années d’activités, cette entreprise a connu des hauts et des bas. En effet, l’abattoir de Cotonou était réputé, jusque dans un passé récent, pour l’insalubrité qui y régnait autour ainsi que les odeurs nauséabondes qui résultent de l’évacuation des déchets liquides. Mais depuis environ un an, le gouvernement du Bénin a changé le visage de cette industrie. A travers une interview accordée à son responsable, le docteur vétérinaire de formation, Mohammed Sossouhounto, nous avons mené une incursion au cœur de cette entreprise stratégique.
L’économiste du Bénin : D’où proviennent les viandes abattues à l’abattoir de Cotonou ?
Dr Mohammed Sossouhounto : La plupart des animaux que nous abattons proviennent des pays du Sahel dont le Niger, le Burkina-Faso, le Mali. Le nord-Bénin nous fournit aussi une grande quantité d’animaux. Au nombre de ces animaux, on peut citer : les gros ruminants tels que les bœufs et les petits ruminants tels que les moutons et les cabris. Nous procédons aussi à l’abattage de porcins qui ne sont pas en grand nombre. Ces derniers proviennent de l’intérieur du pays.
Ces bêtes sont-elles contrôlées par un vétérinaire ? Si oui, lequel ?
Nous disposons de services vétérinaires fiables et de qualité. Comme indiqué, je suis vétérinaire de formation, donc vous comprenez que ce volet ne peut souffrir d’aucune légèreté. Avec moi, il y a une équipe de vétérinaires qui est sur place ici à l’abattoir, et ces vétérinaires sont directement liés à la direction de l’élevage. C’est eux qui s’assurent de la qualité de la viande. Tout animal qui est abattu dans l’abattoir est inspecté par ces services vétérinaires. Ce qui nous permet d’être sûrs que la viande qui sort de l’abattoir remplit toutes les conditions pour être consommée sans risques. Depuis 40 ans, c’est de cette manière que fonctionne l’abattoir.
Est-ce que l’abattoir respecte les normes en termes d’environnement, hygiène et santé autant des animaux que des hommes ? Quelles normes respecte-t-il ?
L’abattoir de Cotonou a traversé des moments difficiles. Il avait été mis en place au moment où il n’y avait aucune habitation dans les alentours. Si mes souvenirs sont exacts, j’étais en classe de 3ème quand cet abattoir a été créé en 1978. A l’époque, quand on quittait le CEG Gbégamey pour venir ici, c’était comme aller à l’autre bout du monde. Mais la ville a rattrapé l’abattoir et des habitations ont été érigées tout autour. Donc, au fil du temps, avec les agglomérations, le parc à bétail et le marché de viande, il y a eu beaucoup de nuisance dont la gestion des déchets. Mais depuis près d’une année, il y a eu un nouveau bâtiment que nous appelons le nouvel abattoir. Ce dispositif a permis de régler plusieurs problèmes liés à l’environnement. Nous avons une station d’épuration qui nous permet de gérer les déchets liquides. Avec les anciennes installations, nous avions beaucoup de difficultés. Mais avec les nouvelles, depuis environ un an, nous traitons tous les déchets liquides sur place. Avant, les eaux usées étaient déversées directement dans la mer mais aujourd’hui, nous n’avons plus ces problèmes, grâce aux infrastructures dont nous sommes dotées, dont la station d’épuration. S’agissant des déchets solides nous avons un site de l’Inrab où on va les verser chaque jour et ceux qui font le maraichage à Sèmè les utilisent pour en faire de l’engrais.
C’est un véritable soulagement d’avoir des solutions pour traiter les déchets liquides et solides. Les plaintes des populations étaient récurrentes par rapport au traitement qui se faisait. Nous remercions le gouvernement pour l’effort qui a été consenti. Parce cela coûte cher d’installer un abattoir. Ce bloc que nous appelons le nouvel abattoir a coûté plus de trois milliards FCFA. En plus, c’est des équipements sophistiqués qui ont été installés ici. On peut même se vanter d’avoir l’un des meilleurs abattoirs de l’Afrique occidentale. Toutefois, il faut noter qu’on n’a pas encore tout achevé. C’est le compartiment des bœufs qui est fonctionnel au sein du nouvel abattoir. Les petits ruminants et les porcins sont abattus dans l’ancien bloc de l’abattoir. Il n’y a pas eu assez de moyens pour tout achever en même temps.
Comment les animaux sont-ils tués ?
L’abattoir met la viande à la disposition de tous sans considération de confession religieuse. Mais par souci de rassurer tout le monde, nous avons requis les services d’un musulman pour se charger d’égorger les bœufs, moutons et cabris. En procédant de la sorte, nous rassurons les populations que nous travaillons à les satisfaire dans leur entièreté puisque nous sommes au service de toute la nation béninoise. Au niveau des porcins, le problème ne se pose pas.
Comment les viandes sont-elles conservées avant d’être cédées aux revendeurs ?
Nous avons des chambres froides pour conserver les viandes avant de les mettre à la disposition des populations. Au sein du nouveau bloc de l’abattoir, nous avons une chambre froide très perfectionnée. C’est au niveau de l’ancien abattoir que nous avions des difficultés avec une vieille chambre froide qui tombait en panne. Pour parer aux coupures d’électricité, nous disposons d’un groupe électrogène de 500 KVA. On n’a plus de problème de conservation de viande. Elle ne peut plus se gâter au niveau de l’abattoir de Cotonou.
Comment se détermine le prix du kilogramme ?
L’abattoir ne vend pas la viande. Il fournit des prestations. Tous les animaux que vous voyez ici appartiennent à des privés qui nous chargent de leur assurer la qualité de la viande qu’ils mettront à la disposition des consommateurs. Le prix de vente de la viande est l’apanage des vendeurs. Nous, nous fournissons des prestations d’abattage et de découpage puis nous leur livrons la viande et c’est à eux de la commercialiser.
A combien s’élèvent les prestations de l’abattoir ?
Quand quelqu’un amène un bœuf, on abat et on enlève la peau, les organes internes et tout. Ce qui reste, on l’appelle carcasse. C’est des machines qui enlèvent tout ça, aujourd’hui. C’est après cela qu’on pèse la carcasse et l’abattoir est payé à 60 FCFA le kilo carcasse. Si, par exemple, la carcasse d’un bœuf pèse 150 kilogrammes, nous faisons 150 fois 60 FCFA. Les porcins aussi sont au tarif de 60 FCFA le kilogramme.
S’agissant des petits ruminants, nous prenons 500 FCFA par unité.
Quel est le nombre de bêtes abattues par jour ?
Cela varie au cours de l’année. Il y a des périodes de pointe comme la fin de l’année. Des gens pensent que c’est pendant la fête de la Tabaski que nous abattons le plus mais c’est faux. Pendant cette fête, les fidèles musulmans abattent les moutons chez eux. Il y a aussi la période de la fête de Pâques où il y affluence.
En moyenne, nous sommes à 30 bœufs par jour. En principe, il doit y avoir environs 50 bœufs par jour mais il y des gens qui fraudent et abattent les bœufs à Bohicon et amènent la carcasse à Cotonou pour la vente. Il y a aussi une certaine catégorie qui se cachent à Cotonou pour abattre clandestinement les ruminants parce qu’ils ne veulent pas s’acquitter des frais de prestation de services. Or, en procédant ainsi, la viande qui est mise sur le marché échappe à tout contrôle vétérinaire.
Nos services vétérinaires sont donc obligés de traquer ces indélicats. Ils font souvent appel aux forces de sécurité pour les aider. C’est fatiguant. Des fois, les services vétérinaires se réveillent à 5 heures du matin pour aller surprendre les indélicats en train d’abattre des animaux sans aucun contrôle vétérinaire. Et pour saisir ces viandes, il faut la présence de la police sinon nos agents sont menacés. C’est une situation que nous vivons et qui est très éreintant. C’est un combat très rude. Il faut commencer par s’informer, se renseigner et savoir où et quand cela se passe et être sûr avant de débarquer.
Pour les petits ruminants, nous avons environ 300 têtes par jour. Mais un peu partout aussi, ces animaux sont abattus sans aucune inspection. A cause de 500 FCFA seulement, on refuse de garantir que la viande qu’on propose à la consommation soit saine. A Zongo, c’est pratiquement la guerre entre les indélicats et nos services vétérinaires. Il y a des quartiers où il nous est difficile d’intervenir avec efficacité parce que les risques sont grands.
L’abattoir de Cotonou emploie combien de travailleurs à plein temps ? Combien à temps partiel ?
Nous avons une cinquantaine de travailleurs à temps plein et une dizaine en temps partiel.
Quelles sont les mesures de protection que prend la direction générale à l’endroit des travailleurs de l’abattoir ?
L’abattoir de Cotonou fait le maximum pour assurer la sécurité des travailleurs. De façon périodique, nous leur faisons un bilan de santé pour voir comment chacun se porte. Au cours du travail, quand quelqu’un se blesse, c’est l’abattoir qui prend les soins en charge.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?
Les difficultés se sont allégées avec le nouveau bloc de l’abattoir. Il est vrai que les difficultés ne peuvent pas manquer dans une entreprise aussi stratégique que l’abattoir mais nous travaillons chaque jour à faire encore plus et puisque nous savons que rien de grand ne se fait sans difficultés nous cherchons les solutions jour après jour pour le bonheur des populations béninoises.
Interview réalisée par Nafiou OGOUCHOLA