« Le capital social du Port est passé de 16 à 342 milliards de francs CFA »
« Nous continuons d’être aux côtés de nos partenaires du Niger »
Le Port Autonome de Cotonou est un port marchand. Il est dirigé, aujourd’hui, par M. Bart VAN EENO. Garant du partenariat entre le gouvernement du Bénin et le Port of Antwerp Bruges International (POAB EX PAI), le Directeur général du Port de Cotonou se confie à votre journal L’économiste du Bénin pour nous expliquer comment va le poumon de l’économie béninoise.
Le journal L’économiste : Poumon de l’économie béninoise, le Port autonome de Cotonou a amorcé, depuis quelques années, son plan de modernisation. Où en êtes-vous par rapport à cette ambition qui mobilise bien de ressources ?
Bart VAN EENO : Effectivement, une de nos ambitions majeures est de faire du port de Cotonou une référence bien au-delà de la sous-région. Dans cette optique, nous avons lancé une douzaine de projets de modernisation dans le but d’impacter positivement les activités de la plateforme portuaire. Il est question d’aller vers un port moderne et attractif, qui répond aux normes internationales de qualité, de sécurité et de l’environnement. Ces projets, à terme, permettront au port d’accroître le flux de ses échanges et d’accueillir de plus grands navires. Pour rappel, il s’agit essentiellement de : La construction du terminal 5, L’extension du bassin portuaire et la rénovation des quais nord, L’accès centralisé et le parking Zongo, La construction de la zone logistique portuaire, La construction du deuxième poste hydrocarbure, Le réaménagement de la zone de service nautique, La plateforme logistique du Grand Nokoué, La construction du nouveau Port de Pêche Artisanale de Cotonou (POPAC), La construction du Centre des Affaires Maritimes (CAM), Le relogement des revendeuses du boulevard de la Marina, La construction d’un hangar d’accueil à Zongo, La rénovation de la clôture du Port de Cotonou. Il faut souligner que certains de ces projets ont un taux d’avancement très élevé, comme le site de relogement des revendeuses qui est déjà à la phase d’exploitation. Les usagers de la zone portuaire peuvent aisément constater le niveau d’avancement de la construction du Centre des Affaires Maritimes et de la rénovation de la clôture du port de Cotonou, caractérisée par la belle créativité des artistes graffeurs. Tous les autres projets sont dans cette dynamique, et notre objectif est de livrer à l’horizon 2026 l’essentiel des ouvrages.
2- Quel rang occupe le PAC en Afrique de l’Ouest actuellement ?
Le Port de Cotonou a réussi à se hisser à la première place des ports ouest africains, selon le rapport de la Banque Mondiale sur le ‘’Logistics Performance index 2023’’ et à la quatrième au niveau continental. C’est une nette progression, sachant que le Bénin a progressé de 76 positions de 2018 à celui 2023. Nous continuons sur cette lancée, c’est-à-dire à œuvrer pour faire de notre port, un port encore plus attractif et compétitif.
3- A ce jour, quelle est la capacité du PAC en termes de tonnage et types de navires accueillis par an ? Et quel impact peut avoir, concrètement, son extension sur l’économie du Bénin ?
La capacité du port s’est accrue au fil des années. Aujourd’hui, nous pouvons accueillir jusqu’à 12 millions de tonnes. Avec les travaux d’extension en cours, la capacité d’accueil du port ira en s’accroissant pour atteindre les 25 millions de tonnes. L’impact économique est important. Il est de plusieurs ordres ; le port aura à l’issue de ces travaux une plus grande capacité d’accueil des navires. Il pourra aussi favoriser l’accostage sur nos quais de plus grands navires, soit de 365 m de long et – 15m de tirant d’eau. Pour les importateurs, ces évolutions vont occasionner des économies d’échelle. De plus, tout le processus de professionnalisation des opérateurs de la manutention et les investissements opérés dans l’acquisition d’équipements modernes de (dé)chargement amélioreront la célérité du port et le rendront plus attractif et compétitif. En outre, ces travaux d’extension et de modernisation associés à la réforme de digitalisation (Projet Système d’Information Portuaire) permettront plus de transparence, de rapidité et d’efficacité dans le processus d’enlèvement des marchandises. Cette dynamique nouvelle éliminera la corruption, les faux frais et les surestaries, dues très souvent à la congestion dans le port.
4- Dans une récente correspondante, le PAC a défini temporairement des mesures incitatives pour permettre aux commerçants nigériens et autres ayant leurs marchandises bloquées au PAC depuis la décision de la CEDEAO, de retirer leurs commandes. Ne pensez-vous pas qu’il faille mieux faire pour attirer davantage les partenaires commerçants ? Quelle est la réaction de ces commerçants nigériens ?
Effectivement, dès le début des sanctions de la CEDEAO, tous les acteurs de l’écosystème portuaire du Bénin, en l’occurrence la manutention, la douane, les armateurs et le PAC, ont pris des mesures de facilitation pour soutenir les commerçants, qui ont leurs marchandises en transit pour le Niger. Ces mesures vont de la facilité du changement de régimes des marchandises sans frais aux réductions voire annulations offertes sur les frais de stationnement, de branchement et autres. Sur toute la chaine d’approvisionnement, tous les acteurs de notre écosystème portuaire ont accordé des facilités pour accompagner nos partenaires du Niger. Ces mesures de facilitation ont été bien accueillies par les commerçants nigériens. Toutefois, nous continuons d’échanger et d’être aux côtés de nos partenaires du Niger pour les soutenir jusqu’à ce que la situation se normalise.
5- Certaines indiscrétions estiment à plus de 65% la proportion du trafic perdu depuis la fermeture des frontières par la CEDEAO avec le Niger fin juillet 2023. Vous confirmez ? Si non, quelles sont les statistiques à retenir ?
Le port reçoit en moyenne 30 % de volumes de marchandises en transit pour les pays de nos partenaires de l’hinterland (Burkina Faso, Niger et Mali). Il est donc évident que cette fermeture a un impact sur notre activité, mais pas à la hauteur des chiffres que vous évoquez. Comme je le disais plus haut, nous prenons les mesures appropriées pour accompagner nos partenaires de l’hinterland.
6- Quel est le bilan qu’on peut retenir aujourd’hui du PAC ?
La gestion déléguée du Port Autonome de Cotonou a permis plusieurs avancées significatives. Je m’attarderai ici sur quelques points essentiels. En premier, nous avons procédé à l’assainissement de la comptabilité du port, avec une facturation bien encadrée et un recouvrement plus efficace. Sur cette même lancée, nous avons œuvré à la mise en conformité des livres de comptes du port aux normes de l’OHADA (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires) et de IFRS (International Financial Reporting Standards). Et de concert avec l’État béninois, nous avons travaillé sur une augmentation du capital du Port Autonome de Cotonou. Il est passé de 16 à 342 milliards de francs CFA. Toutes ces actions ont permis de renforcer la crédibilité de notre institution sur les marchés financiers et de la rendre plus attractive pour les bailleurs internationaux. Elles ont également contribué à l’obtention de plusieurs reconnaissances de conformité par le port dont la certification sans réserve des comptes du port. De plus, aujourd’hui le port a développé une politique commerciale et domaniale plus efficace. Une des preuves évocatrices de ce fait est la conduite et l’achèvement du projet d’automatisation de la facturation ; dont l’une de ses matérialisations est le développement de la plateforme BESC (Bordereau Électronique de Suivi de Cargaison). Nous avons également mis en place une politique améliorée de sécurisation des biens et des personnes. Le port a reçu, à cet effet, différentes certifications, à savoir la norme ISPS et le Système de Management Intégré. Aussi, le PAC a adopté un Système d’Information Portuaire, une réforme promouvant la digitalisation de la gestion portuaire. Elle lui a permis aujourd’hui de gagner en célérité. Nous avons également mis en place un Bureau d’Embauche Unique, une réforme sociale qui permet aux tacherons et des dockers de bénéficier d’un traitement plus juste auprès de toutes les parties prenantes intervenant dans le chargement et le déchargement des marchandises. La gestion déléguée a permis de renforcer la crédibilité de notre institution sur les marchés financiers. Elle a également permis au port d’obtenir plusieurs reconnaissances de conformité dont la certification sans réserve des comptes du port. Dans un tout autre registre, nous avons également reçu la certification Ecoports, pour nos mesures visant à faire de notre plateforme portuaire, un port vert soucieux de l’environnement. La gestion déléguée a aussi et surtout pour objectif le transfert de compétences. Ce point est primordial. Il est un des piliers de notre coopération. Il passe par plusieurs séries de formations en plusieurs étapes, le transfert des bonnes pratiques, le suivi du personnel … A ce propos, nous avons mis en place tout un package de formations, dont certaines sont en cours actuellement, notamment le programme haut-potentiel du port. Sur ce volet, nous bénéficions également de l’appui technique de l’agence belge de développement, ENABEL.
7- Quelles sont les perspectives pour rendre le port florissant ?
La dynamique actuelle sera maintenue. Celle de faire de la plateforme portuaire, un port moderne et attractif, qui répond aux normes internationales de qualité, de sécurité et de l’environnement. Il s’agira essentiellement de poursuivre et de parachever les travaux entamés et surtout de consolider les reformes entreprises, notamment celle de la digitalisation des opérations portuaires. Elle permet à la plateforme portuaire, en plus de certains projets développés, de rentrer de plain-pied dans l’ère des ports dits de quatrième génération. La position stratégique du port de Cotonou fait de lui un carrefour important pour plusieurs lignes maritimes. Nous comptons mettre à profit cet avantage naturel.
Interview réalisée par Jules AFFODJI