The World Wide Web célèbre ses 30 ans d’existence cette année, un évènement quelque peu amer parce que de millions de personnes, surtout en Afrique, restent non connectés pour diverses raisons. Au Bénin, la pénétration d’internet était de 32.2% de la population en décembre 2018, selon l’Internet World Stats.
Issa SIKITI DA SILVA
Contrairement aux 22 gouvernements dits autoritaires qui coupent fréquemment l’internet dans leurs pays, menaçant ainsi la démocratie et la liberté d’expression, le Bénin s’est montré tolérant face à la furie des internautes qui semblent exercer leur droit à critiquer les abus du pouvoir.
Dans un monde où le rythme auquel les nouveaux utilisateurs se connectent aurait ralenti considérablement ces dernières années, le CIPESA (Centre des politiques en matière des TIC pour l’Afrique orientale et australe) a déclaré dans un récent rapport que 77% des pays dans lesquels des coupures d’internet ont été commanditées au cours des cinq dernières années sont classés comme autoritaires selon l’indice de la démocratie produit par l’Economist Intelligence Unit.
« Les gouvernements citent souvent l’usage croissant des technologies numériques pour répandre la désinformation, propager le discours de haine, alléguer le désordre public et porter atteinte à la sécurité nationale », a poursuivi le rapport intitulé ‘’Despots and Disruptions: Five Dimensions of Internet Shutdowns in Africa’’ publié le 18 mars 2018.
Le CIPESA fait partie d’un groupe central d’acteurs dirigé par la Web Foundation, qui comprend AnchorFree, Google, The New Now, change.org et les gouvernements français et allemand.
Le rapport réitère que les perturbations d’internet, aussi brèves soient-elles, affectent de nombreux aspects de l’économie nationale et ont tendance à persister bien au-delà des jours de perturbations de l’accès. « Si seulement cinq des pays qui avaient précédemment perturbé l’accès à l’internet et qui se rendaient aux urnes cette année ont perturbé l’accès à Internet, y compris des applications telles que Twitter, Facebook et Whatsapp au niveau national pendant cinq jours, le coût économique estimé serait de plus de 65,6 millions USD », indique le rapport.
Un Bénin tolérant mais statique
« Les gens me qualifieraient de menteur si je dirais que nous avons de problèmes pareils au Bénin. S’il y a une coupure, ce serait peut-être dû aux problèmes techniques comme l’entretien du réseau. Je ne pense pas que le gouvernement ferait quelque chose de si mauvais », affirme Hyppolite Dhossou, l’administrateur d’un cyber café à Cotonou.
Normalement, le Bénin devrait figurer parmi les pays à forte pénétration d’internet parce que la vie continue dans son espace numérique lorsque les dictateurs africains ordonnent les coupures fréquentes d’internet, heurtant non seulement leurs économies, violant les droits de l’homme, mais aussi freinant la pénétration d’internet dans leurs pays. Les raisons suivantes ont toujours été évoquées comme obstacle au développement d’internet au Benin.
Développement des infrastructures
Bien que le Bénin ait été l’un des premiers pays en Afrique de l’ouest à disposer d’un accès à internet, le développement des infrastructures d’accès a été extrêmement lent, déclare le Forum sur la gouvernance de l’internet au Bénin.
« Selon moi, le plus grand obstacle de l’internet au Bénin c’est la connexion. Il y a des jours ou ça prend au moins dix minutes avant que la page ne s’affiche. C’est marrant pace que tu veux faire tes recherches et que cela traine. Il faut que le gouvernement investisse massivement dans les infrastructures technologiques s’il veut faire de ce pays un hub technologique comme on dit souvent », a confié un écolier.
Les acteurs étatiques et privés
L’État béninois reste une des parties prenantes les plus puissantes économiquement au sein du cadre multi-acteurs local via l’édition des lignes directrices du secteur, la conception et la mise en application de grands projets de politiques publiques, affirme le FGI Bénin.
Le secteur privé, par contre, intervient pour beaucoup au Bénin dans la diffusion des biens, des services et des contenus numériques. Il s’agit d’un secteur extrêmement dynamique et diversifié (de la grande entreprise technologique à la start-up naissante) et en cours de consolidation en grands sous-ensembles.
Risques numériques
La cybercriminalité décourage aussi les utilisateurs et les potentiels internautes et crée un climat de méfiance vis à vis des acteurs, des outils et de rares services numériques disponibles sur l’internet local, selon la FGI Bénin.
Smartphones trop chers
« J’aime beaucoup l’internet mais je ne sais pas comment y accéder. Les ordinateurs, n’en parlons même pas tandis que les smartphones coutent trop cher. C’est ce qui constitue un grand défi pour nous les pauvres », dit Justine Houessou, âgée de 19 ans.
L’accès à internet se fait majoritairement via les réseaux mobiles (97,88 % des accès en 2015) par les technologies 2G, 3G et 4G ce qui n’est pas nécessairement imputable aux difficultés d’accès aux infrastructures filaires, mais plutôt à la différence de prix entre un téléphone intelligent et un ordinateur portable, conclut le FGI Bénin.