Le numérique occupe une place prépondérante dans l’univers économique béninois, africain et mondial. Dans 20, 30 ou 50 ans, il est prévu que les nouvelles technologies aient un impact capital sur l’économie de tous les pays du monde. Dans le but d’en savoir davantage, nous avons réalisé une interview avec un expert européen. Thierry Barbaut est le directeur exécutif de l’ONG Lavilde. Il est aussi conseiller et consultant international sur les thématiques du développement qui incluent toutes les technologies qui permettent aux entreprises, associations, ONG et Etats de mieux développer les différentes thématiques en Afrique. Au sein de l’ONG Lavilde, il travaille avec le département agence des micros projets, qui incubent une centaine de projets sur les différentes thématiques du développement en Afrique, avec aussi un appel à projets dédié aux énergies renouvelables. Mais la plupart des projets sont dédiés à la santé, l’éducation, l’agriculture, l’eau et l’assainissement.
Quels sont les secteurs d’activités dans lesquels vous intervenez en Afrique ?
C’est véritablement dans du conseil, de l’appui aux organisations et porteurs de projets dans comment monter ces projets, commet y intégrer les nouvelles technologies, faire en sorte qu’elles soient pérennes et rentables et puis comment orienter ces porteurs pour qu’ils impactent positivement les bénéficiaires.
Quelles sont les raisons qui vous ont poussées à intégrer le secteur du numérique ?
J’ai vu l’arrivée des nouvelles technologies et j’ai vu une réelle synergie entre les thématiques que nous connaissons tous qui permettent à l’Afrique de se développer et en même temps avec des leviers créés très souvent par des technologies simple d’accès comme notamment le développement du smartphone en Afrique. Je me suis dit qu’il y avait un secteur à développer. Que cela allait révolutionner l’ensemble des usages à travers le monde. Et puis qu’il y avait de plus en plus d’intuitivité et de légitimité à inclure le numérique dans tous les pans de la société pour faire en sorte qu’on atteigne plus les objectifs du développement durable, qu’on se rapproche de ces objectifs et qu’on tente de préserver la planète, l’écosystème dans lequel nous vivons afin de mieux vivre ensemble.
Le numérique fait partie des grandes révolutions industrielles que subit le monde d’aujourd’hui et qu’il doit non pas subir d’ailleurs mais en profiter pour s’accaparer ces nouvelles technologies, les rendre accessibles aux plus jeunes afin qu’ils puissent développer un véritable savoir-faire afin que l’Afrique joue pleinement son rôle dans l’avenir, dans la démographie, dans la jeunesse de sa population, dans le fait d’être une des locomotives de la croissance économique mondiale.
Vous accumulez environ 20 années d’expérience sur plus de 35 pays d’Afrique avec plus de 200 déplacements. Quel regard portez-vous sur l’utilisation du numérique en Afrique ?
Je pense qu’il a ses spécificités. On parle beaucoup du Mobile money, du fait d’avoir un portefeuille électronique en Afrique de l’ouest mais pour moi c’est beaucoup plus que ça, c’est une des grandes innovations que porte l’Afrique à travers le monde, même si c’est quelque chose qui est très développée aussi dans les pays d’Asie notamment en Inde. Je pense que ce qui est très intéressant, c’est la synergie des thématiques comme on le fait avec le portefeuille électronique de façon à avoir accès au crédit, à de l’épargne, à de l’assurance,cette ouverture vers de nouveaux services va permettre aux africains de pouvoir mieux se développer et de pouvoir avoir par le biais du téléphone non seulement un compte en banque mobile mais aussi une carte d’identité virtuelle, un passeport électronique qui va leur permettre de mieux voyager et d’accéder à des portes ouvertes sur le monde.
L’utilisation du numérique en Afrique est aussi très liée aux langues, aux usages. Le numérique doit être parfaitement adaptée à la culture locale qui est extrêmement riche et variée. Il faut vraiment prendre en compte cette spécificité locale, ethnique, culturelle afin de développer des solutions adaptées aux usages de tous pour ainsi avoir un véritable levier dans l’économie africaine.
Quel est le taux des entreprises qui utilisent le numérique en Afrique ?
Il est très difficile à définir. Déjà sur la taille des entreprises, entre start up et PME, les entreprises, les grands groupes et les Etats, c’est extrêmement varié et contrasté selon les régions et ensuite les pays d’Afrique. On peut avoir des pays qui sont limitrophes, par exemple la Centrafrique ou la République démocratique du Congo qui ont des usages différents avec des taux d’accès par le biais des entreprises au numérique qui va de 5% à 80%. On peut prendre le cas du Burundi par rapport au Rwanda où le contraste est extrêmement saisissant. Et pour des entreprises, le coût de l’internet est extrêmement onéreux, il y a des différences de coût qui peuvent être 30 fois supplémentaires entre différents pays. Donc, c’est un des freins majeurs mais de plus en plus d’entreprises accèdent à l’internet et l’utilisent pour développer leurs marchés, produits et clientèles et pour établir un plan prévisionnel.
Quels sont les outils du numérique qui offrent des opportunités aux entreprises africaines ? Quelles sont ces opportunités ?
Les opportunités c’est le développement d’un véritable réseau pas seulement virtuel mais aussi physique par le biais des réseaux sociaux, de la visibilité, de l’accès à l’information par les sites spécialisés, mais aussi énormément par des applications métiers dédiées dans les domaines de l’eau, agriculture, éducation, logistique, habitat, énergie… Il y a un environnement extrêmement varié, accessible par le biais du smartphone ou de l’internet qui va permettre aux entreprises d’utiliser des outils de partageet de capitalisation de données qui migrent vers de nouveaux usages dédiés à de nouveaux services comme la réalité augmentée. Ce n’est pas le futur, c’est véritablement des technologies du présent. Et puis, énormément de solutions qui vont arriver avec l’intelligence artificielle qui va pouvoir, avec l’analyse comportementale, développer de nouveaux axes de développement stratégiques pour les entreprises. Avec une spécificité, c’est que ça peut toucher aussi l’internet des objets, c’est-à-dire des objets connectés qui vont démocratiser les usages.
Cela passe par de petits projets dans les villages et autres contrées mais aussi par la réalisation de grands projets comme ceux d’accès à l’énergie renouvelable par exemple.
Quelle appréciation faites-vous sur le coût de l’internet en Afrique ? Le tarif auquel l’internet est cédé facilite-t-il le travail aux entreprises ?
L’internet n’est absolument pas démocratisé en Afrique. Avec des contrastesvéritablement saisissants. Avec aussi une qualité du réseau qui est extrêmement variable et puis des opérateurs qui viennent et repartent et parfois ne sont pas assez nombreux dans certains pays. Il y a une véritable concurrence entre les opérateurs et cela permet de démocratiser les coûts. Ce qui fait que nombreuses entreprise à l’instar des consommateurs ont des Smartphones multi-sim, ce qui fait qu’ils peuvent jongler entre les différents réseaux et profiter d’offres variées. Mais on ne peut pas dire qu’il y a une démocratisation totale avec des coûts abordables pour tous. Ce qui fait qu’aujourd’hui, c’est vraiment difficile pour les entreprises et les consommateurs sans oublier les services publics parfois, d’avoir un coût abordable, équitable et avec une qualité d’accès au réseau moyen. Le coût très onéreux est un des freins au développement des nouvelles technologies en Afrique.
Comparée à l’occident, l’Afrique exploite-t-elle tous les avantages du numériques ? Si non, quels sont les opportunités que doivent saisir les africains ?
C’est d’avoir des outils et des applications made in Africa. Il ne faut absolument pas copier des systèmes qui ont été utiliséesavec de grands succès à l’international comme amazone et autres. Mais les développer avec un savoir-faire local. Du coup, je pense qu’un des grands enjeux du développement du numérique en Afrique passe par la création de deux outils : l’accès à l’éducation au numérique dans tous les systèmeséducatifs des différents pays et puis avoir des écoles de formation au numérique et des écoles de codeurs.
Quelle est la contribution du numérique à l’économie africaine ?
Un pays africain qui arrive à exploiter le numérique juste par l’accès à la téléphonie mobile et aux opérateurs gagne une croissance de 2 à 3% du PIB annuel.
Le numérique favorise l’accès des africains au crédit, l’épargne, l’assurance et puis l’accès au financement pour les structures de moyenne et grande tailles sur des méso, macro et grands projets en fédérant différents acteurs. L’accès aux données permet de réaliser des études plus poussées et de donner accès aux différents acteurs à des bailleurs en présentant des programmes plus précis.
Votre conclusion
Je pense que l’Afrique devra relever l’enjeu de cette révolution industrielle qu’est le numérique à l’échelle mondiale, pour relever les grands défis que sont la démographie et les grands enjeux de développement. Il y a l’eau, la santé, l’éducation, l’agriculture et l’énergie. Et que l’Afrique ne pourra pas se permettre de rater cette révolution. Il est absolument indispensable que l’Afrique se saisisse du numérique pour vivre pleinement sa croissance dans les 20 prochaines années, sous réserve de subir un choc qui serait terrible pour la croissance du continent.