L’Etat béninois investit d’énormes ressources dans la promotion des Petites et moyennes entreprises (Pme), afin de contribuer de façon efficace à l’amélioration de l’environnement des affaires. Mais des goulots d’étranglement empêchent l’envol de cette volonté politique manifeste. Entre autres, l’une des difficultés majeures que rencontrent les Pme aujourd’hui, est la pression fiscale.
Félicienne HOUESSOU
L’entreprenariat privé se révèle comme la plus grande porte de sortie pour la lutte contre la pauvreté. Car, les créateurs de richesse dans un pays, ce ne sont uniquement pas les fonctionnaires de l’Etat, mais beaucoup plus ceux-là qui travaillent et qui mouillent le maillot dans leurs propres entreprises. Au Bénin, le secteur privé tient le flambeau de la création d’emplois. Malheureusement la charge de la fiscalité sur ces entreprises laisse à désirer. « Le coût élevé de la fiscalité est l’une des difficultés majeures que traverse le secteur privé béninois. Malgré les réformes entreprises par le gouvernement ces dernières années, cette situation persiste et étouffe les opérateurs économiques », confirme lefiscaliste, Serge Prince-Agbodjan. Pour l’appuyer, Rodrigue Zitti, jeune entrepreneur du Bénin confie quela fiscalité seule s’élève à plus de 200 000 F Cfa pour une jeune entreprise. La conséquence, plusieurs Pme s’endettent pour faire face à la pression fiscale. Et pour la plupart du temps, certaines de ces entreprises, après quelques années de survie difficile, ferment leurs portes.
Le poids de la masse budgétaire
Commedans la plupart des pays de l’Union économique et monétaire Ouest-africaine (Uemoa), c’est la fiscalité qui renfloue les caisses des Etats et par conséquent leurs budgets. Ainsi, les acteurs économiques surtout ceux du secteur privé souffrent le martyre d’un système fiscal qui absorbe leurs recettes parce que le budget de l’Etat béninois repose en grande partie sur la fiscalité. C’est ce que confirmeHenriette Guèdèhounguè, promotrice d’hôtel : « L’Etat a mis trop de charges sur le dos du contribuable. La patente, la Tva et autres taxes sont à des coûts trop élevés ».
Diagnostic
Depuis 1994 à ce jour, de nombreuses réformes ont été mises en place par l’administration pour réorganiser la fiscalité et faciliter l’entreprenariat. Mais, la bonne gouvernance n’étant pas garantie, certaines de ces réformes n’ont jamais été appliquées. Pour Serge Prince-Agbodjan la seule solution pour diminuer la pression fiscale que subissent les Pme serait d’aider le gouvernement à trouver des solutions sans créer de conséquence sur le budget. Le rapport publié par le Groupe de travail fiscalité du secteur privé (Gtf) dans la plateforme 2015 propose un diagnostic pour la concrétisation du redressement fiscal et la réduction des tracasseries fiscales afin d’améliorer le climat d’affaire. Entre autres propositions, la mise en place d’un comité de réflexion sur la réforme du droit d’enregistrement, le plafonnement des amendes et pénalités, la modification de l’article 27 du code général des impôts, le réaménagement de l’obligation de pose d’enseigne commerciale, l’application généralisée effective de l’Ifu, l’harmonisation de certaines dispositions supranationales de l’Ohada, la demande de mise en place des procédures de Drawback… Aussi, l’une des issues pour soulager la peine fiscale des opérateurs privés selon certaines sources serait la réorganisation du secteur informel qui contribue à la formation d’une grande partie du Produit intérieur brute (Pib) du Bénin. Beaucoup de doigts accusent la mauvaise organisation de ce secteur qui a un impact négatif sur une bonne partie du secteur privé. Source d’emplois et de revenus pour les pauvres, principal pourvoyeur de l’emploi e milieu urbain, l’économie informelle absorbe entre 50% et 80% de la main d’œuvre disponible.
La part du secteur informel
Depuis peu, une politique d’incitation à la formalisation des entreprises est engagée par les politiques béninoises. Le secteur informel se caractérise par une grande précarité des conditions d’activités, une absence ou faiblesse du capital dans le processus de production, ainsi que par un sous-investissement chronique et par la faiblesse des possibilités d’emprunt qui inhibent la capacité de création de richesse du secteur. Ce secteur dit-on, se cache derrière les entreprises formelles qui comblent à tort le vide des informelles qui ne serait pas pris en compte dans le système fiscal. Ce qui n’est pas tout à fait vérifié. Contrairement à l’idée selon laquelle le secteur informel ne paie pas d’impôt, un sondage réalisé en juin 2008, par le professeur, John Igué sur le secteur informel, révèle que la plupart des entreprises du secteur, quelle que soit leur taille et leur revenu, paient bel et bien des impôts. En effet, elles paient des taxes aux services des impôts et aux mairies. Ces taxes portent sur le droit de place, la patente et Bic (Impôt sur les bénéfices industriels, commerciaux, artisanaux ou agricoles). D’ailleurs, il est selon l’expert, la principale source de recettes fiscales, permettant à l’administration publique de couvrir ses dépenses. Le secteur informel béninois de part sa densité et l’importance des activités économiques qui en résultent, contribue à l’amélioration de la croissance économique et à la formation du Produit intérieur brut (Pib). C’est donc, un secteur à organiser pour booster la croissance économique.
Cependant, éradiquer le secteur informel serait un suicide économique. Il mérite cependant d’être organisé pour ‘’un nouveau départ’’ économique. Il est nécessaire d’en faire un maillon organisé de l’économie nationale car, l’importance de ce secteur n’est plus à démontrer au Bénin. Et pour cela, il va falloir : mettre en place un cadre réglementaire et fiscal le plus simple possible, le moins contraignant et le plus adapté au secteur privé en général et à l’informel en particulier, susciter et promouvoir une administration de développement qui soit mieux à l’écoute du secteur privé et de ses différentes composantes, diversifier les relations Etat-secteur informel et faciliter l’accès au crédit et à l’information ; au besoin susciter la création de banques ou d’institutions de crédits spécialement tournées vers le financement des entreprises dites du secteur informel, à l’instar des banques de l’habitat. Le spécialiste Denis Acclassato avait recommandé qu’ « il faut concomitamment développer des stratégies de répression contre les grandes entreprises informelles de façon à grever le coût d’opérationnalisation dans l’informel ». Il faut le signaler, ce secteur qui tient le flambeau des créations d’emplois, rencontre beaucoup de difficultés qui militent en faveur de sa complète réorganisation afin qu’il contribue efficacement au développement économique du pays. Et si ces propositions sont effectivement prises en compte par le gouvernement Béninois, les Pme auront un ouf de soulagement. D’autant plus que l’entrepreneuriat, est vue aujourd’hui comme le dernier recours pour les jeunes Béninois d’échapper au chômage et de contribuer au développement de la nation.