Entre le président de la Banque Africaine de Développement (BAD), Akinwumi Adesina et le groupe des « lanceurs d’alerte », l’affaire dite de « népostisme et d’enrichissement personnel » est loin de s’éteindre. S’impliquant en tant que deuxième actionnaire de l’institution financière, les Etats Unis d’Amérique (USA) enjoignent au Conseil des gouverneurs d’ouvrir une enquête indépendante.
Sylvestre TCHOMAKOU
Face à l’insistance des employés anonymes (lanceurs d’alerte) de la BAD qui, en dépit de l’enquête interne du comité d’éthique, réclament une enquête indépendante pour attester ou non des accusations dont fait l’objet Akinwumi Adeshina, président en exercice de la banque, les USA lèvent le ton. Dans une correspondance qu’il a adressée à la présidente du conseil des gouverneurs de la BAD à la date du 22 mai 2020, le secrétaire d’Etat américain au Trésor, Steven Munchin, a souligné le manque de scélérité dans le processus d’investigation mené par le Comité d’éthique de l’institution. Rappelant que les USA ont reçu la lettre du 5 mai 2020 qui faisait mention de la probable adoption par le conseil des gouverneurs, des résolutions du Comité d’éthique lavant de toutes imputations le président de la BAD, « l’évaluation indépendante des faits n’est pas une atteinte à la présomption d’innocence », signale le patron du Trésor américain. Contrairement à la proposition de Kaba Nialé de blanchir le numéro 1 de la Banque Africaine de développement de cette nébuleuse affaire, les Etats Unis d’Amérique par la voix du secrétaire d’Etat au Trésor, somment le conseil des gouverneurs de désigner un auditeur indépendant avec les standards requis pour conduire des investigations indépendantes sur les « chefs d’accusation » du groupe des lanceurs d’alerte. Pour Steven Munchin, les démonstrations des lanceurs d’alerte datant du 19 janvier 2020, comportent suffisamment d’éléments pour interpeller les différents corps de contrôle de la Banque. C’est pourquoi, observe-t-il, « toute dissimilation de faits de cette nature risque de ternir l’image de la Banque Africaine de Développement et jouerait contre son influence à l’avenir ». Comme pour amener le conseil des gouverneurs à démontrer que les règles de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption sont de mises au sein de l’institution, le patron du trésor américain n’a pas manqué de faire savoir que toute injection de fonds dans la banque, à l’instar de la dernière augmentation de capital, requiert chez beaucoup de pays, un feu vert des parlementaires. Ce qui n’est possible que si les comptes se tiennent à bon escient. Ainsi, deuxième actionnaire de la BAD, après le Nigeria, et premier bailleurs de fonds du guichet, Fonds Africain de Développement (FAD), qui sert 44 pays africains non éligibles au guichet central de la banque, l’Amérique bénéficie d’une voix qui compte tant auprès des membres non régionaux qu’auprès de l’assemblée générale dont la prochaine réunion prévue fin août, promet d’être explosive.
A l’origine…
Le président nigérian de la BAD était accusé par les « lanceurs d’alerte » de « comportement contraire à l’éthique, enrichissement personnel, obstacle à l’efficacité, favoritisme, activités affectant la confiance dans l’intégrité de la banque et engagement dans des activités politiques ». En avril, un document d’une quinzaine de pages accusait l’ancien ministre de l’Agriculture de diverses malversations, notamment de favoritisme dans de nombreuses nominations de hauts responsables, en particulier de compatriotes nigérians. Le président de la BAD était aussi accusé d’avoir entre autres nommé ou promu des personnes soupçonnées ou reconnues coupables de fraude ou de corruption, ou de leur avoir accordé de confortables indemnités de départ, sans les sanctionner. Entre 2016 et 2018, lors de « la grande campagne de recrutement qui a accompagné la restructuration lancée par le président Adesina », « environ 25 % des nouveaux managers recrutés ont été des Nigérians », alors qu’ils représentaient 9 % des embauches jusqu’alors. Ce qui correspondait à la part du Nigeria dans l’actionnariat de la BAD, dénoncent les lanceurs d’alerte.