Les signaux dans le suivi parental des élèves dans les écoles, lycées et collèges de Djougou sont au rouge. Et pour cause, les parents d’élèves, garants de la bonne conduite des enfants, ont pratiquement fui leurs responsabilités.
L’école et la maison doivent se donner la main pour relever le défi de l’éducation des enfants. Ce mariage n’est pas toujours scellé dans le rang des parents d’élèves. Le phénomène prend de plus en plus d’ampleur et laisse place aux conséquences catastrophiques surtout dans le rang des élèves. Le constat est visible dans les différents lycées, collèges et écoles primaires publics de la place.Le bilan est mitigé dans les établissements scolaires de la ville de Djougou. Moins d’un tiers des parents d’élèves connaisse la conduite de leurs enfants et l’évolution dans leur cursus scolaire. L’indiscipline notoire et l’école buissonnière sont autant de vocables qui qualifient la conduite de ces élèves. La situation est presque identique dans les écoles primaires lycées et collèges publics de la ville carrefour. Selon le directeur du Ceg 1 de Djougou, les apprenants sont abandonnés à eux-mêmes. Les parents ne jouent plus convenablement leur rôle de suivi.
« Parfois, il y a certains élèves qui commettent des actes d’indiscipline, et si on leur dit d’aller chercher leurs parents, ces derniers ne viennent pas », a-t-il fait savoir. Plusieurs élèves quittent la maison, ajoute Issa Lassidou, après avoir pris leur petit déjeuner, mais ne viennent pas au cours, et les parents de leur côté ne font pas le déplacement pour s’enquérir de la situation de leurs enfants. Il est donc indispensable que les parents d’élèves fassent un tour dans les établissements, ne serait-ce qu’une seule fois dans la semaine pour voir la conduite de leurs enfants. Le constat reste aussi le même au Collège d’Enseignement général de Kpatougou. A quelques semaines des examens de fin d’année, les élèves ont déserté les classes laissant enseignants, membres de l’administration humer l’air à la grande désolation du bureau de l’Association des parents d’élèves. C’est pourquoi, le président de l’association des parents d’élèves, à travers les ondes de la radio locale, a lancé un vibrant appel à l’endroit des parents d’élèves pour changer la donne.
Des causes profondes
L’Association des parents d’élèves joue tant bien que mal son rôle dans la sensibilisation des parents. Cependant, l’engouement de ces derniers laisse à désirer. Selon le surveillant général adjoint du Ceg 2, Aziz Tchinhoun, les parents d’élèves sont presque absents lors des assemblées générales. Des milliers de relevés de notes attendent toujours dans les placards pour être retirés par les parents d’élèves. Pour ces enseignants, la plupart des parents d’élèves ne cherchent pas à savoir les résultats du premier semestre, du second et même de fin d’année. Il sera donc difficile pour ces parents de s’enquérir des conditions d’études de leurs enfants. Il n’est pas rare de voir les parents d’élèves apparaître le jour de la rentrée scolaire pour savoir si leurs enfants passent en classe supérieure. Malgré l’intervention de certaines Organisations non gouvernementales et le Centre de promotion sociale de Djougou qui soutiennent certains élèves surtout les jeunes filles, le phénomène a toujours la peau dure. Le souvenir amer des élèves de la classe de troisième du Ceg Donga est encore vivace dans les esprits. En effet, plusieurs de ces candidats absentéistes n’ont pas été présentés à l’examen du Bepc, session de juillet 2020 par le directeur dudit collège.
Pour le sociologue Sankamaou Assoumanou, ce phénomène peut se justifier par le mode de vie dans les familles où cohabitent le père, la mère, les enfants, les petits-fils, arrières petits-fils, les grands parents et arrières grands parents, les tantes et oncles. Tous ceux-ci ont une emprise sur les enfants. Le phénomène est plus accentué dans les vieux quartiers populeux du centre-ville. Ce qui ne permet pas au père ou à la mère d’avoir l’autorité sur les enfants.
Ce phénomène traditionnellement recommandé persiste dans la cité carrefour.
Il y a aussi la pauvreté ambiante des parents qui empêchent ces derniers de mieux subvenir aux besoins en matière de scolarité des enfants et même les cinq besoins fondamentaux.
Et c’est surtout les mères d’enfants dans ces cas qui s’échinent à supporter la famille. Selon le sociologue, Djougou étant une ville à plus de 90% musulmane, le poids de la religion amène certains parents à toujours penser que « l’école du Blanc » ne donne pas le paradis, mais plutôt l’école coranique. Il y a aussi l’impossibilité de l’État à trouver du travail aux nombreux diplômés sortis des universités du pays. Puisque pour ces parents, quand on envoie son enfant à l’école, c’est pour le voir devenir un grand « akowé », ce qui n’est pas le cas de nos jours. Enfin, l’ignorance de certains d’entre eux qui croient que l’école n’est pas nécessairement un tremplin pour avoir du travail et avoir une vie décente. « Je ne suis pas allé à l’école, mais j’ai plusieurs titans », clament-ils. Tous ces faits mis ensemble poussent les parents d’élèves à ne pas suivre l’évolution scolaire de leurs enfants. Ils préfèrent plutôt s’occuper des activités génératrices de revenus, des travaux champêtres, le transport etc.
A l’occasion de l’atelier de validation du diagnostic sur la situation des enfants et des adolescentes dans les communes du département de la Donga, le Préfet du département de la Donga Éliassoum Soulémane Biaou Aïnin a déploré le fait et a appelé à une prise de conscience collective de tous les usagers de l’école.
Le revers de la médaille
Le non-suivi parental des élèves dans les établissements scolaires a un impact négatif sur le rendement scolaire de ces derniers. On note l’échec scolaire, les grossesses non désirées des jeunes filles, l’exode rural. D’ailleurs, les résultats des examens de fin d’année comme le Certificat d’études primaires, le Brevet d’études du premier cycle et le Baccalauréat en disent long. La Commune de Djougou et le département de la Donga sont souvent classés au bas de l’échelle. Pour le surveillant général adjoint du Ceg 2, Aziz Tchinhoun, c’est une perte pour la Commune, le département, mais aussi le pays. Pour enrayer le phénomène, le sociologue Sankamaou Assoumanou et les chefs d’établissements scolaires pensent qu’il faut sensibiliser les parents d’élèves afin d’induire un changement de comportement. Il faudra alors mettre l’accent sur le fait que l’enfant, au sens pur du terme, a besoin d’un suivi à la maison et à l’école. Car il n’a pas encore conscience des actes qu’il pose et qui lui sont préjudiciables. A en croire Sankamaou Assoumanou, il faut aussi montrer aux parents d’enfants et d’élèves qu’il est opportun d’orienter les élèves dans les filières porteuses qui leurs permettront de s’auto-employer à la fin de leurs études scolaires. Au-delà du bien-être et de l’avenir que les parents recherchent pour leurs progénitures, il serait aussi préférable qu’une attention particulière soit accordée à ces enfants pour leur bonne conduite à l’école. Car le meilleur des héritages qu’un parent peut laisser à un enfant, est la bonne éducation. Les cadres, les hommes politiques, les Organisations non gouvernementales et les leaders religieux de la Commune sont interpellés en vue d’opérer un changement de comportement car : « Il n’y a de richesse que d’hommes ». La législation scolaire qui veut que les parents d’élèves aident les enseignants à mieux contrôler les élèves doit être de mise. Il urge que les membres des bureaux des Associations des parents d’élèves présents dans les établissements scolaires puissent jouer convenablement leur rôle d’interface entre le corps enseignant et les parents d’élèves pour le bonheur de ces derniers, espoirs de la Nation.
Emmanuel Akakpo
(Br Atacora-Donga)