Si les représentants de la France ne siègeront plus au sein des instances monétaires, Paris conservera un droit de regard, notamment en cas de crise, sur la gestion de la nouvelle monnaie.
Deuxième étape vers la disparition du franc CFA et son remplacement par une monnaie unique baptisée Eco, le Parlement français devrait adopter avant la fin du troisième trimestre le projet de loi paraphé le 20 mai en conseil des ministres et destiné à ratifier l’accord de coopération monétaire conclu à Abidjan le 21 décembre 2019 avec les gouvernements des États membres de l’Union monétaire ouest-africaine (Umoa).
Deux changements majeurs y sont prévus : d’une part, il n’y aura plus de représentants de la France dans les instances techniques de gouvernance de la zone – où ils disposaient de voix non prépondérantes. D’autre part, la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ne sera plus obligée de déposer au moins 50 % de ses réserves en devises sur des comptes d’opérations du Trésor français. Deux points qui cristallisaient particulièrement les tensions autour de la monnaie ouest-africaine.
Le gouvernement français semble pressé de s’écarter de la mauvaise réputation du CFA. Paris a déjà cessé d’envoyer des représentants du Trésor et de la Banque de France dans les instances monétaires de l’Umoa.
La France deviendra « un strict garant financier de la zone », précise la note explicative publiée par le gouvernement. Deux piliers demeurent : « le régime de change, avec un maintien de la parité fixe avec l’euro [et] la garantie illimitée et inconditionnelle de convertibilité assurée par la France ».
Quel successeur aux comptes d’opérations ?
Bien qu’absente des instances monétaires, la France sera informée de l’état de santé de la nouvelle monnaie, précise le nouvel accord de coopération, qui prévoit qu’en cas de crise « sévère » (si le taux de couverture de la monnaie descendait en-dessous de 20 %, contre plus de 70 % en ce moment), « la France pourra désigner, à titre exceptionnel et pour la durée nécessaire à la gestion de la crise, un représentant au comité de politique monétaire de la BCEAO ».
Les nouvelles étapes qui pourraient permettre de boucler la réforme avant la fin de l’année sont à la fois politiques et techniques. La ratification de l’accord par les parlements africains tarde. À ce jour, aucun des huit parlements concernés n’a procédé à cette formalité. En raison de la crise sanitaire, bien sûr, mais aussi en raison de divergences sur l’évolution future de l’Eco dans le cadre de la Cedeao.
D’autre part, il faudra encore que les comptes d’opérations du Trésor soient remplacés par une convention de garantie pour que la BCEAO soit libre de placer à sa guise les devises déposées au Trésor. Beaucoup de pays veulent continuer à profiter, en partie, du taux de à 0,75 % offert par la France – à rebours des taux négatifs constatés sur les marchés européens – et qui a valu à la BCEAO une recette de 40,4 millions d’euros pour 6,3 milliards d’euros déposés fin 2019. Il sera nécessaire de créer des comptes à terme (un, deux ou trois ans) pour y loger les sommes placées.
Jeune Afrique du 21 ami 2020