Pour regagner du terrain en Afrique, les pays de l’Europe entendent mobiliser plus de 150 milliards d’euros à investir dans divers projets structurants sur les sept (07) prochaines années. Et si cette annonce faite en clôture du Sommet UE-UA est fort appréciable, elle reste l’un des moyens sur lesquels compte agir l’UE pour de nouveau, mieux se positionner sur le continent.
Sylvestre TCHOMAKOU
Alors qu’il est de plus en plus clair que les pays africains se donnent l’émancipation du choix de leurs partenaires, l’Union Européenne qui s’est vue surclassée par la Chine au cours de la dernière décennie, se ménage à reprendre le lead sur les sept (07) prochaines années. Au terme du Sommet Union Européenne (UE)- Union Africaine (UA), qui a mobilisé les dirigeants des deux continents, autour des questions relatives aux vaccins, au climat, à la redistribution de « droits de tirage spéciaux », à l’investissement, à l’emploi des jeunes, etc., une enveloppe de 150 milliards d’euros soit 98.351 milliards FCFA a été annoncée en vue d’une nouvelle « stratégie globale d’investissements ». Selon les dirigeants de l’Europe, cette enveloppe qui est essentiellement voulue pour « aider des projets voulus et portés par les Africains », permettra à leur continent de reconquérir son influence en Afrique, face à l’empire du milieu, la Chine, qui s’est faite grande alliée du continent à travers d’importants investissements sur la dernière décennie. S’étendant sur sept (07) ans, la « stratégie globale d’investissements » priorisera dans sa mise en œuvre, les infrastructures de transport, les réseaux numériques et l’énergie, selon la déclaration finale de la rencontre. Portant la voix du continent africain à cette occasion, le président en exercice de l’UA et président du Sénégal, Macky Sall, a indiqué que « Cette enveloppe, si elle est effectivement mobilisée, constitue une avancée considérable et un pont entre nos continents ». Quoique cette stratégie présente des opportunités pour la croissance économique et le développement intégré du continent africain, elle a vocation à contrer les influences russes et chinoises sur le continent. C’est d’ailleurs, ce que confirme le président français Emmanuel Macron quand il affirme : « l’Union européenne veut être le partenaire de référence pour le financement des infrastructures ». Un domaine qui, ces vingt dernières années en Afrique, a été spécifiquement financé par la Chine.
Financements ou investissements ?
La nouvelle stratégie économique entre l’Afrique et l’UE est présentée comme un « paquet d’investissements ». Cependant, le socio-économiste et directeur de recherche émérite (CNRS) Thierry Pairault met en garde : « Il s’agit en réalité d’un plan de financements et non d’un plan d’investissements. Ce n’est pas l’Europe qui investira ! L’Europe mettra à disposition des sommes d’argent qui financeront, au final, des investissements africains. C’est exactement ce que la Chine a fait ces deux dernières décennies ». Il poursuit en indiquant que « la Banque mondiale a travaillé main dans la main avec la Chine et a fait croire que le modèle chinois était la solution pour le développement». Il est à noter qu’en 2020, les entreprises chinoises représentaient 31 % des projets d’infrastructures en Afrique, contre 12 % en 2013 selon The Economist. À l’inverse, les entreprises occidentales ne couvraient que 12 % des projets en 2020 contre 37% en 2013. En 2019, la Chine devenait le premier partenaire commercial du continent africain. Un bilan qui pourrait expliquer la stratégie de contre-attaque de l’Union européenne, mais qui comporte aussi de larges déconvenues.