En Afrique, face aux défis de développement sur plusieurs plans à savoir : éducation, santé, climat, numérique, économie, etc., le Japon, à travers l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) s’investit, chaque année pour une meilleure sécurité humaine. A quelques jours de la 8ème Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD 8), Hiroyuki Yakushi, Directeur senior à la JICA, revient ici sur les efforts de la JICA depuis sa mise en place ainsi que les attentes du rendez-vous de Tunisie (TICAD 8) qui est la 2ème, en Afrique, après celle de Kenya en 2016. Interview.
Hiroyuki Yakushi, Directeur senior à la JICA
La JICA déploie une coopération en Afrique depuis de nombreuses années. Comment cette expérience a-t-elle contribué à la réponse du continent face à la pandémie de COVID-19 ?
De nombreux exemples montrent à quel point les longues années de coopération de la JICA ont contribué à répondre aux besoins émergents pendant la pandémie de COVID-19. Par exemple, la JICA coopère depuis près de 40 ans avec l’Institut Noguchi pour la recherche médicale au Ghana (NMIMR pour Noguchi Memorial Institute for Medical Research). Le NMIMR a été très actif dans la recherche sur les mesures de lutte contre les maladies infectieuses, y compris durant les épidémies d’Ebola. Fort de cette riche expérience accumulée au cours de toutes ces années de coopération, le NMIMR a joué un rôle clé dans le pays lors de la pandémie de COVID-19, puisque 80 % des tests PCR y ont été effectués. La JICA a également préparé des équipements et du matériel pour le développement de la chaîne d’approvisionnement des doses de vaccins.
Laboratoires de recherche avancée de l’Institut Noguchi pour la recherche médicale au Ghana
Quelles mesures le Japon peut-il prendre pour promouvoir la vaccination ?
Le gouvernement japonais a contribué au système COVAX et participe activement aux efforts de distribution des vaccins au niveau international.
La JICA a apporté, avec des banques commerciales japonaises, des contributions financières par le biais de la Banque africaine d’import-export (Afrexim pour African Export-Import Bank) pour fabriquer des produits médicaux et pharmaceutiques tels que des lignes de fabrication de vaccins, développer des bases d’approvisionnement pour ces produits, et établir des établissements médicaux et sanitaires tels que des hôpitaux.
De plus, la JICA soutient la chaîne d’approvisionnement et de distribution des vaccins. Nous travaillons pour créer un système durable, autonome et robuste. L’année dernière, la JICA a conclu des accords de don avec le Ghana, le Malawi, le Mozambique et le Sénégal, afin de fournir des instruments d’enquête épidémiologique et des équipements de chaîne du froid pour les vaccins et autres matériels qui doivent être conservés à basse température. Ces dons contribuent au soutien pour le dernier kilomètre afin de garantir que les pays puissent vacciner leur population. La JICA contribue également au développement des capacités des pays africains à mettre en place et gérer des systèmes de vaccination sur le terrain.
En tant qu’organisation de développement, nous ne nous contentons pas de répondre aux besoins urgents en matière de vaccination, ainsi que nous accordons également de l’importance à la mise en place d’un système de santé résilient dans son ensemble par le biais de l’Initiative de la JICA pour la santé et la médecine mondiales.
Quels sont les avantages de la JICA qui contribuent à renforcer la résilience en Afrique ?
Le développement des ressources humaines, et l’utilisation des expériences et de l’expertise du Japon, sont nos avantages très utiles pour renforcer la résilience en Afrique. Je vous donne deux exemples ; la méthode KAIZEN qui a soutenu la croissance économique du Japon dans les années 1960 et 1970, et le carnet de santé maternel et infantile, massivement utilisé au Japon après la seconde guerre mondiale pour protéger la santé des mères et de leurs enfants pendant la grossesse et la petite enfance. Ces deux approches sont maintenant appliquées dans de nombreux pays d’Afrique grâce à la coopération de la JICA. Elles contribuent à la résilience économique et sociale et stimulent le développement des ressources humaines dans la mesure où nos homologues africains prennent l’initiative en utilisant les expériences du Japon.
Instruction sur comment remplir le carnet de santé maternel et infantile utilisé en Angola
Quel est le rôle de la sécurité humaine pour établir une confiance à long terme ?
La mission de la JICA est d’instaurer la confiance dans le monde, y compris en Afrique, par le biais de la coopération. Je crois que l’accent que nous mettons sur la sécurité humaine est fondamental à cet égard. La sécurité humaine consiste à libérer les individus de la pauvreté et de la peur. Au sein de la communauté internationale, le concept de sécurité nationale est bien développé. Toutefois, le rôle ultime des gouvernements étant de protéger l’individu au sein de l’État, la JICA s’efforce de mettre systématiquement en lien la coopération gouvernementale et l’individu. Cela permet d’établir une confiance solide entre les gouvernements africains et leurs citoyens, ainsi qu’entre les Africains et les Japonais. Les remerciements adressés à la JICA par le parlement ougandais en décembre 2021 pour son soutien au pays reconnaissent ces efforts.
Qu’entendez-vous par « mettre en lien avec l’individu » ?
Par exemple, dans les services d’éducation ou de santé, le bénéficiaire ultime est l’individu. Ce type d’aide sociale est un droit fondamental. Sans cette prestation de services de base par le gouvernement, les individus ne peuvent pas choisir la vie qu’ils veulent mener. L’un des rôles les plus importants du gouvernement est de fournir des « opportunités » à ses citoyens, et la JICA soutient les gouvernements pour y parvenir. Nous créons des projets dans l’optique de fournir des services qui bénéficieront directement aux individus.
Quels sont les grands principes de l’approche de la JICA en Afrique ?
Premièrement, « mettre l’accent sur l’individu », comme je l’ai mentionné ci-dessus. Deuxièmement, « utiliser les expériences du Japon ». Le Japon a une position unique en raison de sa longue histoire de développement en tant que société non occidentale. Il a réussi à se moderniser en conservant ses traditions et son identité. Nous avons également de nombreux enseignements. Ce n’est que la JICA qui peut partager les expériences et les enseignements uniques du Japon. Le troisième principe est celui du « respect de l’appropriation ». Les peuples d’Afrique connaissent les solutions à leurs problèmes, et ce sont donc eux qui peuvent les résoudre. Quant à elle, la JICA peut partager ses expériences et son expertise, réfléchir avec les partenaires et fournir un soutien technique ou financier en fonction de leurs demandes. C’est la raison pour laquelle nous qualifions nos activités de « coopération » plutôt que d’« assistance » ou d’ « aide ».
Quel est l’objectif principal de la TICAD 8 pour la JICA ? Qu’espérez-vous atteindre ?
Comme il s’agit de la première TICAD après la pandémie, nous voulons profiter de cette édition pour renforcer notre partenariat avec les pays africains et d’autres partenaires afin de mieux surmonter les difficultés sociales et économiques causées par la pandémie. Il s’agira à long terme de construire une société résiliente, capable de résister aux chocs extérieurs sans s’effondrer, notamment face au changement climatique ou aux effets de crises extérieures au continent.
De plus, nous espérons que les peuples d’Afrique prendront conscience de la valeur de la coopération du Japon, ce qui approfondira la confiance mutuelle. L’Afrique connaît une croissance et des changements rapides. À l’ère de l’après-COVID, il y aura nécessairement des ajustements. Des changements radicaux affectent également la stabilité mondiale. Dans ce contexte difficile, je crois que les valeurs démocratiques et le principe de sécurité humaine portés avec détermination par la JICA sont plus importants que jamais pour l’Afrique.
Forte de ces valeurs et de sa longue histoire, la JICA améliore aussi son approche en utilisant les techniques numériques et l’innovation, en particulier grâce à des partenariats solides avec le secteur privé pour répondre aux nouveaux défis. La TICAD 8 est une excellente occasion pour la JICA de partager et de discuter à la fois nos valeurs traditionnelles et nos nouvelles valeurs avec nos partenaires africains afin d’encourager et d’approfondir nos liens et construire ensemble une Afrique forte pour demain.
Source : JICA