Le chef d’Etat béninois, Patrice Talon, a, au cours d’un entretien accordé à des médias français et diffusé le jeudi 7 novembre 2019, fait des déclarations sur les accords qui lient la monnaie des pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) à la France. Mais la volonté manifeste du béninois ne peut se réaliser sans un certain nombre de dispositions antérieures.
Nafiou OGOUCHOLA
Le retrait des réserves de change des pays de l’Uemoa ayant en partage le franc CFA est une ambitieuse initiative que le président de la République du Bénin ambitionne de voir se réaliser. En effet, bon nombre d’experts s’accordent à reconnaître que cela fera du bien à l’économie de ces pays. Mais, avant d’arriver à ce rêve qui offrira une certaine indépendance financière, les dirigeants africains doivent briser un certain nombre de barrières.
La première entrave à la volonté de Patrice Talon serait l’accord de l’ancien colon, la France. En effet, l’analyse de l’économiste Martial Ze Belinga, au micro de Stanislas Ndayishimiye sur Radio France internationale (RFI), a réagi quelques heures après les propos de Patrice Talon. « … C’est un blocage politique, c’est une rente ancienne, c’est une rente historique. Pendant longtemps, 100% des réserves de la zone étaient conservées au Trésor public français. Et même quand on est passé à 65% dans les années 1970, les banques centrales africaines continuaient de verser quasiment 100% au Trésor public français. Donc, de toute façon, c’est une rente et ça fait partie des rentes coloniales indubitablement », a-t-il affirmé. Ainsi donc, les pays de l’Uemoa doivent mener des négociations avec la République de France avant de pouvoir opérer cette réforme salutaire. Certes, dans un monde officiellement démocratique, il serait difficile de prouver que certains accords économiques se basent sur des influences politiques. Toutefois, le mutisme des dirigeants africains sur le retrait des réserves de change du franc CFA de la banque de France en dit long sur les réelles capacités des uns et des autres à s’affranchir du joug colonial qui se perpétue sous diverses formes et appellations depuis 1960.
Patrice Talon recevra-t-il le soutien de ses pairs ?
Le chef d’Eta béninois est le premier président en exercice dans un pays de l’Uemoa à opiner dans le sens du retrait du franc CFA des réserves de la banque de France. Mais seul, Patrice Talon ne pourra aboutir à cette vision. Il lui faut le soutien des chefs d’Etats des pays membres de l’Uemoa. Et jusque là, rien n’y fit. Pis, certains analystes soutiennent qu’il n’en sera rien. Qu’aucun des homologues de Patrice Talon ne soutiendra sa vision. Or, le chef d’Etat béninois, à lui seul, n’a pas une grande influence sur les décisions de l’Uemoa. Le président Alassane Ouattara, la voie indiquée, n’a pas encore abordé cet aspect du sujet avec exactitude.
L’ouverture dont a fait montre le premier magistrat du Bénin a impressionné bon nombre d’observateurs. Mais il convient de se rendre à l’évidence qu’une hirondelle ne fait pas le printemps. Qu’il faut que plusieurs dirigeants des pays membres de l’Uemoa aillent dans le même sens que Patrice Talon pour que cette vision se matérialise. En attendant, le ministre de l’Economie et des finances du Bénin, Romuald Wadagni, rassure de ce qu’un travail préalable est en train d’être fait. «Aujourd’hui, le sujet de la gestion de la réserve de change par une partie tierce pose des questions de perception et il s’agit justement de travailler sur ces questions de perception. Il s’agit d’une réforme sur laquelle les parties travaillent ensemble – plusieurs pays y travaillent – et sur laquelle les réflexions sont en cours », a précisé Romuald Wadagni.