Disséminés presque partout dans les rues de quartiers populaires de la ville de Cotonou, la capitale économique du Bénin, les cafeterias sont devenus depuis belle lurette comme des ‘enseignes lumineuses’ qui font briller cette ville cosmopolite gonflée par l’exode rural et la mondialisation.
Issa SIKITI DA SILVA
Munis de postes téléviseurs et des décodeurs Canal Plus, ces édifices se transforment en véritables fora de discussions et de débats le jour des matchs de championnats de football anglais, français, espagnol et des coupes africaines. Des dizaines de béninois et étrangers africains envahissent ces lieux pour regarder les matches et polémiquer autour du spaghetti chaud et du café simple et même du lait caillé. Parfois, les jeunes amoureux– qui manquent de gros moyens pour aller dans des restos formels y convergent pour passer le temps et faire avancer leurs relations amoureuses.
Contributeurs de l’économie
Gérés par des étrangers ouest-africains, particulièrement par des frères originaires du Fouta-Djalon, ces cafeterias semblent contribuer tant bien que mal à l’économie du Bénin. Hassan, un proche du propriétaire d’un cafeteria, a déclaré à L’économiste : « Ces cafeterias sont des grands consommateurs d’eau et d’électricité parce qu’ils sont ouverts 24 heures sur 24 et sept jours par semaine. Par jour, ils peuvent utiliser jusqu’à onze bidons de 25 litres qu’ils achètent à 50 francs par bidon. Ceux qui n’achètent pas contribuent à la facture de l’eau et d’électricité dans la parcelle ou ils opèrent et je t’assure que ce sont des sommes énormes ». A part ça, Hassan ajoute, il y a aussi d’autres frais à payer, y compris le loyer et le droit d’écrire le nom de la place sur la devanture, comme par exemple ‘Cafeteria Diallo’. « Et tout cet argent ne va pas à la mairie, ça entre dans la caisse du ministère. Récemment, les agents du ministère sont venus ici déposer une facture de 25 000 francs qui doit être payée dans les plus brefs délais, mais j’ignore la nature de ces frais. Ici, le loyer c’est 40 000 francs par mois ». « Mon patron fait des efforts pour que nous puissions opérer dans la légalité parce qu’on ne veut pas que l’Etat nous harcèle chaque jour », dit Abou, un travailleur de cafeteria. Tous les cafeterias font aussi en sorte que leurs abonnements de Canal Plus soient payés régulièrement pour ne pas perdre leurs clients qui dépendent de ces lieux pour regarder les matchs de football. « Quand nous payons l’abonnement de Canal Plus et Canal Plus paie ses taxes à l’Etat béninois, c’est aussi une manière de contribuer à l’économie, donc nous jouons un rôle important dans ce pays », renchérit Mohamed.
Créateur d’emplois?
« Pas tellement. Même s’ils pouvaient créer des emplois pour les locaux, combien allaient-ils nous payer ? », se demande Christophe, un jeune béninois désillusionné qui a travaillé dans un cafeteria pendant deux ans. « J’ai quitté en 2017 parce que mon boss a refusé d’augmenter mon salaire de quinze mille francs par mois. Il gagne beaucoup d’argent et il me paie très peu pour ce type de travail de longue haleine qui te fait exposer au feu du matin au soir et la colère et parfois aux insultes de nos frères béninois qui se déchainent juste pour une toute petite erreur». « Combien gagne-t-on dans ce business qui va nous permettre de payer chaque travailleur 50 000 francs par mois ? », lance un patron du cafeteria qui refuse de donner son nom. « Ils mangent ici gratuit, du matin au soir, d’autres qui n’ont pas de maison dorment même dedans ici. Est-ce que cela ne suffit pas ? ». Mais il y a quand même des gens qui en tirent bénéfice comme Dossou, un jeune béninois qui a été recruté par un cafeteria et formé à l’art de préparer du vrai spaghetti et du lait caillé et de gérer ce type de business. « Je n’attends que le moment opportun pour ouvrir mon propre cafeteria. Je le remercie de tout cœur car il m’a beaucoup aidé ».
Indispensables, quand même
« Oui, ils sont indispensables, je ne pense pas que Cotonou sera Cotonou sans ces cafeterias. Ils ont un impact social majeur surtout sur des gens comme nous qui ne sommes pas encore stables dans la vie. Je m’y rends le matin et le soir et c’est mieux que ces restaurants du coin des rues où on mange à la belle étoile », souligne Richard, un jeune béninois de 28 ans. Les étrangers de passage à Cotonou aussi aiment ces places où, disent-ils, les aident à relaxer et à contempler une autre face de la ville. « Il n’y a pas de places pareilles à Kinshasa. C’est merveilleux. Leurs plats de spaghetti sont délicieux et l’ambiance est vraiment de fête surtout les jours de matchs », a dit Claude Kasonga, un congolais de la RDC en visite au Bénin.