Les violences exercées sur les filles et les femmes sont monnaies courantes dans les villes et campagnes des départements du Zou et des Collines. Au niveau des Centres de promotion sociale, les chiffres sont alarmants et appellent à une action urgente de la part des autorités, des leaders religieux et traditionnels et même du citoyen lambda. Dans des familles, il y a des abandons de charges et les enfants sont seuls face à leur sort. Ce qui augmente le taux des cas sociaux.
Rock Amadji (Coll. Zou-Collines)
« J’ai trois enfants abandonnés par leur père qui ne demande plus rien. Nous avons faim. Tanti Cps ! aide nous à s’en sortir». Ces genres de plaintes constituent le refrain quotidien avec lequel les femmes victimes de violences rabâchent les oreilles des agents des Centres de promotion sociale (Cps). «Nous sommes habitués», confie un agent du Cps d’Agbangnizoun. Le nombre de victimes de violences et d’abus qui défilent devant les Cps s’accroît chaque jour. «La moyenne par jour que nous enregistrons est de huit cas », précise le responsable du Cps de Zagnanado. Ce qui fait 56 cas au moins par semaine. Au nombre des plaintes enregistrées, l’abandon de charges et les abus sexuels battent le triste record. « En 2020, il y a beaucoup de cas d’abus sur les enfants, sur les mineurs, sur les filles et même sur les femmes. Et aujourd’hui, le cas d’abus le plus palpable, c’est l’abandon de charges où tu vas voir des hommes qui abandonnent aussi bien la femme que les enfants et toute la charge revient systématiquement à la femme. Cela pèse aujourd’hui sur le femme », confirme Sakinatou Gambari Imorou, épouse Adégoutè, Directrice départementale des affaires sociales et de la microfinance (DDASM) Zou sans donner des statistiques précises. Les violences économiques, mentales, les mariages forcés et précoces puis le travail des enfants ne sont pas aussi du reste. Certaines Communes des départements du Zou et des Collines continuent d’en être là plaque tournante. C’est dire donc que même l’arsenal juridique dont dispose le Bénin pour venir à bout de ces fléaux de notre société ne suffit pas pour faire changer de comportements aux auteurs de ces actes. Mais qu’est-ce qui peut en être la source ?
La racine du mal
Le vénérable Dah Amlan Guézo, chef de la collectivité Amlan Guézo d’Agbangnizoun situe les réelles causes du mal à deux niveaux. Selon lui, la précarité est la première cause et l’ignorance en est la deuxième. « L’ignorance ajoutée à la pauvreté, tout peut se passer. Si quelqu’un se trouve dans l’incapacité de nourrir sa famille, cela ne relève pas forcément de l’inconscience. Mais plutôt d’un manque criard de moyens. Dans la plupart des cas, c’est les moyens qui font défaut », justifie Dah Amlan Guézo. Il va plus loin en évoquant la source de la pauvreté. A en croire ses propos, les naissances incontrôlées constituent aussi l’autre fardeau. Elles contribuent à toutes sortes de trafic, à toutes formes de maltraitance d’enfant et au travail des mineurs. « Celui qui envoie son enfant au Nigeria ou en Côte d’Ivoire dans les mines, soit, il en a fait beaucoup et les nourrir devient un problème. Dans ce contexte, ce n’est pas qu’il est inconscient de nourrir les enfants. Il a conscience qu’il doit leur donner à manger mais il n’a pas les moyens, donc il est obligé de mordre à l’appât du trafic d’enfants. Ainsi, parmi les nombreux enfants, ceux qui sont un peu matures sont envoyés chercher de l’argent pour pouvoir nourrir les autres », commente-t-il. Au titre des causes, la DDASM Zou évoque la rupture du dialogue parent-enfant au sein des familles. « Le manque de communication entre parent et enfant amène souvent les enfants à adopter des comportements peu recommandables lorsqu’ils grandissent. Cela est dû à l’éducation », souligne Sakinatou Gambari Imorou épouse Adégoutè. Elle poursuit ses analyses en ajoutant que la non instauration de ce dialogue au sein des ménages est due au fait que les parents n’ont pas, eux aussi les vraies informations. « Il y a aussi que les parents ne sont pas informés sur quoi dire à l’enfant, sur comment éduquer l’enfant, sur quels sujets échanger avec l’enfant en fonction de son âge », fait-elle remarquer. A cela s’ajoute l’absence des parents à la maison. « Les enfants sont livrés à eux-mêmes. Ainsi, les prédateurs profitent de l’innocence de ces parents pour abuser des enfants », constate-t-elle. Père Eustache Nobimè, ancien coordonnateur de la Caritas diocésaine d’Abomey cite la polygamie, le sous-emploi, et la féodalité comme facteurs qui font persister le mal. Il y a également le divorce et des pesanteurs sociologiques.
La sensibilisation, le seul moyen de conscientisation
Face à la pression qu’impose la recrudescence des violences faites aux filles et aux femmes dans le Zou, le préfet, Firmin Aimé Kouton et la Directrice départementale des affaires sociales et de la microfinance (DDASM), pour plus d’impacts, ont changé la stratégie de sensibilisation. «Nous faisons la sensibilisation mais nous n’avons pas les résultats souhaités », a laissé entendre la DDASM/Zou. La nouvelle formule trouvée est l’implication des leaders religieux et traditionnels qui vont porter le message dans leurs couvents, dans leurs lieux de culte, dans les grands rassemblements. « Nous sommes en train de susciter l’engagement des leaders religieux et des leaders traditionnels pour vraiment tourner les pages des mauvaises pratiques et normes qui arrièrent notre développement ou qui ne valorisent pas la gent féminine et l’être humain. On voudrait vraiment qu’ils prennent l’engagement à l’identification, à la sensibilisation et au référencement de la population avec nous sur ces pratiques qui ne nous font pas avancer. Cela ne favorise pas le développement », précise la DDASM/Zou. Une trouvaille que Dah Amlan Guézo juge pertinente. «Je suis ému par cette démarche de la DDASM qui vise à sensibiliser et à impliquer les chefs traditionnels et les religieux dans la lutte. Quand on ne sensibilise pas, les gens vont végéter dans leur ignorance », note-t-il. Pour toucher le vrai problème, le message de sensibilisation doit s’appesantir sur la limitation des naissances. «Avant, les parents ont coutume de dire que l’enfant est la richesse. Ainsi, ils en faisaient à vau- l’eau. Cette affirmation qui n’était pas vérifiée ne le sera pas aujourd’hui parce que la vie coûte de plus en plus cher. Il faut alors produire selon ses moyens. Si votre capacité vous impose deux enfants, il ne faut pas en faire plus. Ainsi tu pourras les élever jusqu’à l’âge adulte tel que souhaité», recommande-t-il. Le contraire serait de l’inconscience. Une part sera aussi accordée aux textes de lois en matière de lutte contre ces fléaux en vue de mettre en garde les auteurs de ces actes répréhensibles. D’Agbangnizoun à Zogbodomey en passant par Za-kpota et dans toutes les neuf Communes du Zou, les leaders religieux et traditionnels se sont engagés à mettre fin à ces dérives en y apportant leur pierre à contribution.