Plus de la moitié des personnes vivant dans la pauvreté dans le monde (54,8 % en 2022) sont en Afrique, selon le nouveau rapport sur le développement durable en Afrique. Protection sociale insuffisante, insécurité alimentaire, fardeau de la dette, corruption, constituent le tableau sombre qui montre l’urgence d’un financement accru.
Aké MIDA
Les progrès réalisés par l’Afrique dans la réduction de la proportion de la population vivant sous le seuil de pauvreté restent « modestes », contrebalancés par les multiples crises de ces dernières années. Le nombre d’Africains ayant basculé dans la pauvreté en 2020 est estimé à 55 millions, souligne le Rapport sur le développement durable en Afrique 2024 intitulé « Renforcer le Programme 2030 et l’Agenda 2063 et éliminer la pauvreté en période de crises multiples : la mise en œuvre efficace de solutions durables, résilientes et innovantes ».
En 2022, l’Afrique représentait 54,8 %, soit plus de la moitié des personnes vivant dans la pauvreté dans le monde, selon le document présenté, la semaine dernière par le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud), la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (Cea) et la Banque africaine de développement (Bad), lors d’un événement organisé en marge du Forum politique de haut niveau pour le développement durable des Nations Unies à New York.
La part de la population vivant sous le seuil de pauvreté national est passée à 38 % en 2023 après 33,3 % en 2013, bien loin de la valeur cible de 23 % pour 2023 fixée dans l’Agenda 2063 de l’union africaine, note le rapport. Le nombre de chômeurs pauvres en Afrique est de 31,09 %, plus élevé que la moyenne mondiale estimée à 6,38 %.
Insécurité sociale
Les systèmes de protection sociale en Afrique sont fragmentés et inadéquats pour ce qui est de la couverture, avec seulement 17,4 % de la population couverte par des systèmes formels de protection sociale, alors que la moyenne mondiale est de 46,9 %, indique le rapport. De même, l’accès aux services d’eau potable et aux services de voirie de base demeure aussi modeste, avec respectivement des taux de 72,9 % en 2022 contre 68,7 % en 2015 et de 52 % en 2022 contre 46,9 % en 2015. A l’exception de l’Afrique du Nord qui affiche un taux de 93 %, l’accès aux services de voirie de base en Afrique était inférieur à la moyenne mondiale chiffrée à 81 % en 2022.
Pis, la faim, l’insécurité alimentaire et la malnutrition restent préoccupantes sur le continent. Quelque 281,6 millions de personnes souffraient de la faim en Afrique en 2022 contre 270,6 millions en 2021. La prévalence de la sous-alimentation est passée de 19,4 % en 2021 à 19,7 % en 2022, tandis qu’un enfant sur trois de moins de 5 ans souffre d’un retard de croissance en 2022. Le rapport fait état de 60 % de la population africaine ayant connu une insécurité alimentaire modérée ou grave en 2022, contre 45,5 % en 2015. De même, 80 % de la population africaine n’avait pas les moyens de se procurer des aliments sains en 2022, tandis qu’on estime à 145 millions le nombre d’enfants de moins de 5 ans en situation de pauvreté alimentaire.
Actions préconisées
Fort de ces conclusions alarmantes, les experts penchent pour un accès élargi à des financements concessionnels pour le développement des systèmes d’information et d’alerte précoce renforcés, ainsi que des réformes économiques et institutionnelles urgentes. Les pays africains sont appelés à entreprendre des analyses prospectives de la viabilité de la dette afin d’éviter les vulnérabilités de la dette et de maintenir le financement des services sociaux essentiels (santé, éducation, protection sociale) et des investissements productifs. Il s’agit de donner la priorité à un développement centré sur la population pour faire progresser le développement durable.
Les réformes s’avèrent nécessaires pour améliorer l’efficacité et l’utilisation optimale des ressources en donnant la priorité aux investissements dans le capital physique et humain, ainsi qu’à l’adoption de compétences et de technologies devant jouer un rôle clé dans la réduction de la pauvreté.
Le rapport insiste aussi sur le renforcement des services d’information sur le climat et les systèmes d’alerte précoce afin de garantir des réponses plus souples aux risques liés au climat. Le renforcement des réseaux d’observation météorologique et hydrométéorologique et des systèmes d’alerte précoce est également crucial, tout comme la mise à jour des stratégies régionales de réduction des risques de catastrophe.
Par ailleurs, il s’agira d’œuvrer à l’effectivité de la Zone de libre-échange continentale en Afrique (Zlecaf), en soutenant les industries locales et les chaînes de valeur régionales, afin de stimuler l’intégration économique et la croissance sur l’ensemble du continent.