Le riz est la deuxième céréale la plus consommée au Bénin, après le maïs. Mais en termes de productivité, le pays reste à la traine à cause de la qualité des politiques de développement de la filière.
Félicienne HOUESSOU
Les gouvernements ont mis en place de nombreuses politiques de soutien aux filières riz et mais avec des résultats décevants. Pourtant, le Bénin consomme plus des deux tiers de la céréale en Afrique subsaharienne. La consommation du Bénin s’est largement multipliée ces 30 dernières années. Les importations ont ainsi triplé en 20 ans. Sur le site willagri.com, le spécialiste du riz au Centre français de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), Patricio Mendezdel Villar indique que le développement d’agropoles au Bénin, en Côte d’Ivoire ou encore au Sénégal a connu des résultats pour le moins mitigés. En cause, « l’échec de la démarche ‘’top-down’’ où les producteurs se voient imposer des techniques agricoles et des modèles commerciaux peu adaptés, mais aussi le manque de proximité et l’absence des relations de confiance entre les acteurs », a-t-il renseigné.
Les politiques les plus emblématiques ont été menées au Mali et au Sénégal dès 2008 avec l’Initiative riz au Mali et la Grande offensive agricole pour la nourriture et l’Abondance (Goana) au Sénégal. Ces politiques visaient, notamment, à améliorer l’accès des intrants (engrais et semences) aux producteurs par des subventions et des crédits de campagne.
Moderniser et intensifier la riziculture
La filière rizicole du Bénin soufre depuis des lustres des investissements lourds en infrastructures d’irrigation, de la modernisation et de l’industrialisation du secteur de la transformation afin d’améliorer la qualité du riz local et concurrencer durablement le riz importé. Car, pour l’agronome Adonis Quenum, ces importations sont justifiées par le manque de cohérence et de constance des politiques mises en place face aux enjeux, et aux contraintes, du développement des filières locales. Les gouvernements ont soutenu les filières mais, voulant éviter une crise sociale majeure, ont réduit la fiscalité sur les importations. « Dans ce même temps, nous avons des hectares non cultivés dans la vallée de l’Ouémé et nous manquons d’investisseurs », relève-t-il. L’appel à des grands investisseurs privés pour dynamiser la production rizicole et la chaine de valeur dans son ensemble, permettrait une transition de la riziculture béninoise vers un modèle plus capitalistique et intensif. Mais, pour Patricio Mendezdel Villar, « l’une des clés de réussite se trouve dans la capacité à maitriser les changements d’échelle lors des intermédiations entre les acteurs, notamment par la mise en place de contrats plus flexibles, mais aussi en favorisant une proximité plus grande avec des entrepreneurs locaux pour créer des groupes de confiance et une meilleure implication des jeunes et des femmes dans l’agriculture contractuelle, mais aussi aborder la question de la protection des filières locaux par rapport aux importations ». Il va plus loin et indique que « dans les systèmes dits informels et de proximité à l’échelle des villages, voire des quartiers, les relations entre acteurs sont fondées sur une interdépendance réelle. Vendeurs et acheteurs ont des intérêts mutuels et leur réussite dépend du respect des accords passés, qu’ils soient formels ou informels. Or, dans le cas des investisseurs privés, souvent d’origine urbain, leur éloignement géographique, mais aussi culturel, par rapport aux acteurs ruraux fait que les contrats formels ne sont pas toujours respectés de part et d’autre (non livraison des quantités de riz prévues, paiement en retard…) ». Il serait donc difficile voire impossible de faire des performances dans cette filière sans la mise en place d’une stratégie adaptée à l’environnement et à l’ensemble des acteurs impliqués.