Le Bénin vient d’effectuer avec succès la première émission obligataire inaugurale en euros de l’histoire des émissions internationales africaines. Le pays dirigé par Patrice Talon depuis avril 2016, a levé, mardi 19 mars 2019, 500 millions d’euros, soit 328 milliards FCFA sur le marché international.
Joël YANCLO
Des ressources financières viennent encore de tomber dans l’escarcelle du gouvernement béninois pour avancer dans la mise en œuvre de son programme d’actions (PAG). Ce mardi 19 mars 2019, le Bénin a procédé à la première émission obligataire internationale de son histoire. En effet, du 12 au 18 mars 2019, le ministre de l’Economie et des Finances du Bénin, Romuald Wadagni, a conduit une délégation à la rencontre des investisseurs internationaux en Europe et aux Etats-Unis. L’argentier national a choisi d’effectuer cette tournée des principales places financières afin de pouvoir présenter aux investisseurs les résultats concrets issus de la mise en œuvre du Programme d’actions du gouvernement (PAG), y compris les réformes structurelles clés, la croissance économique forte et la réduction rapide du déficit budgétaire. Les réunions ont permis de démontrer la solidité des fondamentaux du Bénin, la pertinence du PAG et le sérieux des réformes mises en œuvre depuis 2016. Le 19 mars 2019, le ministère de l’Economie et des Finances a levé avec succès 500 millions d’euros (328 Mds CFA), pour une maturité finale de 7 ans. Le profil de remboursement de cet instrument, amortissable sur les trois dernières années (2024, 2025, 2026), vise aussi à réduire le risque de refinancement et s’inscrit dans le cadre de la stratégie de gestion prudente de la dette publique. Le Bénin est le premier pays d’Afrique à émettre une émission obligataire internationale inaugurale en Euros, une devise qui ne présente aujourd’hui aucun risque de change pour le bilan du gouvernement. Le Bénin est également le premier émetteur d’Afrique subsaharienne à solliciter le marché cette année, faisant donc preuve d’une rapidité d’exécution exceptionnelle qui a permis de saisir une fenêtre de marché favorable. Les investisseurs ont salué la performance du gouvernement depuis 2016 et l’attractivité de sa signature de crédit en souscrivant fortement à l’émission internationale : le livre d’ordres de l’opération a dépassé un milliard d’euros en moins de deux heures et atteint un pic d’environ 1,25 milliard d’euros dans la journée (c’est-à-dire une souscription de 250%). La forte demande pour les obligations béninoises s’est traduite par un coupon de 5,75%, bien en-deçà des taux offerts sur le marché régional. La République est donc parvenue à diversifier ses sources de financement, tout en réduisant le coût moyen de sa dette de marché. Le succès de cette émission inaugurale démontre le fort intérêt affiché par les investisseurs internationaux pour le Bénin, et marque un moment décisif dans la dynamique d’ouverture économique du pays initiée par le gouvernement. Le Benin mène de grandes réformes économiques. Ce qui rassure les acteurs du marché financier international. Pour la réussite de l’opération d’émission d’obligations en EUR, trois banques ont été mobilisées. Il s’agit de Citi, Natixis et Société Générale.
Moody’s salue les efforts du Bénin
Le 14 mars 2019, un comité de notation a été convoqué pour examiner la notation de l’euro-obligation libellée en EUR qui devrait être prochainement attribuée par le gouvernement du Bénin en vertu de la règle 144A aux États-Unis. Moody’s Investors Service («Moody’s») a attribué, le 15 mars 2019, la note B2 en perspective à l’émission d’obligations en EUR du gouvernement du Bénin. La notation a été initiée par Moody’s Investors Service et n’a pas été demandée par le Bénin. Cette cession est prévue avant l’émission de dette libellée en EUR par le gouvernement béninois aux États-Unis en vertu de la règle 144A. La note B2 de l’émission d’euro-obligations du Bénin repose sur l’hypothèse selon laquelle les billets de premier rang non garantis, s’ils sont émis, auront un rang égal à tous les titres de créance de premier rang non garantis actuels et futurs du gouvernement. Moody’s s’attend à ce que le produit de l’émission aide le gouvernement à faire face à ses besoins de financement et à allonger son profil d’échéance de la dette. La notation des instruments reflète la force économique relativement faible du Bénin en raison de la petite taille de son économie, de sa dépendance à une agriculture de subsistance qui limite les niveaux de revenu et de la concentration des exportations sur un seul marché, le Nigéria. L’évaluation de la solidité économique prend également en compte les défis auxquels le gouvernement est confronté dans la mise en œuvre de son ambitieux programme de développement. Cela étant dit, Moody’s reconnaît que le programme de réformes, s’il est au moins partiellement couronné de succès, maintiendra des perspectives de croissance robustes à moyen terme et, en réduisant l’exposition aux chocs sur les secteurs clés, réduira la volatilité de la croissance. La croissance du PIB s’est accélérée pour atteindre 6,5% en 2018 et Moody’s s’attend à ce qu’elle reste comprise entre 6 et 7% dans les années à venir. Les défis institutionnels du Bénin se traduisent par des scores faibles dans les indicateurs de gouvernance dans le monde pour l’efficacité du gouvernement, l’état de droit et le contrôle de la corruption. La mauvaise gestion budgétaire constatée à la fin de la précédente administration en 2015-2016, qui a entraîné une grave détérioration du bilan du gouvernement avec un endettement relativement élevé représentant désormais plus de 50% du PIB, laisse entrevoir des faiblesses institutionnelles sous-jacentes, notamment l’absence de contrôles et équilibres efficaces.
Inverser la trajectoire de la dette
Selon Moody’s, la force budgétaire du Bénin reste très faible. Cependant, les efforts déployés (à ce jour avec succès) par l’administration actuelle pour parvenir à l’assainissement budgétaire (notamment la réduction du déficit à 2,7% du PIB en 2019 contre 201% à 7,6% en 2015) visent à la fois à inverser la trajectoire de la dette grâce à un retour à 2021 et, avec le soutien du FMI, renforcer l’efficacité et la crédibilité de l’élaboration des politiques fiscales et autres. Le gouvernement est modérément exposé au risque d’événement, principalement en raison de besoins de financement considérables, dépassant 10% du PIB en 2017 et 2018. Parallèlement à l’assainissement budgétaire, le gouvernement s’efforce de reprofiler sa dette intérieure en allongeant sa maturité, notamment en émettant de la dette internationale et en augmentant la part de la dette semi-concessionnelle, la perspective d’une réduction substantielle des besoins d’emprunt annuels. Moody’s prévoit que les besoins d’emprunt bruts diminueront pour atteindre environ 8% du PIB en 2019 et davantage en 2020, ce qui réduira considérablement les risques de liquidité des administrations publiques. Néanmoins, l’accès du Bénin au financement en période de besoin soudain n’est pas encore clairement établi. L’environnement politique stable du Bénin a été le théâtre de multiples transitions pacifiques du pouvoir, tandis que le système bancaire pose peu de risques au souverain compte tenu de sa petite taille. Enfin, bien que le Bénin connaisse des déficits commerciaux structurels, son appartenance à l’UEMOA soutient la position extérieure du pays. Une euro-obligation est une obligation libellée dans une monnaie différente de celle du pays (ou du marché) dans lequel elle est émise.