Le Bénin offre une variété de produits agricoles, dont la patate douce figure parmi les plus importantes. La patate douce, identifiée comme une filière en plein essor par l’Observatoire du Commerce, de l’Industrie et des Services (OCIS) de la CCI Bénin dans l’une de ses analyses, représente non seulement une précieuse ressource pour le secteur agro-industriel béninois, mais également un véritable remède pour la santé.
Abdul Wahab ADO
Classée troisième racine tuberculeuse produite après le manioc et l’igname, la patate douce est une plante très riche en éléments nutritifs, en vitamines et en minéraux. Sa production reste abondante dans plusieurs zones du pays, mais elle souffre d’une exploitation carencée, ce qui constitue un frein pour l’essor de la filière. Selon une étude de l’Observatoire du Commerce, de l’Industrie et des Services (OCIS) de la Chambre de commerce et d’industrie du Bénin, la patate douce est l’une des plus importantes plantes vivrières au monde, avec environ 106 millions de tonnes produites dans près de 120 pays, occupant une superficie d’à peu près 8 millions d’hectares et offrant un rendement mondial moyen de 11,1 tonnes/ha. L’Asie est le plus grand continent producteur de patates douces, avec une récolte totale de 79 millions de tonnes, suivie de l’Afrique (FAOstat, 2016). La Chine concentre à elle seule environ 75 % de la production mondiale. La production africaine s’élève à 21,3 millions de tonnes, dont 48 % proviennent de la région des Grands Lacs. Les principaux pays producteurs et consommateurs d’Afrique subsaharienne sont le Nigeria, la Tanzanie, l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi.
En effet, le marché béninois de la patate douce est actuellement en plein essor, avec une forte demande des consommateurs. Cependant, la disponibilité de ce tubercule varie selon les saisons et les régions, ce qui rend son approvisionnement difficile.
Au Bénin, la patate douce est largement cultivée sur toute l’étendue du territoire national pendant toutes les périodes de l’année. Selon les statistiques, la production béninoise de patate douce demeure modeste comparée à d’autres cultures vivrières telles que le maïs, le manioc et l’igname. La culture pour la campagne agricole 2023-2024 est estimée à 77 477 tonnes. Au cours de la période sous revue (2016 à 2024), on note une tendance haussière de la production passant de 58 145 tonnes en 2017 à 77 477 tonnes en 2024. Cela témoigne de la demande croissante de la filière grâce à son importance dans l’agro-alimentaire.
Noter que la patate douce est consommée traditionnellement, sous forme de tubercules frais, bouillis ou frits, mais son utilisation commence à se diversifier avec l’émergence de produits dérivés tels que la farine et les produits de pâtisserie. La consommation par habitant reste néanmoins relativement faible, autour de 7 kg par an, comparée à d’autres produits de base comme le manioc ou l’igname. Cependant, la demande croît à mesure que les campagnes de sensibilisation et les programmes scolaires intègrent davantage la patate douce dans les régimes alimentaires, en particulier dans les zones rurales. Le commerce de patate douce au Bénin est essentiellement local, avec des échanges limités entre les différentes régions du pays. Les exportations sont quasi inexistantes, la production étant principalement destinée à la consommation domestique. Cependant, on observe un petit commerce transfrontalier informel avec les pays voisins, notamment le Togo et le Nigeria etc., précise l’OCIS.
La part de transformation industrielle
La forte croissance de la production a permis à quelques unités industrielles de se lancer dans sa transformation en des produits semi finis. Ainsi, le Bénin compte plusieurs unités semi-industrielles et industrielles qui transforment la patate douce à des différents niveaux de transformation. A titre d’exemples, on peut évoquer : ALITECH-Industrie, située à Abomey-Calavi, qui s’est spécialisée dans la production de farine de patate douce améliorée ; YUEKEN International Benin SARL, une société chinoise installée à Logozohè dans la commune de Savalou, qui produit de l’alcool alimentaire et pharmaceutique à partir de la patate douce ; KEURAM SARL, produit principalement de la farine de patate douce. En dehors de ces unités semi-industrielles ou industrielles, il existe également plusieurs petites unités qui évoluent dans la transformation artisanale des patates douces. La transformation de la patate douce au Bénin est un secteur en plein développement, avec plusieurs initiatives visant à améliorer les techniques de transformation et à diversifier les produits dérivés. La patate douce est un aliment de base au Bénin, et sa transformation offre des opportunités pour ajouter de la valeur, créer des emplois et améliorer la sécurité alimentaire.
La patate douce offre une variété d’utilisations dans plusieurs domaines essentiels, tels que l’alimentation humaine, l’industrie de transformation, et la médecine. En alimentation humaine, les tubercules de patate douce sont principalement cuits à l’eau ou frits, offrant un plat riche en fibres, en vitamines (notamment A et C), et en minéraux comme le potassium et le manganèse. La douceur naturelle de la patate douce en fait un ingrédient apprécié dans les repas quotidiens, mais aussi dans les régimes spéciaux, notamment pour les personnes cherchant à réduire leur consommation de sucres raffinés ou à gérer leur glycémie.
Dans diverses industries de transformation, la patate douce trouve également une place importante. Les tubercules peuvent être transformés en farine, un produit polyvalent qui entre dans la fabrication de gâteaux, biscuits, et autres produits de boulangerie. Cette farine est non seulement nutritive, mais elle est également sans gluten, ce qui en fait une alternative prisée dans les régimes sans gluten. En plus des aliments, la farine de patate douce est utilisée pour produire des boissons, comme des jus ou des boissons fermentées, et des purées qui servent de base à de nombreux plats. De manière innovante, la patate douce est aussi explorée dans la fabrication de plastiques biodégradables. Ce développement s’inscrit dans une démarche éco responsable, visant à réduire la dépendance aux plastiques traditionnels, souvent issus de ressources fossiles non renouvelables. Ainsi, les dérivés de la patate douce contribuent à des solutions plus durables dans l’industrie du packaging et des matériaux de construction.
Quelques produits issus de la transformation de la patate douce
La transformation au Bénin de la patate douce permet d’obtenir quelques produits finis. Il s’agit premièrement de la farine de patate douce qui est une source exceptionnelle de bêta-carotène, un antioxydant converti en vitamine A dans le corps. Elle est également riche en vitamines et minéraux essentiels, soutenant une vision saine, le système immunitaire, et la santé de la peau. En comparaison avec la farine de blé ou la farine de pomme de terre, la farine de patate douce se distingue par sa richesse en nutriments, son faible indice glycémique, et son absence de gluten, offrant ainsi une meilleure option pour la santé globale et la performance physique. Elle sert à fabriquer du pain et des gâteaux.
Secundo, il y a les chips de patate douce qui sont des snacks croustillants réalisés à partir de tranches de patate douce, appréciés pour leur goût sucré naturel et leur texture croquante. Elles sont fabriquées à partir de patates douces fraîches, avec une valeur nutritive élevée. Les chips sont souvent préparées en les faisant frémir dans l’huile ou en les cuisant au four, ce qui offre une alternative plus saine et délicieuse aux chips de pommes de terre classiques.
Tertio, c’est le gari de patate douce qui a une texture granuleuse et légèrement croquante. De couleur jaune orangé, blanche ou rouge selon le cas (dépend de la couleur de la patate douce), il a une saveur douce et légèrement sucrée. Comme il est fait à partir de patates douces 100% naturelles, il est riche en nutriments tels que les vitamines, les minéraux et les fibres.
Le gari de patate douce est une innovation intéressante qui offre une alternative au gari traditionnel à base de manioc.
Le gari de patate douce est une solution pour ceux qui ont une intolérance aux dérivés du manioc. Mais le produit est actuellement très peu connu sur le marché.
Quarto, le pain fabriqué à partir de la farine de patate de douce qui est riche en antioxydants et permet d’assurer le bon fonctionnement global de l’organisme. Ces antioxydants protègent les organes du stress oxydatif et luttent contre le vieillissement cellulaire. Le pain est riche en fibres alimentaires, qui favorisent la perte de poids et assurent une bonne digestion.
Cinquièmement, ce sont les confitures qui étaient, dans le passé, le moyen privilégié pour conserver les fruits les plus fragiles après la récolte. La confiture est un gel obtenu par cuisson de fruits avec du sucre. Elle a un goût doux et onctueux. La patate douce apporte une texture veloutée et dense. La confiture peut être utilisée pour agrémenter des beignets, des tartines, les yaourts nature, etc.
En sixième position, ce sont les pâtes alimentaires fabriqués généralement à partir d’un mélange pétri de farine, d’eau et éventuellement d’œuf et de sel. Riche en antioxydants, les pâtes alimentaires à base de patate douce permettent d’assurer le bon fonctionnement global de l’organisme. Elles sont une alternative délicieuse et nutritive aux pâtes traditionnelles.
La patate douce, une boite à pharmacie
Outre la transformation semi-industrielle ; il faut préciser qu’en médecine, les recherches fondamentales ou épidémiologiques soulignent le rôle positif de la consommation de la patate douce contre certaines maladies comme : cancer, maladies cardiovasculaires, fonction hépatique, diabète et système immunitaire. Riche en bêta-carotène, la patate douce peut également contribuer à soutenir la fonction immunitaire.
En effet, la vitamine A est importante pour le maintien de l’intégrité des muqueuses du système respiratoire et de l’intestin. Plus riche en fibres alimentaires et ayant un index glycémique moindre que la pomme de terre, la patate douce est un excellent choix de féculent pour les personnes atteintes de diabète, car elle peut aider au contrôle de la glycémie. Par ailleurs, les patates douces contiennent une quantité abondante d’acide oxalique, donc si vous consommez trop de cette substance et que le corps ne peut pas l’éliminer à temps, cela exercera une pression sur les reins, entravant ainsi la fonction rénale, avec une augmentation, du risque de calculs rénaux.
De plus, les feuilles de patate douce peuvent se consommer comme des épinards. Elles constituent un aliment sain, source de vitamines A et C. Les feuilles de la patate douce sont très consommées en Chine, en Thaïlande et en Afrique. Elles sont plus riches en protéines, bêta-carotène, calcium, phosphore, fer et vitamine C que l’épinard. Dans le Pacifique Sud, on prépare les jeunes feuilles en les faisant bouillir rapidement dans un peu d’eau. Elles sont alors servies avec un corps gras (beurre ou lait de coco) ou incorporées à des soupes. Elles peuvent aussi être frites dans de l’huile en ajoutant oignon et ail pour relever le goût.
Vue son importance, la filière patate douce constitue pour le Bénin une mine de richesse non seulement pour la sécurité alimentaire mais aussi pour booster la croissance économique du pays.
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