Il est possible de concilier les intérêts des banques et ceux de leur clientèle. Encore faudrait-il connaître les attentes des unes et des autres. Pour ce faire, il y a lieu d’interroger les clients des banques pour savoir quel regard ils portent sur leurs banques, quels griefs ils ont contre elles, en déterminer les causes profondes et interroger également les banques sur les réponses qu’elles serviraient à leurs clients sur ce qui leur est reproché.
Je présente ici une étude de cas simple et récente, mais qui pourrait servir d’analyse de la satisfaction clientèle telle que vécue par une cliente et qui illustre en partie les relations banques-clients au Bénin et dans l’espace UEMOA en général.
Le lundi 07 mars 2022, une cliente dépose un chèque qu’elle a reçu d’une banque A, dans sa banque B. Quand c’est le cas d’un chèque d’une banque autre que la sienne, il faut attendre 72 heures avant que l’argent soit positionné sur son compte, après compensation des banques. La cliente avait un engagement à honorer le mercredi 09 mars, mais elle a présenté ses excuses à son créancier, une structure de microcrédit, et demandé à honorer son engagement le jeudi 10 mars. Une fois à sa banque le 10 mars, on l’informe qu’elle avait apposé son cachet au verso du chèque dont elle a fait la remise le 07 mars, mais avait omis de le signer. Elle était surprise que l’agent qui reçoit les chèques n’ait pas vérifié la signature et demandé qu’elle la mette. Pire, qu’on ne l’ait pas appelée déjà le 08 mars quand ils ont constaté le défaut de signature, puisque le compte est ouvert depuis des lustres et que le contact téléphonique est mis au verso du chèque. Elle a alors signé le chèque ce jeudi 10 mars et on lui demanda de revenir le lundi 14 mars, puisqu’il lui fallait encore attendre 72 heures, le temps de la compensation. Pendant ce temps, l’engagement qu’elle devait régler le 9 mars était devenu source de tension avec l’établissement de microcrédit.
La dame se rendit à nouveau à la banque le lundi 14 mars, mais on lui expliqua que ce n’était pas prêt, parce que la navette des courriers entre l’agence et le siège accuse des lenteurs. Il lui a été demandé de revenir le jeudi 17 mars. La cliente a failli fondre en larmes, face à la désinvolture et au mépris avec lesquels elle était traitée. Toute résignée, elle dut se retourner bredouille. Il lui fallut se confondre à nouveau en explications et excuses interminables auprès de la structure de microcrédit dont les agents étaient devenus incrédules et fous furieux, avec la menace et l’intimidation qui leur sont propres.
Le jeudi 17, la dame se rendit enfin à sa banque. Cette fois-ci, on lui servit le même argument que le 14 mars, celui de la navette des courriers entre le siège et l’agence, et on lui demanda à nouveau de venir le lundi 21 mars. Toujours résignée, elle se retourna à nouveau bredouille.
Finalement le vendredi 18 mars au soir, la Responsable de l’agence l’appela et l’informa qu’elle pouvait passer le samedi faire son retrait, ce qu’elle fit effectivement pour pouvoir honorer le lundi 21 mars au petit matin son engagement auprès de la structure de microcrédit.
Excédée, elle rédigea une plainte pour le siège de la banque, mais qu’elle abandonna, sous prétexte que la banque pouvait en représailles, la faire poireauter une autre fois. Elle pensa même que la faire moisir 14 jours pour une opération qui devrait durer 72 heures ou au plus, 96 heures, était une façon de la punir du fait qu’elle leur ait demandé pourquoi ils ne l’ont pas appelée quand ils ont remarqué le défaut de signature depuis le 07 mars.
Cet exemple de situation vécue vient corroborer les conclusions d’une étude que j’ai menée il y a une dizaine d’années sur les raisons de la faiblesse du taux de bancarisation au Bénin, étude qui montre que la qualité de services a une large part de responsabilité dans le processus de ‘débancarisation’.
A l’analyse du cas présenté, la cliente a raison de se sentir lésée et résignée. Elle a subi des préjudices de la part de sa banque sans que les agents n’en soient inquiétés et semblaient même se foutre éperdument d’elle. Dans son sentiment d’impuissance, elle avait eu envie de fermer son compte, mais elle n’en avait pas un autre. C’est la preuve que le défaut de qualité de services peut entraîner une perte de clientèle, voire un abandon du système bancaire pour ceux qui n’ont pas une obligation de détenir un compte. Il existe plusieurs autres facteurs pour expliquer cette désaffection pour les banques et ces dernières gagneraient à questionner le regard porté sur elles par les clients. Plusieurs autres griefs ont été identifiés, certains spécifiques à certaines banques, d’autres leurs sont communs.
Malgré tout, il est possible que de tels comportements soient évités si l’on veut encourager la fréquentation des banques. Pour ce faire, il importe que les banques fassent des enquêtes approfondies de satisfaction, qui aillent plus loin que les étiquettes flanquées de mots ou de figurines qui sont couramment utilisées comme support d’enquête de satisfaction. Les banques auront ce faisant, une idée plus claire des griefs que les clients ont envers elles, leurs attentes et leurs craintes. Ceci leur permettra d’améliorer leurs services et leur communication, bref, la relation bancaire qui les lie. C’est uniquement à cette condition que peut prospérer le partenariat gagnant-gagnant entre les banques et leur clientèle, pour le bonheur des uns et des autres.