Selon le McKinsey Global Institute, la participation massive des femmes et leur intégration dans la population active pourraient accroître le PIB mondial de 26%. Au Bénin, la discrimination condamne les femmes à la vie de pauvreté et de mendicité.
Issa SIKITI DA SILVA
Pour la deuxième fois consécutive en l’espace d’un an, Aissatou Togbé a lamentablement échoué d’être embauchée parce que, selon ses dires, elle est une femme et mère de famille. « La dernière fois, j’étaisla meilleure candidate tant du point de vuede formation académique que des capacités professionnelles. Mais on a prisles deux hommes et on m’a laissé tomber. Je ne sais pas pourquoi », se plaint-elle.
Un recruteur a laissé entendre qu’embaucher les hommes a des avantages en termes de productivité. «Le problème de ces filles d’aujourd’hui est qu’elles ne veulent pas travailler dur, elles passent leurs temps à dire des bêtises au lieu de travailler.Et parfois elles s’absentent beaucoup parce qu’elles ont d’autres sources pour trouver de l’argent. En revanche, les hommes s’adonnent corps et âme car ils savent que ce boulot c’est leur vie », a déclaré un patron sous couvert de l’anonymat.
Donnez-nous aussi la chance
« C’est faux », rétorque Gloria Assogba. « Il y a des femmes qui travaillent dur plus que les hommes en mettant en tête que leur vies en dépend. Est-ce que toutes les filles font du n’importe quoi pour avoir de l’argent ? On est tous des êtres humains et nous voulons qu’on nous donne tous la chance de pouvoir travailler et gagner nos vies. Tout dans ce pays est centré autour des hommes. Même en politique, en business, partout. Nous les femmes, on se fout ne nous. Nous n’avons pas accès aux ressources et aux opportunités économiques.C’est injuste », s’est-elle lamentée.
« Oui, il y a l’injustice et la discrimination partout dans ce pays », poursuit Noura Adiatou. « Même quand tu veux emprunter de l’argent auprès des institutions financières, on donne la priorité aux hommes. Je ne sais pas ce qui se passe et pourtant nous sommes tous des petits entrepreneurs qui méritent d’être assistés en vue de s’épanouir pour créer des richesses et contribuer à l’économie du pays ».
« Bien que la vie des femmes et des filles dans les pays en développement se soit considérablement améliorée au cours des 50 dernières années, l’accès des femmes aux opportunités économiques reste limité. Alors que les femmes participent plus que jamais au marché du travail, les disparités entre hommes et femmes en termes de revenus, de productivité et d’activité économique persistent dans tous les pays et à tous les niveaux de revenu », martèle un document de recherche de la Brookings Institution publié le 5 mars 2019.
Professions moins rémunérées
Le document intitulé ‘’The Women’s Global Development and Prosperity Initiative: Will itWork?’’, renchérit: “En tant que salariées, les femmes se concentrent dans des secteurs et des professions moins rémunérés. En tant qu’entrepreneurs, elles dirigent de petites entreprises dans des secteurs moins rentables. En tant qu’agriculteurs, elles travaillent sur des parcelles plus petites et ont des rendements plus faibles ».
Si la prévalence de la discrimination sur base de genre est notoire et visible à Cotonou et Porto-Novo, elle est par contre indescriptible dans les milieux ruraux du Bénin où la misère a coincéles femmes dans une vie paysanne éternelle sans lendemain meilleur.
Environ 70% des femmes au Bénin vivent en milieu rural, où elles effectuent 60 à 80% des travaux agricoles et fournissent jusqu’à 44% des prestations nécessaires pour nourrir leurs familles, selon la FAO.
Véronique Agboton, une femme qui a travaillé pendant une décennie dans des différentes fermes agricoles, regrette son temps perdu à travailler comme une esclave dans de conditions très dures. « La seule bonne chose est que j’ai quand même acquis l’expertise en matière d’agriculture qui pourrait me servir si je pouvais avoir des fonds pour lancer mes propres activités agricoles. Maisoùles trouver ? », se demande-t-elle.
L’autonomisation économique des femmes
La souffrance des femmes et les discriminations qu’elles subissent aux mains des hommes machistes n’ont pas laissé l’actuel président américain indiffèrent qui, le mois passé, a annoncé la création d’un projet appelé‘’Initiative des femmes en matière de développement mondial et de prospérité’’(W-GDP).
S’il est approuvé, le projet sera doté d’un fonds de 50 millions de dollars au sein de l’Agence américaine pour le développement international (USAID) afin depromouvoir l’autonomisation économique des femmes dans le monde entier.
Le projet, qui vise à atteindre 500 millions de femmes d’ici 2025, aura pour but d’aider les femmes à prospérer sur le marché du travail, à réussir en tant qu’entrepreneurs et à devenir une force active dans leurs économies.