Un an et trois mois après la promulgation de loi n° 2018-12 du 02 juillet 2018 portant régime juridique du bail à usage d’habitation domestique au Bénin, son application reste soumise à des difficultés majeures. A travers une enquête, il est vite apparu que les locataires sont entre le marteau et l’enclume, ne sachant à quel saint se vouer entre les propriétaires et l’Etat central.
ISSA SIKITI DA SILVA
Une part non négligeable des propriétaires de maisons et boutiques à louer semble échapper au contrôle de la loi. Dans la capitale économique du Bénin, Cotonou, où l’urbanisation reste un défi majeur, l’application la loi n° 2018-12 du 2 juillet 2018 portant régime juridique du bail à usage d’habitation domestique constitue un terrain ouvert où chaque individu y va selon ses désirs. Le constat est amer. Huit sur 10 démarcheurs et trois sur cinq propriétaires ont rejeté la caution de trois mois, selon une enquête effectuée à Cotonou. Pis, certains propriétaires de maison à louer demeurent indifférents à la loi promulguée en 2018. « Les maisons qu’on fait louer appartiennent aux propriétaires. C’est eux qui nous disent ce qu’on va faire parce que ce sont des propriétés privées. Donc le gouvernement n’a rien à avoir dans cette affaire », a déclaré George, un démarcheur de Cotonou. A l’en croire, les démarcheurs sont assujettis au bon vouloir des propriétaires qui sont les seuls à décider. Ainsi, pendant que George se confiait à ce journal, un autre démarcheur négociait avec un client pour aller visiter une maison à Cadjèhoun dont le propriétaire demandait une caution de six mois et une avance d’électricité et d’eau de 50 000 FCFA. Le loyer pour une chambre et un salon avec les installations sanitaires serait de 35 000 FCFA par mois.
Les locataires sont souvent obligés de faire contre mauvaise fortune bon cœur. « Si c’est bon, je paie et je m’installe. Je n’ai pas le choix car c’est urgent. Ça fait un mois que je suis à la recherche d’une bonne maison à louer mais il n’y a rien. C’est injuste. Ces gens défient la loi et le gouvernement. Ce n’est pas possible », a indiqué Saturnin. « En plus, on m’a demandé de paie 2000 FCFA pour aller voir la maison. Tu paies tous ces frais, juste pour louer une maison. C’est absurde », a-t-il ajouté.
La loi face aux réalités du quotidien
Interrogé sur les raisons valides d’insister sur la caution de huit mois qu’il demandait pour son ‘’entrée-couchée’’ de 20 000 FCFA par mois, un bailleur n’est pas allé par quatre chemins. « La loi est là, on n’en disconvient pas. Mais est-ce qu’on mange la loi ? J’ai dépensé beaucoup d’argent pour rénover cette chambre ; les matériaux de construction coûtent chers dans ce pays. Il faut quand même que je récupère cette somme dès le début de la location. Trois mois c’est insignifiant », a expliqué ce bailleur, sous le sceau de l’anonymat.
Certains observateurs déplorent le manque de suivi sur l’application de la loi n° 2018-12 du 02 juillet 2018 portant régime juridique du bail à usage d’habitation domestique au Bénin.
« Voter et promulguer les lois c’est bien mais il faut faire un suivi sur son application. Ce qui n’est pas le cas au Bénin. On vote et puis on oublie, croyant que la loi va s’appliquer seule. Il faut sensibiliser les populations à communiquer les cas de non-respect de cette loi aux autorités », a affirmé une source policière. Pour finir, cette dernière a renseigné : « Les démarcheurs et les propriétaires de maison qui font souffrir la population, il faut des dispositions légales pour les punir ; sans cela, cette loi ne sera pas appliquée de sitôt ».