Les recettes budgétaires sont en constante hausse au Bénin, grâce aux réformes de dématérialisation et de simplification des procédures de paiement et de recouvrement d’impôts et taxes au profit de l’Etat. Toutefois, il convient de maintenir l’efficacité des régies financières pour limiter la fraude et l’évasion fiscales et renflouer davantage les caisses publiques.
Par Aké MIDA
Les réformes des régies financières portent leurs fruits au Bénin. Les recettes fiscales et non fiscales collectées au profit du budget de l’Etat s’affichent à 442,68 milliards F Cfa sur une prévision annuelle de 1 840 milliards F Cfa, soit un taux de recouvrement à fin mars dernier de 24,1 %, selon le Rapport d’exécution au 31 mars du budget de l’Etat, gestion 2023 (Rapex, version citoyenne). Comparées à la même période de l’année 2022, les recettes publiques ont connu une augmentation de 63,6 milliards F Cfa, correspondant à une hausse de 16,8 %, précise le document de la Direction générale du Budget du Ministère de l’Economie et des Finances (Dgb/Mef). Les recettes fiscales brutes ont atteint 382 milliards F Cfa, les recettes non fiscales : 49,51 milliards F Cfa et les autres recettes (aides financières extérieures) : 11,161 milliards F Cfa.
Ce niveau de mobilisation des recettes atteint est principalement lié à la bonne collecte de l’argent de l’Etat par les administrations financières, grâce aux réformes qui garantissent leur efficacité. Ces résultats financiers dénotent « de la résilience de l’économie face à l’inflation, aux effets des menaces terroristes dans la sous-région ouest-africaine et de l’efficacité des mesures de soutien au pouvoir d’achat, prises par le gouvernement pour contenir l’inflation », selon Rodrigue Tchaou, directeur général du Budget. Les efforts seront déployés afin de maintenir la performance enregistrée dans la mobilisation des ressources et l’amélioration de la consommation des crédits d’investissement pour l’accélération des projets inscrits au Programme d’action du gouvernement (Pag) 2021-2026, promet-il.
Les recettes budgétaires s’accélèrent depuis quelques années. A fin 2022, elles sont mobilisées à hauteur de 1 694,261 milliards F Cfa, représentant 103 % de la prévision annuelle révisée à 1641,241 milliards F Cfa (Mef, Rapex fin 2022). Et, les recettes fiscales et non fiscales sont en augmentation de 250,218 milliards de F Cfa correspondant à un taux de progression annuelle de 17,3 %.
Santé des régies
Les régies financières ont collecté des recettes brutes à hauteur de 1 577,118 milliards F Cfa en 2022 contre 1 294,820 milliards F Cfa à fin décembre 2021, soit une progression de 282,298 milliards F Cfa correspondant à une hausse de 21,8 % en un an. La direction générale des Douanes a mobilisé 547,735 milliards F Cfa en 2022, en hausse de 107,255 milliards F Cfa par rapport à 2021, soit une progression de 24,3 %. La direction générale des Impôts (Dgi) a recouvré comme produits de recettes fiscales brutes 840,012 milliards F Cfa, soit 144,587 milliards F Cfa de plus qu’en 2021 équivalant à une hausse de 20,8 % en glissement annuel.
Les recettes non fiscales collectées par la direction générale du Trésor et de la Comptabilité publique (Dgtcp) ont atteint 189,370 milliards F Cfa en 2022 contre 158,914 milliards en 2021, soit une hausse de 19,2 % imputable à certains droits et taxes tels que le revenu de l’entreprise et du domaine, les amendes et condamnations pécuniaires.
En somme, les performances des régies financières en 2022 s’affichent à : 105,9 % pour les Impôts, 101,7 % pour la Douane et 127 % pour le Trésor, malgré la situation socioéconomique tendue avec les chocs exogènes (inflation, tensions géopolitiques, guerre russo-ukrainienne).
En revanche, l’Agence nationale du domaine et du foncier (Andf) n’a pas atteint la prévision de 5 milliards F Cfa fixée pour 2022 : le montant mobilisé est de 3,429 milliards F Cfa, soit un taux de réalisation de 68,6 %. Les recettes atteignent 795,5 millions F Cfa au premier trimestre 2023, soit un taux de réalisation de 15,9 % des prévisions annuelles de 2023 de 5 milliards F Cfa.
Les prélèvements du Fonds national des retraites du Bénin (Fnrb) sont de 13,045 milliards F Cfa à fin mars 2023 sur une prévision annuelle de 58 milliards F Cfa, soit un taux de réalisation de 22,5 %. A fin 2022, ils ont atteint 52,472 milliards F Cfa en 2022 sur une prévision de 55,5 milliards F Cfa en 2022, soit une réalisation de 94,5 %.
Quant aux recettes affectées à l’alimentation des dépenses particulières inscrites dans la loi de finances, elles ressortent à 6,595 milliards F Cfa en 2022, en hausse de 46,8 % par rapport à 2021.
Les fonds de concours et recettes assimilées ont atteint 54,646 milliards F Cfa. Le taux de réalisation des autres recettes budgétaires prévues pour 89,150 milliards F Cfa, ressort à 61,3 %. Elles sont mobilisées à hauteur de 10,231 milliards F Cfa au premier trimestre 2023. Les recettes des Comptes d’affectation spéciale (Cas) s’élèvent à 929,8 millions F Cfa.
Le Fisc en mutation
La performance au niveau du fisc est en lien avec la bonne tenue des impôts sur les revenus non salariaux, des impôts sur les biens et services et, des impôts sur les revenus salariaux en lien avec les réformes en cours. En effet, toutes les entreprises utilisatrices des télé-procédures fiscales étaient astreintes à faire la déclaration unique des impôts sur salaires et des cotisations sociales depuis 2020.
La même année, est intervenue la généralisation de la délivrance des factures normalisées lors des transactions. L’adhésion à cette réforme démarrée en 2018 a des effets positifs sur le comportement déclaratif des contribuables via le Système de gestion des machines électroniques de facturation (Sygmef). La réforme du paiement de la taxe sur les véhicules à moteur (Tvm) par téléphonie mobile permet aussi aux contribuables de payer la taxe sans se déplacer dans les guichets de la Dgi, de sécuriser les recettes fiscales.
Les réformes ont également porté sur l’immatriculation à l’Identifiant fiscal unique (Ifu) et l’enregistrement des actes authentiques (Greffes des tribunaux, notaires, huissiers, commissaires-priseurs) et sous seing privé (acte juridique rédigé par les parties à l’acte ou par un tiers dès lors que celui-ci n’agit pas en tant qu’officier ministériel), à travers la plateforme web « e-Enregistrement ».
La plateforme « e-Bilan » conçue de concert avec l’Ordre des experts comptables et comptables agréés (Oecca-Bénin), permet aux contribuables de soumettre les états financiers dématérialisés à l’administration fiscale. Lancée en juin 2019, elle « sonne le glas des difficultés et tracasseries liées à l’élaboration et à la réception des états financiers pour le bonheur aussi bien de l’administration fiscale que des entreprises et autres organisations », à en croire Nicolas Yènoussi, directeur général des Impôts.
Conformément au Plan d’orientation stratégique de l’Administration fiscale (Posaf 2017-2021), d’autres réformes devraient contribuer à « une administration moderne et performante au service de l’usager ». Il s’agit de la mise en place du Fichier des comptes bancaires des contribuables (Ficoba), d’un service permanent d’accueil et d’écoute au sein de la Dgi (numéro vert), de l’interconnexion des Centres d’impôts des petites entreprises (Cipe) et des Centres d’impôts des moyennes entreprises (Cime) hors périmètre du Projet d’appui à l’accélération des recettes intérieures du Bénin (Paarib), du Business intelligence (Bi).
Encore du chemin !
En somme, les performances enregistrées sont la résultante de la politique d’élargissement de l’assiette fiscale déployée par le gouvernement, de la digitalisation des services offerts par les régies et de la généralisation des machines électroniques certifiées de facturation. A cela s’ajoutent les réformes d’interconnexion des bases des contribuables, d’exemption de pénalités pour les déclarations spontanées des opérations antérieures, de renforcement de la qualité du management au niveau des administrations financières. L’opérationnalisation d’une plateforme d’échanges automatiques de renseignements budget-impôts-douane, la réduction et l’harmonisation du coût des actes fonciers, la mise en place du cadastre, contribuent à renflouer les caisses de l’Etat et à assurer la stabilité du cadre macroéconomique du pays.
Toutefois, malgré la hausse globale des recettes publiques, le déficit budgétaire reste important. Par exemple, le solde global des opérations budgétaires ressort déficitaire à 37,561 milliards F Cfa à fin mars 2023, selon le Rapex à fin mars. La politique fiscale du gouvernement est orientée vers la sécurisation des recettes, l’élargissement de la base imposable et l’amélioration des services rendus aux contribuables, en vue d’atteindre progressivement la norme communautaire (Uemoa) de 3,0 % pour le déficit budgétaire, en passant de 4,3 % en 2023 à 3,7 % en 2024 puis 2,9 % en 2025.
Le Fonds monétaire international (Fmi) a identifié quatre priorités pour améliorer la gouvernance des opérations fiscales et douanières, dans le Rapport 2022 Bénin – Diagnostic de la Gouvernance (Fmi, février 2023). Il s’agit, primo, de la fixation des objectifs de recettes fiscales et douanières reposant sur la définition d’un cadre théorique d’évaluation des besoins de financement des dépenses publiques, la détermination du potentiel fiscal non taxé du pays. A cet effet, une Stratégie de recettes de moyen terme (Srmt) est prévue pour être adoptée fin septembre 2023.
Secundo, le Fmi recommande la modernisation de la gestion des ressources humaines, à travers le développement d’outils de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences, la transparence des rémunérations et la valorisation des compétences (technicité, ampleur des responsabilités).
Tertio, la réduction au maximum des ilots restants de gestion manuelle et la mise en place d’un système de mesure de l’impact de la digitalisation sur les comportements déviants s’avèrent nécessaires dans la lutte contre la corruption au sein des administrations.
Quarto, le renforcement de la lutte contre la fraude fiscale et douanière passe non seulement par une bonne gouvernance des recettes, mais aussi la prise en compte des spécificités de l’économie béninoise dans la gestion du risque fiscal et douanier. En fait, le niveau de mobilisation des recettes dépend fortement du marché international en général et des échanges avec le Nigeria en particulier. Pour le Fmi, la compétition fiscale régionale et la modernisation des procédures et des méthodes et l’identification des signaux d’alerte sur des opérations à forte probabilité de fraude et de collusion constituent des enjeux majeurs.
Encadré
Porter la pression fiscale à 14 % en 2026
Les projections des services du ministère de l’Economie et des Finances (Mef) annoncent la mobilisation des recettes intérieures pour 1 994,369 milliards F Cfa en 2024, 2 215,284 milliards en 2025 et 2 441 milliards en 2026, selon les projections contenues dans le Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle 2024-2026 (Dpbep/Mef, avril 2023). La politique budgétaire de l’Etat sur le triennal met l’accent sur le renforcement des régies financières, la digitalisation du paiement des recettes au niveau des représentations diplomatiques et consulaires, l’élargissement de l’assiette fiscale et la fiscalisation du commerce électronique.
Chiffré à 11,2 % du produit intérieur brut (Pib), le taux de prélèvement fiscal au Bénin est en dessous de la moyenne de l’Union économique et monétaire ouest-africaine qui est de 12,9 % en 2021, le Rapport 2022 Bénin – Diagnostic de la Gouvernance (Fmi, février 2023). Le gouvernement ambitionne de porter le taux de pression fiscale à 13,2 % en 2024 puis à 14,0 % en 2026, d’après le Dpbep 2024-2026. Pour ce faire, il convient d’élever le niveau d’adhésion au système fiscal et douanier, en s’appuyant sur le secteur informel qui concentre encore une large proportion d’opérateurs économiques.
A.M.
Etat des recettes brutes des administrations financières en 2021 et 2022
Les performances des régies financières sont soutenues par les effets positifs de la politique d’élargissement de l’assiette fiscale déployée au moyen des réformes structurelles
Part des services dans la mobilisation des ressources du budget de l’Etat, gestion 2022
Les belles performances des régies financières ont permis d’accroître les produits de recettes budgétaires recouvrées en 2022